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sur 438 notes
Voilà un roman à l'ambition assumée : raconter sous forme romanesque les premières années de la décennie sanglante algérienne, en développant une thèse forte qui ferait de ces années 1990 la matrice du terrorisme islamiste contemporain. Entre tabous et secrets défense, le terreau historique brûle les doigts et appelle à la vigilance, questionnant une mémoire encore très douloureuse afin d'expliquer les mécanismes complexes de la logique terroriste. Il s'agir là du premier volet d'une trilogie.

Le roman commence en 1992 avec la rupture du processus électoral en Algérie par l'armée qui organise un putsch afin d'empêcher les islamistes du FIS - qui ont remporté les élections législatives – d'arriver au pouvoir, prétexte à l'installation d'une dictature qui ne dit pas son nom. Les généraux dits «  janviéristes » sont prêts à tout pour conserver le pouvoir dans un contexte de guerre civile lorsqu'apparaît le GIA, groupe terroriste djihadiste.

Frédéric Paulin choisit judicieusement de croiser plusieurs destins, des personnages fictifs croisant et côtoyant des personnes ayant réellement existé ( par exemple Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d'attentats ayant frappé la France durant l'été 1995 ), tous liés par la tragédie qui se noue au fil des pages.

Le récit est forcément foisonnant, extrêmement documenté, complexe de fait, mais tellement bien construit que jamais on ne perd le fil des diverses narrations, même si le lecteur a comme moi une piètre connaissance du sujet. Sans doute, le glossaire et la chronologie finale aident, ainsi que les habiles « points sur la situation » que font les personnages sous la forme de bulles de pensée. Mais ce qui raccroche le lecteur, ce sont justement ces personnages, tous d'une grande densité psychologique.

Notamment, le principal, le lieutenant Benlazar, très beau personnage d'agent français de la DGSE chargé de surveiller le DRS ( Département du renseignement et de sécurité – les services secrets algériens ). C'est à travers lui qu'on plonge dans le chaos. Tourmenté, déchiré entre ses origines algérienne et française, toujours au bord du gouffre, il vit la solitude opiniâtre de celui qui sait sans être cru lorsqu'il découvre l'implication des généraux au pouvoir et de leurs services secrets dans de sombres projets, entre collusion avec le GIA, exactions en tout genre et volonté d'exporter en France le terrorisme islamiste afin de conserver son soutien.

Tortures, enlèvements, attentats rythment des chapitres nerveux, sous tension permanente, pas très loin de l'ambiance macabre et paranoïaque des grands romans de James Ellroy sur l'histoire des Etats-Unis, notamment lorsqu'il dévoile l'existence de camps de rétention à la Guantanamo comme celui d'Aïn M'guel dans le Sud du pays. Ce récit qui navigue entre roman noir, d'espionnage et historique est puissant, sans excès démonstratifs et surtout sans manichéisme. Glaçant, souvent sidérant, toujours passionnant.
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Un livre noir, très noir ! Peut-être trop noir, car à force de ne rechercher que la noirceur, on peut devenir ennuyeux et déprimant.

La plupart des événements prennent place en Algérie, entre 1992 et 1995, soit au début de la guerre civile qui fit plus de cent mille morts dans le pays, et qui prit fin quelques années plus tard, à l'arrivée à la présidence d'Abdelaziz Bouteflika. On rappelle que le conflit se déclencha lorsque l'armée algérienne, de conviction laïque et nationaliste, annula des élections sur le point de donner la victoire aux fondamentalistes du FIS, le Front Islamique du Salut. Au-delà de ce fait avéré, difficile de dire si le contexte historique dans lequel se situe l'intrigue du roman correspond à une réalité vérifiée ou s'il s'agit d'une thèse de l'auteur.

La narration met aux prises des personnages des services secrets français et algériens, du haut commandement de l'armée algérienne, et du GIA, le Groupe Islamique Armé, l'organisation terroriste de sinistre mémoire qui sera mise en cause dans les attentats de 1995 à Paris et à Lyon. L'auteur mêle les personnages fictifs et des personnalités ayant effectivement existé : des hommes politiques français, des terroristes islamistes passés à l'action en France.

