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Rentrée littéraire #25

Superbe titre crépusculaire pour nous plonger en plein sommet du G8, à Gênes, 2001, au coeur des manifestations altermondialistes qui ont rassemblée près de 500 .000 personnes, et de la répression policière qui s'y est abattu avec une rare violence.

Une nouvelle fois, son récit permet d'éclairer le présent en expliquant le passé. Les manifestations anti-G8 ont posé les jalons des luttes actuelles, notamment environnementales, même si en 2001, les luttes étaient plus politiques et sociales. Surtout, vingt ans après, les plaies ne sont pas refermées, bien qu'en 2015 l'Italie ait été condamné par la cour européenne des Droits de l'Hommes pour n'avoir jamais cherché à identifier et poursuivre en justice les auteurs des violences policières ( autre thématique au coeur de l'actualité ).

Frédéric Paulin y était, au contre-sommet du G8. Et il a décidé de faire quelque chose de ce traumatisme, de ses souvenirs mais avec la même rigueur que celle déployée pour sa formidable trilogie Benlazar sur la naissance du terrorisme islamiste mondialisé. Il maitrise parfaitement le procédé consistant à mettre en scène des personnages ( fictifs ou pas ) évoluant dans des différentes strates ( des politiques, des policiers, des manifestants ) pour proposer une radiographie précise et complète des quatre journées du 19 au 22 juillet qu'il a choisies de raconter.

Même si on sent très fortement ses affinités, son roman ne tombe pas le manichéisme grâce aux regards croisés de personnages de son casting qui fonctionne par binôme : le couple de manifestants, un proche du NPA et une anarchiste ( pas celui qui m'a le plus accroché, duo un peu artificiellement construit mais qui permet d'évoquer les dissensions au sein de l'ultra-gauche ), deux flics français infiltrés, une journaliste et son photographe qui couvrent le sommet, un conseiller en comm' de Jacques Chirac dépassé par les événements et son alter ego italien fasciste revendiqué au service de Berlusconi.

Une fois le casting présenté et installé, le récit va à cent à l'heure et happe en alternant les points de vue. Frédéric Paulin a l'art de nous immerger au coeur de l'action, que ce soit dans les coulisses des stratégies politique et policière, ou en pleine manifestation hors de la zone rouge. On sent toute l'urgence de la situation dans la vivacité des dialogues directement intégrés au texte, comme dans un flot de passions qui déferlent sur le lecteur. Et c'est passionnant de voir comment les black blocs ont confirmé leur puissance à Gênes, après être apparus en 1991 lors de manifestations contre la première guerre du Golfe puis en 1999 lors du contre-sommet de l'OMC à Séville. Quant à l'épisode terrible de la répression sanglante à l'école Diaz ou celui de la mort de Carlo Giuliani tué par un projectile tiré par un carabinier, ils glacent d'effroi tant il fait écho aux spasmes de l'actualité récente.

Un auteur vraiment important dans ce qu'il dit du monde actuel. Pour ceux qui ne connaissent pas, je conseille vivement de découvrir le premier tome de la trilogie Benlazar, La Guerre est une ruse.
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Le crépuscule de nos espoirs.

Gênes 2001. le sommet du G8 s'annonce mouvementé. le mouvement altermondialiste est à son acmé, et les puissants en ont assez de se faire contester.
La tâche de clore cette plaisanterie sera confiée au plus ridicule chef d'état de l'époque, Silvio Berlusconi, qui ne boude pas son plaisir pervers de transformer "la Superbe" en poudrière.
À l'abri des odeurs de souffre derrière les ors du palais ducal, les puissants peuvent continuer de parlementer et de singer la solidarité.

Bien sûr il y aura de beaux discours, à l'exemple du président français de l'époque, Jacques Chirac, personnage croquignolesque s'il en est de ce roman. Ses belles idées battent autant d'air que ses grands bras, alors que dans les faits le peuple étouffe au sens propre comme au figuré. Les manifestants qui n'arrivent plus à respirer à travers la nuée lacrymogène lancée sur la ville, seront pourtant les plus chanceux. La répression se voulait sanguinaire. Elle sera sanglante.

Les chiens sont lâchés. Une horde d'hommes surarmés, caparaçonnés et lobotomisés aux idéaux fascistes a carte blanche pour "se venger" d'une "fange" prolétaire qui viendrait menacer le pouvoir de leurs maîtres.

