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EAN : 9782267025255
252 pages
Christian Bourgois Editeur (22/08/2013)
3.9/5   15 notes
Résumé :
Buenos Aires, dans les années 70. Un hélicoptère s'écrase au large de la ville. Le corps du passager est repêché mais la valise emplie de dollars qu il transportait a mystérieusement disparu au fond du Río de la Plata. Cet obscur événement fait naître ce qui va devenir une véritable obsession dans l'esprit du jeune narrateur : le rôle tenu par l'argent dans sa vie et celle de ses proches. Et autant dire que son champ d'étude est vaste, entre son père qui ne jure que... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

Le salon du livre de Paris qui mettait à l'honneur la littérature argentine m'a conduit vers les rayons sud-américains de la bibliothèque provinciale de Liège. J'espérais peut-être, malgré moi, trouver un nouveau Borges : deux noms d'Argentine tombèrent dans ma gibecière (il y a en moi du chasseur dans ces lieux dévolus aux livres), Juan José Saer et Alan Pauls. le premier, aux descriptions longues et méticuleuses, très visuelles, m'a d'abord séduit (avec le roman le Tour Complet) mais trop vite lassé, avec des interminables descriptions sans que l'objet du récit ne prenne consistance. J'ai pensé à Hemingway : tout est apparence extérieure, l'intime se devine (ou pas).

Alan Pauls (non présent à Paris) est autrement dense, maître de l'intrication, de l'intime à l'histoire du pays, du secret à l'universel. L'incipit saillant "Il n'a pas encore quinze ans lorsqu'il voit son premier mort en personne" vous enlève jusqu'au bout, sans temps mort.

La première marque de Pauls est son style qui rappelle celui de Proust. Élégante et tortueuse à la fois, sa phrase est virtuose, serpente, morcelée entre tirets et parenthèses, pour choir entière aux pieds du lecteur ravi, quelquefois irrité d'avoir dû la relire. Irritation rapidement voilée par l'éblouissement que procure la maîtrise de l'écrivain pour traduire le sens d'une idée aux multiples facettes, comme des yeux d'insectes, pour reprendre l'excellente métaphore de Guillaume Contré[1] : "La phrase de Pauls fragmente la temporalité telle les mille facettes d'un oeil de mouche, prétendant ainsi embrasser plusieurs moments d'un seul coup, afin de mieux en souligner les lignes de force communes ; elle retranscrit la complexité d'une perception, la sinuosité d'une pensée ; elle prétend à la totalité, cherchant à unir des éléments à priori disparates et à en démontrer coûte que coûte la cohérence cachée. Elle est ludique, d'une certaine façon, mais elle n'est pas qu'un jeu. Précise et détaillée, elle est aussi une perpétuelle prise de distance, une manière de survoler son objet non pas pour en diminuer la valeur mais pour mieux en présenter le plan d'ensemble depuis le détail, comme une image légèrement biscornue sur laquelle on opérait des zoom successifs et interpénétrés." Quand je disais «dense», c'est à cette simultanéité de la pensée que je pensais : il vous est dans doute arrivé, pour un sujet précis, d'avoir soudain en tête une foule d'idées qui surviennent quasi simultanément, l'envie de tout dire à la fois, car tout est d'égale importance et ne se comprend qu'ensemble et au même moment. Voilà le style paulsien. Proust me semble toutefois plus harmonieux car je n'entends pas (je peux me tromper) les textes de l'argentin franchir le seuil de la lecture à voix haute.

Il s'agit de littérature traduite mais Alan Pauls parle[2] un excellent français : je ne sais si ceci l'explique ou si la brillante traduction de Serge Maistre est parfaite mais on a constamment l'impression de lire un texte rédigé en français original. L'origine latine de la langue y aide certainement.