L'intrigue est extrêmement complexe et malgré de longues et répétitives explications, je ne suis pas certain d'avoir saisi les intérêts des uns et des autres, d'avoir compris qui manipule qui, ni d'avoir fait la part des ambitions secrètes, des compromissions et des retournements de vestes.

De quoi s'agit-il ? le personnage principal, Tedj Benlazar, est lieutenant à la DGSE. Ce Français d'origine algérienne a l'intuition d'une terrifiante conspiration imaginée par des officiers algériens. Leur projet serait d'infiltrer le GIA pour lui faire porter le chapeau de massacres qui, en discréditant les religieux, consolideraient le pouvoir de l'armée. Certains massacres pourraient même être programmés en France … pour des motifs tortueux dont je ne me souviens plus... Tant pis !

Conformément aux canons de la littérature policière de base, le lieutenant Benlazar ne parvient pas à convaincre ses supérieurs, des faibles ou des naïfs comme il se doit. Il est vrai que la plupart n'ont jamais mis le pied en Algérie. Pour ne rien arranger, Benlazar est lui-même aux prises avec des souvenirs et des tracas personnels dramatiques, qu'il occulte plus ou moins. Une partie romanesque plutôt tirée par les cheveux, où apparaissent des personnages secondaires, dans des rôles bancals, éphémères et sans utilité.

Très peu de mouvement dans ce livre qui se voudrait captivant. Les chapitres se suivent, sans rythme, sans surprise. Cela donne un texte sans âme, monocorde, constitué de phrases courtes et rudimentaires, au vocabulaire et à la syntaxe simplistes.

L'auteur a pu être inspiré par Pukhtu, un exceptionnel roman de guerre dans l'Afghanistan d'il y a une dizaine d'années. Malheureusement, La guerre est une ruse est loin d'atteindre le niveau de ce thriller romanesque complexe et très violent, qui m'avait passionné et tétanisé en même temps.

Je me méfie toujours – peut-être à tort ! – des thèses complotistes sur des manipulations « secret défense ». En tout cas, elles ne me fascinent pas. J'ai donc juste trouvé le livre ennuyeux et sinistre, avec une forte envie d'arriver vite à la fin, non pas parce que j'en attendais le dénouement avec fébrilité – j'aurais d'ailleurs été déçu ! –, mais simplement pour pouvoir passer à autre chose.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Dès les premières pages, on est au jus : un agent français rencontre discrètement l'un de ses « honorables correspondants ». Enfin, discrètement… le commandant algérien a soudain l'impression d'être surveillé. Et, dans les jours qui suivent, les deux hommes disparaissent dans des accidents bien pratiques…

Et dès lors, tout s'enchaîne. Rémy de Bellevue se retrouve rapidement obligé de rentrer à Paris, privant le bureau en Algérie de son immense expérience du terrain et de ses réseaux. Tedj, après avoir dû retourner à Paris, après avoir mis un en danger de ses informateurs, revient à Alger. Et la situation continue à se dégrader.

Ce qui est impressionnant, dans ce livre, c'est à la fois la description assez « clinique » de la situation, des intrigues des services, de la concurrence entre les agents – on ne peut pas dire que la bienveillance soit vraiment de mise ! -, associée à une atmosphère très étouffante, autant du fait du climat que de l'angoisse de la population.

Ce qui est très malin, également, c'est la façon qu'a Frédéric Paulin de mêler la grande Histoire – les événements en Algérie, la montée du FIS et ses conséquences, la politique en France et son influence en Afrique… – avec l'histoire individuelle de ses acteurs. Ici, le roman nous fait partager la vie de Rémy de Bellevue, et celle de Tedz Benlazar, en particulier. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce sont de sacrés personnages !

On suit également de nombreux autres personnages, des agents algériens, des agents français, de simples citoyens de chaque côté de la Méditerranée, broyés par un système…

Il y a un seul point, dans la construction, auquel je n'ai pas totalement adhéré. Par moments, alors que la narration passe d'un personnage à un autre, on se retrouve avec des retours en arrière dont on ne voit pas forcément la nécessité. Mais cela reste un épi-phénomène, même si, à au moins deux reprises, j'ai relu quelques pages déjà passées pour vérifier qu'il n'y avait pas confusion.