Grâce à des personnages parfaitement incarnés implantés aux quatre coins du sommet international et de sa contestation, Frédéric Paulin parvient de façon magistrale à nous faire vivre un des moments clés de la scène politique et de l'engagement de ce siècle.

Si vous n'avez jamais vécu de manifestation, violente qui plus est, vous devez lire ce livre. Si vous n'avez rien compris aux Gilets Jaunes aussi, car on y retrouve les mêmes procédés de manipulation de l'opinion, notamment au niveau médiatique.

La nuit est tombée sur beaucoup d'âmes à Gênes, dont celle sans trop m'avancer de Frédéric Paulin qui était présent.
Elle est tombée aussi sur le corps d'un étudiant de 23 ans ce soir-là, Carlo Giuliani. Ne l'oublions pas.
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« Les habitants de Gênes ont fui ou se terrent chez eux. La ville est déserte et l'état de siège a été proclamé. » Ainsi commence ce récit choral qui relate, durant le G8 à Gênes en 2001, l'affrontement des manifestants avec les forces de l'ordre. C'était il y a déjà 20 ans, j'étais trop jeune pour me rappeler les tenants et aboutissants de ces événements. Généralement, quand on se plaint que la police « ose » riposter contre les casseurs qui, eux, brisent tout et blessent tout le monde sans état d'âme, ça m'énerve profondément. Pourtant, lorsqu'elle n'est pas contrôlée, la violence d'où qu'elle vienne engendre la violence jusqu'à, parfois, ne plus pouvoir être maîtrisée. C'est ce qui s'est produit en ce juillet 2001 à Gênes, dans un climat que nous avons connu récemment avec les gilets jaunes. Sauf que j'ignorais que cela avait fini si mal, ainsi que le contexte particulier qui a conduit à cette issue.


Frédéric PAULIN nous fait assister à la montée en puissance des idéologies contestataires : les non-violents, puis ceux qui utilisent la violence symbolique (les tuniques blanches), et les véritables casseurs (le black bloc). Dans le même temps, on assiste aussi à la propagande de peur lancée par le gouvernement italien de Berlusconi pour, d'une part, justifier l'état de siège et l'interdiction de la zone politique aux manifestants (ce qui les motive encore plus car ils trouvent inadmissible d'être interdits de manifester à l'endroit où se déroule le sommet proprement dit) et, d'autre part, justifier l'utilisation de la force répressive pour endiguer la violence quand elle se déploiera. « Leur idée, c'est de pénétrer dans la zone rouge. Ca, le Gouvernement ne le permettra pas ». En effet, tout le monde est persuadé que les casseurs veulent mettre la ville à feu et à sang. Si l'instrumentalisation des médias fonctionne si bien, c'est que les manifestations du précédent sommet politique, à Göteborg, ont marqué les esprits :


« Des chevaux fous de peur lancés au galop sur une foule brandissant des drapeaux rouges et noirs. Des incendies, des commerces ravagés, des chaussées dépavées, une ville dans la chaos. Un vent de colère et le refus qui souffle depuis loin, très loin, remontant sans doute le fleuve Göta älv pour se déverser dans les rues. le Gouvernement a envoyé la police en armure et la gendarmerie montée. Des véhicules blindés foncent sur les avenues, écartant les émeutiers comme le patriarche ouvrit la mer. Mais cette mer d'hommes et de femmes vociférant, projetant des pavés et des bouteilles sur la soldatesque, se referme aussitôt après leur passage. »


Les manifestants ont dépassé les bornes de la violence au sommet précédent, l'Italie de Berlusconi compte s'en servir pour affirmer sa puissance. Frédéric PAULIN nous fait alors infiltrer les coulisses des manigances entre Conseillers politiques, les enquêtes journalistiques au coeur de l'action à la recherche du scoop, ou encore la vie paranoïaque des manifestant qui se savent infiltré par les flics, les balances et même deux agents de la DST qui n'ont rien à faire là et n'avaient pas du tout envie d'aller risquer leur vie pour satisfaire une demande politico-politique… Mais les manipulations sont telles que nous nous retrouvons bientôt tous pris au piège de l'Histoire. « La situation devient ubuesque : des flics, une journaliste, un traître et une pure et dure vont tranquillement se balader au milieu du black bloc ». Les forces de l'ordre ne veulent pas vraiment en venir aux mains, mais les discours alarmistes de la hiérarchie, qui leur a ordonné d'être prêtes à répliquer à mort si nécessaire, les échauffent « Si on essaye de vous tuer, je vous ordonne de répliquer oeil pour oeil, gronde le commandant ».