Histoire de l'argent fait partie d'une trilogie (Histoire des larmes, Histoire des cheveux) qui a pour thème l'histoire récente de l'Argentine. Si ce ne sont les nombreuses allusions aux problèmes économiques graves (dévaluations, changements de monnaie, inflation) qu'a connus le pays à la fin du 20ème siècle, l'histoire nationale passe ici à l'arrière-plan : l'axe en est l'argent, le rapport que les êtres entretiennent avec, la façon de le dépenser, de le manipuler. Rapport pathologique surtout avec trois personnages, fils, père et mère suivis plusieurs décennies en héritages et faillites, magouilles et caprices ruineux, où les sentiments semblent valorisés comme de la monnaie. Ruine financière et relationnelle relatée sur une ton parfois parodique, parfois glaçant, remuant, car Pauls est davantage qu'un essayiste : il conduit le lecteur précisément là où des larmes seraient peut-être de mise, là où le désespoir repose douloureusement. Mon avis diverge là de celui de Guillaume Condé qui ne les voit que comme des représentations au service des idées de l'auteur. Pour moi, Alan Pauls est un grand intellectuel mais son roman est autant une étude qu'un récit très humain de vies soumises à l'argent. Il est vrai que Pauls ne cherche pas de réelles incarnations, utilisation de la troisième personne, peu de descriptions personnelles, ni même de prénoms. Néanmoins certains moments m'ont paru si forts que leurs acteurs se sont incarnés automatiquement. Et grandement.

Multiple facette de la phrase, digressions nombreuses à tel point que le roman lui-même en paraît une grande. L'essentiel est que l'intérêt demeure et la curiosité en éveil quand l'auteur s'éloigne sur les entiers digressifs pour revenir sereinement, avec l'assurance d'un guide éprouvé, au propos de départ : la maladie de l'argent, universelle, plus que jamais actuelle, révélatrice de désordres affectifs. Très bonne découverte que ce roman âpre, la plus belle étant d'avoir envie de connaître mieux ce pays culturellement très riche où la littérature connaît de si belles pages. Mil gracias señor Pauls !

[1] L'escalier des aveugles : quel blog tourné vers à la littérature sud-américaine !

Lien : http://www.christianwery.be/..
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Assurément un très grand auteur, cet écrivain argentin Alan Pauls. Dans la même veine que des Espagnols comme Vila-Matas ou de Javier Marías. Pour seule preuve, Alan Pauls (lisez Paouls) n'utilise que d'immenses phrases qui se déroulent les unes après les autres comme d'immenses vagues. Et c'est bien révélateur du thème du livre, cet argent qui vient et qui s'enfuit, comme le flux et le reflux continuel du ressac.

Alan Pauls nous conte ici l'histoire d'une famille bourgeoise aux alentours des années 1970 et l'argent est omniprésent. Il remplissait une mallette pleine et était destiné à corrompre on ne sait qui, lorsqu'on a retrouvé uniquement le cadavre de son propriétaire privé de sa mallette après le crash de l'hélicoptère le transportant. C'était un parent du jeune protagoniste dont les parents séparés ne vivent que pour l'argent, son père qui ne le veut qu'en espèces et le compte et le recompte pour le jouer au casino et sa mère qui semble ne pas savoir s'arrêter de le dépenser.

C'est très bien écrit, mais la lecture est lente car il faut s'accrocher à ce style assez particulier.