Une vraie histoire de barbouzes, sérieux, informé, et qui nous renvoie à des événements que – pour les plus de 35 ans, encore – nous n'avions probablement pas compris pour ce qu'ils étaient…
Lien : https://ogrimoire.com/2019/0..
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Zoom sur Frédéric Paulin en ce vendredi matin toujours confiné. A 48 ans, et après avoir changé de vie et tombé dans l'écriture voilà une quinzaine d'années, ce grand nom du polar récompensé par le prix des lecteurs Quais du polar – 20 Minutes, a changé de braquet il y a trois ans avec une formidable trilogie, qui marche dans les pas de James Ellroy .
Son roman," La Guerre est une ruse", disponible désormais en poche chez Folio ( juste avant que les librairies ne ferment) constitue le premier volet d'une trilogie replonge les lecteurs dans la « sale guerre » que l'Algérie a livrée au terrorisme islamiste au début des années 1990.
Frédéric Paulin nous offre une fresque d'une densité remarquable sur l'Algérie du début des années 90 quand le monde bascula dans le terrorisme et l'intégrisme.
Assurément politique - pour Paulin comme il l'a dit dans une longue interview à Libération, le roman noir doit être engagé et ne pas parler d'histoires de sérial killer, ce premier volet tient pas mal roman d'espionnage, dressant le portrait d'une Algérie meurtrie et rongée de l'intérieur.

Dans un style très documenté, factuel, à l'os, Paulin plonge ses lecteurs dans ce qu'on appelé " la sale guerre", celle que l'Algérie et son gouvernement plus que contestable livrait au terrorisme islamiste il y a désormais trente ans et qui selon Paulin aura amené les tragiques attentats des décennies postérieures, de celle du 11 septembre 2001 à celle du 13 novembre 2015.

"Les flics, les historiens, les journalistes et tous ceux qui écrivent l'histoire officielle retiendront que le 11 juillet 1995 la folie algérienne a traversé ‘‘la mer blanche du milieu''

Paulin, loin des livres d'histoire où les héros sont glorifiés préfèrent parler des politiciens, magistrats ou de policiers plus corrompus encore que les criminels .