Les manifestants, quant à eux, n'ont pas toujours l'air d'avoir choisi la voie de la protestation par intime conviction mais plutôt par dépit, à force de ne pas réussir à percer les milieux intellectuels sans piston et se persuadant que tout cela est la faute des « petits bourgeois ». A les entendre, eux seraient des saints : « On veut qu'ils sachent que la violence, on ne fait que la retourner contre les flics et l'Etat qui l'utilisent bien avant nous ». Sauf que cette manif ne fait pas exception : ce sont d'abord les manifestants, qui se sentent si libres et si forts après avoir pété des pare-brises et des boutiques, qui agressent gravement les forces de l'ordre dans leurs véhicules. Celles-ci ne font que répliquer au départ - à la grande surprise des manifestants qui ne comprennent pas qu'on s'en prenne à eux en retour ! A ce moment de l'histoire, les écouter raisonner ne donne vraiment pas envie de les plaindre ni de les soutenir. J'ai apprécié ça : que l'auteur ne me force pas à me faire apprécier ou plaindre les manifestants plus que les autres parties en présence.
D'ailleurs les journalistes qui les suivent et les connaissent ne sont pas dupes : « Gênes pour eux, c'est un grand terrain de jeu où il faut casser le plus de vitrines, faire cramer le plus de bagnoles et, bien sûr, échapper à la police ; rien d'autre », « qu'importe la couleur du flacon pourvu qu'ils aient l'adrénaline » parce que (ça c'est moi qui le rajoute) c'est quand même plus facile de détruire ce que les autres sont parvenus à construire dans leur vie de de se construire une vie à soi. « Si j'appartiens au black bloc, c'est parce que le monde dans lequel je vis est monotone et effrayant. Essayer de le détruire est une jouissance ». Et c'est tellement facile, quand nos polices ont l'ordre de répliquer le moins possible.


Pourtant ici, plus le roman avance, plus on se rend compte que le climat délétère instauré par le gouvernement néo-fasciste, et notamment les ordres et discours aux polices ont portés leurs fruits : « ici, à Gênes, les flics n'ont pas l'air prêts à respecter les règles ». Car finalement c'est bien ce dont il est question : la facilité avec laquelle l'histoire peut se répéter et dégénérer si rapidement, avant que les garde-fous ne se mettent en action. Sur fond de fascisme et de guerre civile, Frédéric PAULIN fait monter la tension jusqu'au point de non-retour, jusqu'à ce que La Nuit tombe sur nos âmes… On regarde ces scènes de guerre où tout le monde a peur, et l'on voudrait que les casseurs en profitent quand même pour comprendre que : « cette terreur, c'est celle qui saisit lorsque l'Etat n'assure plus la sécurité de ses citoyens ». Mais le temps n'est pas encore à la réflexion : aux yeux du monde, et surtout des dirigeants italiens, la violence des manifestants vient simplement de donner une bonne raison aux autorités de se défendre, de riposter, et de frapper plus fort encore. Et une fois les chiens lâchés, qui peut les arrêter ? Quand l'ampleur du désastre apparaît enfin, il est trop tard ; il ne sera plus temps que des sanctions et des procès, des jugements européens.


Si, du fait de ce papillonnage d'un univers à l'autre, je ne suis pas parvenue sur le moment à entrer réellement dans l'un quelconque des personnages et à m'identifier ni à m'attacher à l'un d'eux, l'auteur parvient en 250 pages à reproduire une assez bonne vue d'ensemble de l'ambiance et de chaque partie en présence. On en retient que le danger vient de l'extrémisme en lui-même, de quel que bord qu'il soit (Etat ou citoyen). J'ai pensé au départ que nous faire entrer davantage dans les motivations et convictions profondes des uns et des autres aurait gagné en profondeur. Mais nul besoin en réalité : c'est la fin qui donne le dernier coup de massue, et m'a achevée. C'est encore elle qui donne sa profondeur et sa raison d'être au roman. Une oeuvre importante car réaliste et toujours d'actualité. Menée tambour battant, mais rondement menée.
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Je connaissais l'auteur, Frédéric Paulin, de nom pour sa trilogie « Tedj Benlazar » constituée des tomes « La guerre est une ruse », « Prémices de la chute » et « La Fabrique de la terreur » dont le plus grand bien avait été écrit sur internet. Je n'ai pas pu m'empêcher de me procurer ce livre récemment mais peu de temps avant, son dernier roman est paru lors de la rentrée littéraire en 2021 avec « La Nuit tombée sur nos âmes ».

