Nous ne pouvons guère entendre invoquer la liberté (et tout aussi bien la tradition, la justice, l'égalité) sans nous demander (avec un peu d'agacement): mais enfin est-ce qu'il y a réfléchi? Est-ce qu'il réalise ce que c'est que la liberté ou la justice? Ou bien est-ce que simplement il sait que c'est une idée qui fait bien, une idée remarquable, que nous nous accordons tous pour révérer. A laquelle nous sommes tous prêts à nous soumettre. Du coup, nous cessons de communiquer avec lui. Il se produit dans notre lecture une sorte de court-circuit à propos de cette phrase: le cliché. De cette phrase qui dès lors nous semble la raison et en tout cas le lieu du court-circuit. De cette phrase qui nous paraît subitement privée de sens, fait de purs mots sans signification - puisque nous ne savons justement quel sens leur attribuer. C'est n'est pas l'auteur, c'est le "lecteur" de lieux communs qui se trouve brusquement tout accablé de mots et de phrases creuses. Seulement il arrive en de tels cas que tout naturellement nous projetons notre embarras sur la personne, ou l'objet qui l'a causé. C'est ainsi que le marbre nous paraît froid; et la couverture de laine nous paraît chaude. Et l'auteur de lieux communs empêtré de langage. Mais c'est nous seuls qui le sommes.
- Bref, vous voyez une illusion de projection à la base des doctrines littéraires de Gourmont ou de Schwob.
- Oui. Comme à la base de toute illusion des grands mots; de toute illusion de verbalisme. Remarquez encore qu'il s'agit d'une projection inversée. Le lecteur hésite entre deux sens possibles et finalement s'accroche au mot défectueux qui permet ces deux sens. Il ne voit plus que ce mot. Il lui semble que ce mot est la cause de tout le mal. Pourtant, ce qu'il reproche à l'auteur c'est d'être parti de ce mot, de s'être laissé guider par lui. Il le voit à l'envers. je ne crois pas exagéré de dire que nous voyons la littérature à l'envers. Passe encore pour le simple lecteur, vous et moi. Quand c'est la critique littéraire, quand ce sont tous les critiques à la fois, cela devient beaucoup plus grave.
Connaissez-vous l'histoire de Mina?
- Je ne me la rappelle pas.
- Eh bien, cette Mina est une fille de roi. Et bien entendu, mal élevée comme toutes les filles de roi. On lui donne tout ce qu'elle veut. De sorte qu'elle n'a jamais le temps d'être malheureuse. Ni, bien entendu, d'être heureuse. Mais un jour, à travers les grilles, elle voit une paysanne qui rit avec son amoureux. Bien surprise. Le lendemain, la même paysanne qui pleure: son amoureux lui a fait un vilain tour. Et Mina, plus surprise encore. La voilà qui saute la grille, et s'en va dans le monde. Elle observe, elle prend des notes, elle arrive à savoir à peu près quand il faut pleurer, et quand il faut rire. Mais elle s'y est prise trop tard, elle ne le sais jamais si bien qu'elle ne se trompe parfois et ne rie quand il faudrait pleurer. Ça lui fait une vie difficile.
Il y a des cas où l'on a affaire à des gens tellement inquiets que toute la clarté du monde n'y fait rien. (p.17)
Le cahier de doléances des habitants de Caillan (Languedoc) en 1789, demande que tous les français soient anoblis.
Christine Ferret, conservatrice des bibliothèques, adjointe au service Art, département Littérature et art de la BnF, vous propose un programme de lectures autour des peintres qui ont influencé Henri Cartier-Bresson :
- « Piero della Francesca », Alessandro Angelini, Imprimerie nationale, 2014 https://c.bnf.fr/NLC
- « Paolo Uccello », Mauro Minardi, Imprimerie nationale, 2017 https://c.bnf.fr/NLF
- « Oeuvres complètes », tome 2, Jean Paulhan, Gallimard, 2009 https://c.bnf.fr/NLI
- « Photographie », Henri Cartier-Bresson, Delpire, 1989 https://c.bnf.fr/NLL
- « Elle, par bonheur, et toujours nue », Guy Goffette, Gallimard, 1998 https://c.bnf.fr/NLO
- « L'Atelier d'Alberto Giacometti », Jean Genet, l'Arbalète, 1992 https://c.bnf.fr/NLR
- « Lettres sur Cézanne », Rainer Maria Rilke, Seuil, 1991 https://c.bnf.fr/NLU
En savoir plus sur l'exposition Henri Cartier-Bresson. le Grand Jeu : https://www.bnf.fr/fr/agenda/henri-cartier-bresson
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