L'auteur au physique de baroudeur ( et aux faux airs du chanteur un peu oublié Dominique Dalcan) livre une vision assez sombre des histoires nationales, en restant dans le domaine de la fiction , mais toujours très proche de la réalité des faits, Paulin s'appuyant sur une base documentaire particulièrement solide.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un polar, un thriller, un roman noir ou d'espionnage... peu importe le qualificatif que vous lui octroierez, il y a un peu ou beaucoup de chacun dans cet ouvrage aux vertus historiques et pédagogiques.
Car sous couvert de destins qui se croisent ( c'est un peu leur raison d'être ( sourire )), l'auteur profite de ces vies dont l'histoire avec une minuscule se heurte à celle avec une majuscule, pour nous "expliquer" l'incroyable imbroglio qui plongea l'Algérie des années quatre-vingt-dix dans une violente et sanglante guerre civile qui fit un nombre de victimes dont les chiffres varient entre 150 et 700 000 morts.
La difficulté dans ce genre de chronique, c'est que s'adressant à des générations différentes, il n'est pas évident de savoir pour certains ce que fut la guerre d'indépendance de l'Algérie, indépendance acquise en 1962 avec les Accords d'Évian, et si presque tout le monde a entendu parler des Pieds Noirs, moindrement des Harkis, il n'est pas simple d'expliquer ce que fut le FLN, l'OAS, qui furent Ben Bella et Boumédiène et ce que devint l'Algérie postcoloniale qui donna naissance à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix au FIS, au GIA et un "état terroriste".
Vous le savez et si vous l'ignorez, laissez-moi vous rappeler que le pouvoir algérien ayant organisé en décembre 1991 des élections législatives, le FIS ( Front islamique du salut ) parti politique créé en 1989 par des islamistes tels Abbassi Madani, Hachemi Sahnouni, Ali Belhadj, Said Guechi, Adelbaki Sahraoui, et Kamel Guemazi ( que l'on retrouve dans le roman ), se trouve après le premier tour du scrutin sur le point de remporter les élections en question.
L'armée ( au pouvoir depuis l'indépendance ) prend peur, et au prétexte du danger du basculement du pays en un État islamique dont la constitution serait remplacée par la charia, priverait en plus les militaires des fruits de la manne du pétrole et du gaz... les élections sont annulées et le FIS dissout en mars 1992.
Le FIS devenu hors la loi, paria, ses militants traqués, arrêtés, torturés, exécutés, devient une organisation clandestine et "terroriste".
L'armée pour se refaire "la cerise", se donne le beau rôle en se présentant comme le seul rempart à l'islamisme et à sa terreur.
Pour cela il faut qu'elle sème elle-même la terreur, en la faisant endosser par le FIS et le GIA.
Des escadrons de la mort sont créés.
Des camps de concentration "secrets" sont ouverts dans le sud algérien.
Bref, "Au cours de l'année 1997, plus de 350 journalistes de la presse internationale se rendent en Algérie pour comprendre qui tue ? À l'effroi des récits de rescapés, le doute s'immisce quant à la responsabilité de ces massacres .
« Les massacres collectifs de cette année se sont déroulés dans…. Sont-ils l'oeuvre du GIA (groupe islamique armé), d'escadrons de la mort ? Comment expliquer la non-intervention des soldats de l'armée nationale populaire ? Ces doutes ont vite laissé place aux accusations.
Pour les uns, la responsabilité du GIA ne fait aucun doute, ce dernier ayant d'ailleurs revendiqué ces tueries. Pour les autres, le GIA est en fait un “Groupe infiltré armé” qui obéit aux services de l'armée et réalise la “sale guerre” que l'armée nationale se refuse à pratiquer.
Loin d'être un épiphénomène dans la guerre civile (quelques centaines de civils sur plus de 100.000 victimes), les massacres sont révélateurs de la nature de l'État, de l'imaginaire et de la stratégie des protagonistes ."
C'est dans ce contexte que nous faisons la connaissance de Tedj Benlazar, un agent tout cabossé de la DGSE, ancien para qui a survécu à l'attentat de Beyrouth contre l'immeuble Drakkar qui causa la mort de cinquante-huit parachutistes français en 1983, Benlazar qui n'a que des rapports téléphoniques avec sa femme et ses deux filles restées en France.
Avec Rémy Bellevue, son supérieur, surnommé "le Vieux", et qui a toujours un coup d'avance ; ce qui en clair signifie qu'il a compris les rapports consanguins entre l'armée algérienne et le GIA.
Il y a Gh'zala Boutefnouchet, une bellissime étudiante, fiancée à Raouf Bougachiche, un membre du FIS que l'armée a retourné, future belle-soeur de Slimane Bougachiche le frère, militaire devenu une bête à tuer ; Gh'zala dont va passionnément s'éprendre Benlazar.
Il y a Fadoul Bousso, enseignante tchadienne qui a quitté à N'djamena pour vivre avec Rémy Bellevue.
Ces personnages centraux ainsi que les "seconds rôles "sont des visions, des accroches de la question algérienne, du post et du néo-colonialisme des puissances qui rivalisent pour mettre la main sur le continent africain, de la France Afrique, de la place et du rôle des femmes tant en Occident et dans ses démocraties qu'en Afrique et dans ses pays totalitaires.
Benlazar et Bellevue, envers et contre tout vont tenter de prouver à leur hiérarchie ( Mitterrand, Balladur, Pasqua, Chirac...) l'implication de l'armée dans le terrorisme imputé aux seuls islamistes, et tenter de déjouer la guerre prête à s'exporter dans l'hexagone.
Malheureusement, je ne dévoile rien, vous vous souvenez du détournement et de la prise d'otages du vol d'Air France 8969 en décembre 1994, de l'attentat du RER en 1995 et un nom que vous n'avez pas oublié : Khaled Kelkal.