Ici, Frédéric Paulin se concentre sur le sommet du G8 de 2001 qui s'est déroulée à Gênes en Italie et qui s'est soldée par la mort d'un manifestant, tué d'une balle dans la tête par un carabinier.

C'est une plongée totalement immersive que l'écrivain offre à ses lecteurs. Cette immersion l'est tant du côté des manifestants altermondialistes que du côté des politiques réunis à l'occasion de cette réunion et de celui des forces de l'ordre. J'ai trouvé que c'était intelligemment écrit et absolument captivant !

Par la lecture de ce bouquin, le lecteur a lui-même l'impression de se trouver sous le soleil plombant de Gênes, évoluant dans les rues, sous la pression constante et permanente des policiers et carabiniers où la moindre étincelle risquait de mettre le feu aux poudres, comme cela fût d'ailleurs le cas en 2001.

Il faut se rappeler qu'à titre précurseur, plus tôt dans l'été, un précédent sommet international avait eu lieu et des échauffourées s'étaient déjà déroulées. Afin d'éviter de potentiels débordements, les forces de l'ordre avaient été massées en masse dans la ville de Gênes. Cela en vue d'éviter le même résultat, par le contre-sommet organisé par des associations altermondialistes et gangrené par la présence de membres d'extrême-droite. Maintenant que l'on connait la suite, ce fût encore bien pire !

Le style fluide est très visuel et permet de revivre le désastre où les victimes se sont comptées par centaines. Car, en plus de la mort d'un manifestant, des jeunes et moins jeunes ont littéralement été tabassés gratuitement par de nombreux fascistes présents au sein des forces de l'ordre elles-mêmes.

En faisant quelques recherches sur ce sommet, pour lequel je n'ai que des brides de souvenirs (soit parce que j'étais assez jeune ou soit parce que les terribles événements qui se sont déroulés 2 mois plus tard lors des attentats du 11 septembre ont totalement occulté mes souvenirs), je suis tombée sur un article de 2017 où le chef de la police italienne tentait de faire son mea culpa en reconnaissant des actes de tortures sur des manifestants !

Tout dans ce bouquin m'a tenue en haleine. Même si on connaît les dégâts au final bien avant la fin, on ne peut s'empêcher de « vivre » ce moment hors du temps, comme si on faisait un saut plus de 20 ans en arrière. Documenté et enrichissant, c'est une lecture à ne pas passer à côté !

Si comme moi, les faits de société vous intéressent, ce livre en est un parfait représentant pour une lecture immersive, totalement aboutie et saisissante.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Killing in the name.
Wag, thésard de 28 ans et militant trotskiste, tombe amoureux de Nathalie, pasionaria autonome et membre du Black Bloc. On est en 2001, le sommet du G8 va se tenir à Gênes du 20 au 22 Juillet, et le couple s'y rend pour rejoindre ceux qui rêvent d'un autre monde. Mais tout va mal tourner dans cette Italie berlusconienne affiliée à l'extrême-doite, et parmi les 400 000 manifestants de tous pays, Wag et Nathalie vont devoir louvoyer entre les traîtres, les journalistes, les flics de la DST, et pire encore, les carabiniers prêts à tuer.

