Hommage A Albert Camus 1913-1960

Je crois qu'il a été heureux, ces derniers mois, en plus de la gloire. C'est déjà beaucoup, peut-être. Il était comme délivré, et mûri en même temps, ce qui va, en effet, souvent ensemble. Je lui en ai fait la remarque deux fois, au début de septembre et au mois de novembre : " Mais vous êtes superbe. " Il a ri chaque fois. Il n'avait pas l'air d'y avoir pensé. Ou bien il ne voulait pas. Il n'aimait pas les confidences : pas trop d'intimité. Seulement, je ne me trompais pas, j'en suis sûr. Son visage était reposé, uni, sous le hâle des vacances. Il avait changé. Tous les traits étaient à leur place dans une sorte d'ordre naturel. Ils ne devaient plus avoir besoin de bouger. On aurait dit un visage de cultivateur, avec la finesse en plus, naturellement, l'insistance du regard, le sourire mi-sarcastique, mi-gêné qui trahissaient l'intelligence aux aguets. En tout cas, il faisait plus facile à vivre, plus indulgent peut-être, ou alors plus détaché.