Pour les plus jeunes, je les renvoie au film de Xavier Beauvois - Des hommes et des dieux -, qui raconte l'enlèvement et l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996... enlèvement et meurtre dans lequel il est quasiment sûr que GIA et armée algérienne ont oeuvré main dans la main.
C'est dans ce contexte très lourd humainement, politiquement et historiquement que se situe - La guerre est une ruse -.
J'avoue avoir été davantage intéressé par L Histoire avec un grand H que par les histoires des protagonistes peu approfondies, quelquefois tirées par les cheveux d'une nécessité romanesque moins à l'aise dans ce genre que lorsque Frédéric Paulin essaie de démêler les fils politiques du récit et d'offrir une thèse qui fait mieux que tenir la route.
L'écriture est celle d'un bon polar.
L'auteur ne se perd pas dans sa trame.
Les personnages ont de la consistance à défaut d'avoir tous et toujours de la crédibilité.
Cela étant, je ne me suis pas ennuyé une seconde à la lecture du premier tome de cette trilogie... qui a le mérite d'avoir été entreprise... car ce sujet s'il fut notre hier, est encore notre aujourd'hui, et sera inévitablement notre demain.
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Premier volet d'une trilogie dédiée au terrorisme islamiste, ici l'auteur remonte à la genèse de la ramification algérienne durant la décennie noire et risquant de toucher peu à peu le sol français tant les magouilles entre politiciens des deux côtés de la Méditerranée se confondent.
Tedj Benlazar est un officier de la DGSE envoyé en mission en Algérie afin d'espionner et rendre des comptes sur les agissements de ses équivalents algériens à savoir le DRS. Et comment dire qu'il ira de surprises en surprises, de la découverte de prisons secrètes dans le désert algérien où n'importe quel pinpin peut se faire interner, à celle où il est évident que parfois les terroristes ne sont pas seulement ceux qui sont nommés comme tels. Car oui les renseignements algériens sont ici dépeints comme étant de véritables salauds. Et tout cela a bien sûr depuis été prouvé, d'ailleurs l'auteur bien que narrant une fiction se base sur de nombreux faits historiques dont une chronologie nous aide à y voir plus clair en fin d'ouvrage.
L'écriture est addictive et magistrale, et en pleine lecture de ce premier tome j'ai acquis les deux suivants chez mon libraire ! Ils attendent sagement dans ma PAL. Et il faut bien avouer que j'ai adoré le personnage de Tedj Benlazar car il est loin d'être lisse et cache de nombreuses failles ce qui en font sa force aussi et notre attachement de lecteur à un personnage sympathique, du moins de mon point de vue.
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Après avoir visité l'exposition de Depardon et Kamel Daoud sur l'Algérie, à l'institut du monde arabe, j'ai eu envie de rafraichir ma mémoire sur la guerre civile des année 90. Ce livre tombait à pic. L'auteur a rassemblé toutes les informations qu'il a trouvées pour construire le cadre de son roman, il y a ajouté quelques personnages fictifs et construit une docu-fiction sur cette époque. le résultat donne une bonne image du panorama politique délétère, et du double jeu des militaires au pouvoir. le genre a cependant ses limites. Ce n'est ni un vrai documentaire, ni seulement un roman. Pour qui ne maitrise pas cette page d'histoire, c'est un peu frustrant de ne savoir où passe la limite entre réel et fiction. J'en retiendrai donc surtout le contexte général. Pour le reste, le roman est bien construit, noir et glauque à souhait.
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Algérie 1992. Alors que le Front Islamique du Salut, parti islamiste,est sur le point de arriver au pouvoir après le 1° tour des élections, l' armée déclare l' état d' urgence et met fin au processus démocratique.Le pays sombre alors dans la violence .Apparition du GIA de triste mémoire et de l' autre côté , une armée intransigeante.Les massacres sont quotidiens . Il y aura 100000 morts
Mais tout n'est pas si simple et c'est là tout l'interet du roman.Au début, le livre peut paraître compliqué puis , au fil des pages, il monte en puissance à mesure que les enjeux politiques algériens mais aussi français prennent le dessus
Le jeu devient alors plus complexe aussi bien sur le terrain que sur le plan diplomatique et la fin du livre est palpitante. Malgré un début un peu long, un excellent thriller géopolitique
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On recense près de six cent ouvrages publiés qui se bousculent sur les présentoirs des librairies, à l'occasion de la rentrée littéraire où la logique de diversité cède peu à peu le pas à un constat plutôt effrayant où l'on s'aperçoit que le livre est en train de tuer le livre. Difficile, dans un tel contexte, qu'un ouvrage puisse émerger ou que l'on soit capable de le désigner comme étant le grand roman de cette rentrée à moins d'avoir lu l'ensemble des livres parus. Pourtant il convient d'affirmer haut et fort que La Guerre Est Une Ruse de Frédéric Paulin figure justement parmi les romans qui vont compter dans ce paysage littéraire encombré et qu'il faut impérativement découvrir ce récit remarquable qui couvre la période trouble des événements méconnus de la guerre civile d'Algérie des années 90 jusqu'au terrible attentat du RER à la station Saint-Michel. Première partie d'une trilogie annoncée, les éditions Agullo ne se sont pas trompées en accueillant dans leur collection leur premier roman français intégrant, avec une rare intelligence, une intrigue prenante où les faits historiques s'enchevêtrent à la fiction permettant d'appréhender avec une belle clairvoyance les contours d'une situation géopolitique complexe mais ô combien passionnante.