Dans ce roman brutal relatant une insoutenable violence d'Etat, Frédéric Paulin raconte le sommet de Gênes comme si on y était -et c'est glaçant. Pour rappel, ce G8 s'est soldé, côté manifestants, par la mort de Carlo Giuliani (tué puis écrasé par les carabiniers), par la séquestration de militants dans la caserne Bolzaneto (où, comme le reconnaîtra en 2017 le chef de la police italienne, les militants ont été victimes "d'actes de torture"), et par plus de 600 blessés. Beau bilan d'une répression disproportionnée. Paulin raconte tout cela, et on ressent alors toute cette terreur, "celle qui saisit lorsque l'Etat n'assure plus la sécurité de ses citoyens.", celle qui rappelle le Chili et l'Argentine.
J'ai donc appris énormément de choses sur ce G8, qui m'avaient échappé à l'époque, et notamment comment les responsables italiens post-fascistes ont anticipé cette répression. J'ai découvert avec effroi le sort réservé aux 300 altermondialistes de l'école Diaz prise d'assaut par les carabiniers, et le sort pire encore de ceux qui, pas assez amochés pour se retrouver à l'hôpital, ont été emmenés dans cette affreuse caserne Bolzaneto. L'auteur s'est basé sur les témoignages recueillis par la Cour européenne des Droits de l'Homme pour raconter tout cela -difficile, donc, de lui reprocher un parti-pris. D'autant qu'il entre également dans la tête d'autres personnages : un jeune caporal-chef carabinier qui se surprend à douter, un conseiller en sécurité qui rêve d'une nouvelle République de Salo, et un conseiller en communication entièrement dévoué à Jacques Chirac -Chirac fut d'ailleurs le seul chef d'Etat à s'exprimer sur les manifestations et la mort de Giuliani (eh oui !).
Toutefois, je ne me suis pas attachée aux personnages (sauf, paradoxalement ... le jeune caporal-chef ! ), trop revêches à mon goût. Et j'aurais aimé que l'auteur explique davantage les motivations de Wag et Nathalie, plutôt que leur faire tenir le discours anticapitaliste habituel. Je me suis également interrogée sur la complexité de certaines intrigues et la probabilité de certaines alliances -mais qu'importe, celles-ci servent la fiction qui s'avère secondaire par rapport à la réalité.
Néanmoins, j'ai aimé le style sec, nerveux, factuel, de Paulin, qui se prête idéalement à son récit haletant. J'ai eu un peu de mal à desserrer mes doigts du livre au moment de le refermer, tant j'étais crispée.

C'est donc un polar politique dramatiquement instructif sur la "plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale" selon Amnesty, un roman qui met en rage et donne froid dans le dos.
Et qui donne aussi envie de ré-écouter Rage Against the Machine.
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Le G-8 est le groupe qui réunit les huit nations les plus puissantes du monde : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et la Russie. En Juillet 2001, l'Italie est le pays chargé de les réunir dans la ville de Gênes. « La nuit tombée sur nos âmes » raconte les quatre jours durant lesquels plus de quatre cents milles manifestants vont affronter les forces de police italiennes, pendant que les huit chefs d'états se disputent le gâteau des richesses mondiales.
Dans son récit, Frédéric Paulin mélange personnages de fiction et personnages réels, mais la plupart des faits se sont réellement passés, en particulier les actes sauvages de répression des carabinieris.
L'auteur nous fait vivre une véritable plongée en plein coeur d'une manifestation qui a fait nombre de victimes dont un mort, tué par la balle d'un policier. le réalisme des scènes est confondant et, même si l'on n'a pas l'âme d'un « gaucho », d'un communiste, d'un trotskiste ou d'un désobéissant, on est choqué par la violence des forces de l'ordre et les convictions fascistes qui les animent ainsi que certains hommes politiques du gouvernement Berlusconi. Il est clair que les intentions des organisateurs sont allées bien au-delà d'un simple maintient de l'ordre et ont sombrées dans les abîmes barbares du totalitarisme.
Il aurait été intéressant que l'auteur développe les motivations politiques des manifestants, les raisons de leur combat et leur projet.
« La nuit tombée sur nos âmes » est un indispensable témoignage qui remet les pendules à l'heure. A découvrir…
Editions Agullo, 272 pages.
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Inside the black bloc !

Juillet 2001, quatre jours qui ébranlèrent Gênes et l'Europe. Quatre jours qui ébranlèrent, un peu, le monde. Quatre jours et 1 mort. Un de trop. Il y avait eu les contre-sommets altermondialistes de Seattle en 1999, Prague et Nice en 2000 et aussi Göteborg quelques semaines avant. Autant de signes avant-coureurs d'une tension grandissante qui appelait nécessairement une réponse.

Cette réponse, elle advint à Gênes lors du G8 de cet été 2001. Et quelle réponse ! D'un côté, la bunkerisation des 8 plus grands dirigeants mondiaux et de leur cour dans une partie de la ville devenue camp retranché, inaccessible derrière les barrages et défenses policières, symbole éclatant du fossé les coupant toujours un peu plus du monde réel.

De l'autre, 400 000 contre-manifestants attendus de pied ferme par des policiers préparés et gonflés à bloc par leur hiérarchie, issue des partis nationalistes d'extrême droite opportunément alliés à Berlusconi. le piège est prêt. Et l'envie de violence des carabinieri est telle que le combat est forcément inégal.