En 1992, l'Algérie entre dans une phase sanglante de répression avec l'armée prenant le contrôle du pays en interrompant le processus législatif qui voit la victoire des partis islamistes. Ce sont désormais quelques généraux, les «janvieristes», qui tiennent les rênes du pouvoir. Dans ce contexte de guerre civile, Tedj Benlazar, agent du DGSE, observe les rapports troubles et les liens étranges qui s'opèrent entre le DRS, puissant Département du Renseignement et de la Sécurité et les combattants du Groupe Islamique Armé. Manipulations, infiltrations, tous les moyens sont bons pour ces militaires s'accrochant au pouvoir afin de faire en sorte d'obtenir le soutien de la France pour poursuivre leur combat acharné contre les groupuscules terroristes, quitte à exporter le conflit du côté de l'ancienne métropole. Localisation d'un camp de concentration, évasion massive d'un pénitencier et autres rafles féroces dans la casbah, Tedj amasse les preuves et les renseignements sans parvenir à convaincre sa hiérarchie. Il y a pourtant urgence, car des hommes déterminés comme Khaled Kelkal sont prêts à déverser leur haine et leur folie destructrice dans les rues de Paris.

Perspicacité et efficacité, à n'en pas douteur le lecteur se retrouve rapidement embarqué dans ce contexte historique intense où l'on découvre cette décennie noire de guerre civile qui ensanglanta l'Algérie au début des années 90. En débutant son récit par la localisation d'un « camp de sûreté » à Aïn M'guel, une région désolée subsaharienne où la France effectua des essais nucléaires sans prendre la moindre précaution vis à vis des habitants victimes, aujourd'hui encore, des effets radioactifs dévastateurs, l'auteur parvient en quelques chapitres à saisir aussi bien les effets pernicieux de la colonisation que les exactions des autorités algériennes tenant à tout prix à éviter que le pays ne devienne un république islamique. Partant de ce principe, tous les moyens sont bons pour y parvenir. Tortures, infiltrations, manipulations et déportations massives, dans un climat de violence institutionnalisée, Frédéric Paulin dresse un panorama sans concession et absolument captivant des officines qui contribuèrent à maintenir au pouvoir une clique de militaires détenant une légitimité imparable en se proclamant « sauveurs de l'Algérie ».

Parce qu'il parvient à concilier un souffle romanesque dans une dimension historique où les personnages fictifs côtoient les acteurs réels qui ont joué des rôles importants durant cette période meurtrière à l'instar de Khaled Kelkal ou du général Toufik ; parce qu'il parvient également à mettre en scène des faits tangibles, mais méconnus, qui ont marqué l'actualité algérienne à l'exemple de ces 1'200 prisonniers qui se sont évadés du pénitencier de Tazoult, Frédéric Paulin entraîne le lecteur dans le tumulte de cette guerre civile en mettant en perspective l'attentisme des autorités françaises soucieuses de préserver leurs intérêts économiques sans trop vouloir s'impliquer dans cette lutte armée qui pourrait ressurgir sur leur territoire. Et c'est bien évidemment tout ce basculement du conflit d'un pays à l'autre que l'auteur décrit avec une précision minutieuse tout au long de cette fresque dantesque qui prend l'allure d'un réquisitoire sévère ne versant pourtant jamais dans la diatribe vaine et inutile.

Avec un texte précis dont l'énergie folle nous rappelle les meilleurs romans d'Ellroy, Frédéric Paulin, en conteur hors pair, parvient à saisir, avec une acuité déconcertante, toute la densité d'une situation géopolitique complexe sans pour autant perdre le lecteur dans la multiplicité des intentions parfois contradictoires des diverses factions rivales. C'est en partie dû au fait que l'on suit, avec constance, les pérégrinations de Tedj Benlazar, cet agent du DGSE qui devient le témoin de ces circonvolutions historiques d'une époque trouble en bénéficiant de l'aide et du regard avisé de son mentor vieillissant, le commandant Bellevue, vieux briscard des renseignements français. Plongé au coeur de l'action, le personnage de Tedj Benlazar ramène constamment le lecteur vers une dimension plus humaine des terribles événements qui ponctuent cette intrigue au souffle à la fois dense et épique. Et pour compléter ce regard plus terre à terre, on appréciera également, dans le registre des personnages fictifs, ces portraits de femmes que l'on croise au cours du récit en apportant toute une palette d'émotions salutaires permettant d'entrevoir tout l'aspect tragique des victimes collatérales à l'instar de Gh'zala fille de la Casbah ou de Fadoul, la maîtresse de Bellevue. Bien plus que des faire-valoir, ces femmes de caractère contrent les velléités des bourreaux tout en faisant face à leur destin en incarnant une certaine forme de résistance qui prendra probablement plus d'importance dans la suite de cette trilogie annoncée.

Vision saisissante d'une guerre civile à la fois méconnue et monstrueuse basculant imperceptiblement sur la thématique anxiogène du terrorisme frappant les nations occidentales La Guerre Est Une Ruse est un roman essentiel nous permettant de poser un regard lucide sur ce personnage du terroriste que l'on aurait tendance à nous présenter comme un monstre sorti de nulle part à l'image de ce que l'on a pu faire avec le phénomène des sérial killers. Exactions, radicalisations et manipulations, ce constat clairvoyant n'en est pas moins effrayant car Frédéric Paulin place l'humain au coeur du récit avec tout ce qu'il y a de plus terrible pour qu'il puisse parvenir à ses fins, quitte à employer la ruse comme moyen ultime. Un roman époustouflant qui laisse présager une suite dont la force d'impact ne manquera pas de heurter le lecteur de plein fouet.



Frédéric Paulin : La Guerre Est Une Ruse. Editions Agullo 2018.

A lire en écoutant : Rock El Casbah de Rachid Taha. Album : Tékitoi. Barclay 2004.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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« Et puis la tristesse, le deuil, en Algérie, de nos jours, c'est comme le sable dans le désert : des milliards de grains, les uns contre les autres, une étendue tellement vaste qu'on n'en voit pas la fin. »
1994, une année noire pour les Algériens pris au coeur d'une guerre civile que se mènent les diverses factions islamistes et les militaires à la tête du gouvernement. Décapitations, tortures, emprisonnements arbitraires, espionnage, exécutions sommaires, actes terroristes, filatures, explosions, chantage et menaces illustrent le quotidien dans lequel baigne l'Algérie en ce début des années 1990. Une toile de fond formée de sombres entrelacs se déployant dans un épouvantable chaos orchestré par des hommes sans scrupule et assoiffé de pouvoir, aux desseins mystérieux sur lesquels les services secrets français achoppent.
De nombreux personnages peuplent ce roman aux multiples imbroglios et aux revirements inédits, dans une narration nerveuse qui sied bien au récit. J'en ai apprécié le montage et la portée historique, les relations franco-algériennes demeurant délicates et parfois sous haute tension.
La guerre est une ruse étant le premier tome d'une trilogie, je continuerai donc mon incursion dans cet exercice romancé de la géopolitique avec le deuxième intitulé Prémices de la chute.
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