Dans La nuit tombée sur nos âmes, Frédéric Paulin raconte ces journées à travers le prisme des différents protagonistes qui les ont suivies ou vécues : Nathalie la toto et son mec Chrétien « Wag », ex-LCR découvrant la mouvance anarchiste et le black bloc ; Génovefa et Erwan les journalistes français envoyés spéciaux ; Martinez et Cazalon, les flics français infiltrés chez les gauchos.

Mais il y a aussi – et surtout – tous les apprentis sorciers politiques, qui jouent à celui qui sera le plus grand manipulateur, de Lamar le chargé de com' de l'Élysée, à Carli et Calvini, boutefeux italiens dont les tambouilles et inconséquences aboutiront à la mort du jeune Carlo, 23 ans.

Si le livre de Paulin est à charge – et pourquoi pas ? – semblant parfois pousser à l'excès la violence aveugle des policiers italiens durant ces quatre journées, il suffit de se remémorer les images vues à l'époque (véritables scènes de guerre télévisées) ou les multiples jugements survenus par la suite en condamnations diplomatiques ou judiciaires de ces violences policières, pour prendre conscience a posteriori de l'effroyable réalisme de ce roman.

Parallèlement, la vision que Paulin livre sur les divergences et inimitiés profondes des différents groupuscules qui composent l'extrême gauche et la désillusion – le mot est faible - de Nath et Wag au fur et à mesure des événements, montre que la tendance qui conduit généralement à mettre tous les participants des contre-sommets dans le même sac de beatniks désoeuvrés est aussi stupide que contre-productive.

Côté politiques, les dirigeants de ce G8 ne sortent pas grandis du roman, au premier rang desquels Bush fils et Berlusconi, désespérément sourds et incompréhensifs face à ce qu'il se passe à quelques mètres d'eux. Avec néanmoins une exception faite pour Chirac sans que l'on n'arrive à savoir si son intérêt participe d'un véritable début de compassion ou du flair politique légendaire du baron corrézien.
Un dernier mot enfin : si les contre-sommets se sont apaisés, les mêmes enjeux se rejouent aujourd'hui autour des grands rassemblements liés au climat, avec la même impression d'incompréhension. Mais cela fait longtemps qu'on sait bien que l'histoire ne fait que se répéter. Alors rien que pour cela, la lecture de Paulin est importante !
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Qui se souvient de ce mois de juillet 2001 durant lequel se déroula la réunion du G8 à Gênes , alors que deux mois plus tard le Monde verra les deux tours du World Trade Center de New York s'écrouler en direct percutées plus tôt par deux avions kamikazes ?
Qui se souvient de cette manifestation massive de plusieurs centaines de milliers d'opposants à la mondialisation ? Une manifestation où l'ultra violence s'est déployée pendant ces quelques jours avec comme résultat de nombreux blessés, traumatisés à vie et surtout un mort.
Un affrontement que fait revivre pour nous Frédéric Paulin de l'intérieur. Il décortique ce face à face de l'intérieur grâce à des personnages clefs .
D'un côté les forces de police italiennes dirigées par une hiérarchie nostalgique du régime fasciste alors que les partis d'extrême-droite participent au conglomérat de la majorité piloté par Il Cavaliere Berlusconi. Des militaires qui rêvent de montrer au monde leur capacité à contenir coûte que coûte cette masse grouillante d'activistes de tout poil. Quitte à laisser leur conscience au vestiaire. Quitte à utiliser tous les arguments, même les plus fallacieux, pour stimuler leurs troupes à commettre les pires exactions sur ces jeunes manifestants .
De l'autre, des pacifistes d'extrême-gauche de tous pays et des anarchistes qui souhaitent semer le chaos . Les plus féroces sont les membres des black blocs qui ne connaissent qu'un mot d'ordre : la destruction systématique de tout ce qui passe à leur portée. Parmi eux , Nathalie et Yag , un jeune couple rennais , habitués de ces démonstrations de force et de ces confrontations mais qui vont vivre une expérience hors du commun qui signifiera peut être la fin prématurée de leur jeunesse et de leurs dernières utopies.

Frédéric Paulin était l'un d'entre eux . Un de ces jeunes manifestants présents parmi tant d'autres pour démontrer qu'il y avait une autre voie possible que cette mondialisation à tout crin. Que le destin du monde ne pouvait être régi par huit états , par huit dirigeants faisant l'apologie d'un capitalisme débridé.
Vingt ans après il témoigne , une sorte d'exutoire peut être …qui sait ?
Grâce à des va et vient incessants entre les différentes factions , à travers les discours va t-en guerre des autorités italiennes, on sent la tension monter d'un cran de pages en pages. Même si on est bien dans un roman, l'auteur s'en tient aux déroulés précis des faits , avec le moins de parti pris possible. Chaque personnage a son rôle à jouer pour nous éclairer au mieux sur la succession des événements. Un drame annoncé disséqué avec minutie par l'auteur. Des deux côtés, le parti de la violence et de la force fait la loi. L'extrémisme a vaincu. Même les services secrets infiltrés sont débordés pour ne pas dire impuissants devant ses actes d'une rare violence alors que les médias indépendants tentent de rendre compte du chaos ambiant et des répressions policières disproportionnées.
Une fois de plus , Frédéric Paulin se démarque et nous offre une leçon d'histoire. Un témoignage indispensable qui nous exhorte à la vigilance. Un rappel que le barbarisme ne doit pas passer. Que cet extrémisme qui affole les sondages aujourd'hui peut être combattu dans les urnes. Sans faute.


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Gênes, juillet 2001, sommet du G8.
Frédéric Paulin, qui entre parenthèses y était, nous invite à suivre des altermondialistes, des journalistes, des policiers français et italiens, des politiques français et italiens durant ces quelques jours de folie qui ont saisi la ville.
Nous avons ainsi un oeil au coeur des manifestations et un autre dans les coulisses d'où sont donnés les ordres de la répression hyper violente orchestrée par les autorités italiennes. On pénètre même un peu dans la zone rouge où sont réunis les chefs d'Etat qui papotent alors qu'à l'extérieur la ville brûle.
L'alternance des points de vue permet de saisir les dissensions entre les groupes d'ultra-gauches : LCR, anarchiste, tuniques blanches… leur paranoïa. Cela permet de saisir aussi les manipulations politiques notamment des néofascistes qui infiltrent certains de leurs membres dans les cortèges pour contribuer au saccage…
C'est dynamique, rapide, haletant et… révoltant.
Certes, les black blocs ne sont pas des anges, ne sont pas des tendres.
Mais la violence dite « légitime » est tout bonnement intolérable.
En ces temps bien sombres où la France semble faire le choix du recours systématique à cette forme de violence, cette lecture est nécessaire.
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C'était il y a 20 ans. Gênes accueillait le G8.
Je me souviens très bien des infos qui nous montraient d'un côté les chefs d'états et de l'autre un demi-million de militants altermondialistes venus manifester un autre vision du monde de demain.
Je me souviens surtout de ces images qui faisaient peur. La ville saccagée par le black block. La mort d'un jeune italien.
Le Forum Social qui se déroulait en marge du somment était un évènement historique, mais on nous donnait une vision très partielles des choses.
On nous montrait une ville en émeute et des méchants casseurs. Très peu de voix pour évoquer la répression policière et je ne suis pas sure d'avoir profondément réfléchi à tout ça à l'époque. Comme tout le monde, quelques semaines plus tard, j'allais avoir le regard fixé sur les tours jumelles de New York. L'actualité était ailleurs….

Frédéric Paulin vient nous replonger dans ces 3 jours en mêlant la fiction à une sordide réalité. Il ne simplifie rien, il explique le contexte (un mois avant Gênes, l'ouverture du sommet européen de Göteborg, en Suède, est marquée par des scènes de violence), les différentes mouvances au sein des altermondialiste et les dissensions, le contexte politique de l'Italie de Berlusconi, les néo-fascistes et la police du pays qui est devient une police politique.
Chaque protagoniste du roman représente une des composantes de ce rendez-vous historique. Ils sont italiens ou français, ils sont militants, conseillers politique, policiers, carabiniers, ou journalistes. Tous vont se retrouver mêlés à la grande histoire et je vous promets que l'histoire est sale, salement sale, révoltante….

Je ne vais pas m'étendre sur toutes les émotions ressenties à la lecture de ce roman. Si on pouvait juger l'effet d'un livre au nombre de jurons, gros mots et de « c'est pas possible » prononcés, La Nuit tombée sur nos âmes arriverait sur le podium. J'ai été vraiment chahutée.
Je vous invite avec insistance à découvrir ce livre, très noir, très didactique, très politique, et nécessaire.
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