J'ai bien aimé ce livre, même si j'ai trouvé sa lecture ardue, bien davantage que celle des ouvrages de Vila-Matas ou de Marías auxquelles Pauls me fait penser justement. En tout cas, un auteur à découvrir et dans l'oeuvre duquel je n'hésiterai pas à me replonger.
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HISTOIRE DE L'ARGENT d'ALAN PAULS
Il a 15 ans quand il assiste à ses funérailles, il le connaissait depuis huit ans qu'il venait avec sa mère dans sa belle-famille au milieu d'une ribambelle de petits cousins et petites cousines. Il ne l'avait jamais aimé quoiqu'il fasse ou dise mais surtout sa présence était liée invariablement au bruit de ses mâchoires quand il mangeait ses »crostini» dont il répandait les miettes un peu partout et en se penchant sur le cercueil il craignait justement d'en voir à la commissure de ses lèvres. Il était mort dans son hélicoptère retrouvé dans la rivière avec ses papiers mais pas l'argent(sale)qu'il transportait. Il n'a qu'une envie, quitter cet endroit, Mar de la Plata, son père vient le chercher et quand il doit payer le taxi(il avait raté le train) il sort un énorme rouleau de billets, il en avait toujours dans ses poches, de même qu'il ne cesse de répéter qu'on lui doit de l'argent et qu'il l'abandonne souvent le soir pour ses rendez-vous qui ne sont jamais là, pourtant il rentre au petit matin. Il ne lui parlera de rien de son vivant. Sa mère de son côté (ainsi que lui) va toucher de l'argent suite au décès de l'homme aux »crostini» il ne comprend pas. C'est aussi le moment des enlèvements dans le pays des banquiers des industriels des héritiers auxquels on réclame des rançons.
Alan Pauls parle de son pays, l'Argentine, indirectement à travers les questionnements de ce jeune garçon pour lequel l'argent est bien mystérieux. Son père qui parle de »faire de l'argent » sa mère, elle, doit «hériter de l'argent »les kidnappeurs parlent de montant de la rançon, lui se demande comment on fixe le montant à payer. Dans le Buenos Aires des années 70, dans sa famille où l'argent se dissout par le jeu ou les dépenses inconsidérées, le jeune homme découvrira à la mort de ses parents la vérité sur l'argent. Très bon livre et découverte de cet auteur.
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Alan Pauls, écrivain né en 1959, était un enfant en cette période troublée des années 1970 en Argentine, comme le héros du livre, un jeune garçon à l'acuité extrême frappé par l'énigme de l'argent.

Au début du roman, l'enfant, alors âgé de quatorze ans, voit arriver dans la maison de son beau-père le cadavre d'un ami de la famille, mort dans un accident d'hélicoptère alors qu'il emportait un attaché-case plein d'argent dans une puissante entreprise sidérurgique touchée par un conflit syndical, un argent obscur censé dénouer la situation, capable de tout résoudre ou de tout faire exploser. Pour l'enfant les traces de l'accident sont le cadavre, et cette mallette étrangement volatilisée dans le crash, parabole de l'obscurité et l'irrationalité de l'argent.

L'histoire de l'Argentine des années 70, celle de la lutte armée et de la violence d'état, n'est ici qu'un prétexte. La grande histoire est présente par la démence inflationniste, contexte à cette histoire d'une famille de la classe moyenne. C'est le récit du rapport intime, de la passion spécifique ou bien de la souffrance que génère pour chacun le rapport à l'argent : le père magnifique, passionné de nombres, de calcul et de jeu, la mère, héritière aride dont on ne découvre réellement le rapport à l'argent qu'à la toute fin du livre, et l'enfant tentant de déchiffrer le pathos de l'argent, le délire de ces nombres qui loin de rationaliser l'émotion l'amplifient en folie multiforme, filtre à l'aune duquel se mesurent la mort, l'amour, la vieillesse et la vie.

« Mais compter, en plus, au sens de l'action physique, comme lorsque l'on dit compter des billets, est quelque chose qui le saisit depuis qu'il est tout jeune, une fois qu'il a un après-midi libre et accompagne son père lors de son périple au centre-ville, où celui-ci travaille, et qu'il le voit encaisser des chèques dans les banques, payer des billets dans les compagnies aériennes, acheter ou vendre des devises étrangères dans les bureaux de change, et qui le saisira toujours, jusqu'aux derniers jours lorsque, quarante-deux ans plus tard, à l'hôpital, un peu avant l'infection pulmonaire qui va le condamner au masque à oxygène et à l'intubation, son père choisira dans une liasse déjà considérablement écornée, les deux billets de cinquante pesos qu'il a décidé de donner comme pourboire « avant qu'il ne soit trop tard », comme il le dit lui-même, à l'infirmière du matin qui, à sa grande surprise, lui parle allemand tandis qu'elle lui change la sonde, lui fait un piqûre ou lui prend la température. Personne n'arbore un tel aplomb, une telle efficacité élégante et hautaine, qui transforme le fait de payer en une action souveraine et fait oublier le caractère de réponse, toujours secondaire, qu'il possède en réalité. »

Dernier roman d'une trilogie, après Histoire des larmes et Histoire des cheveux, Histoire de l'argent est un roman éblouissant par la phrase d'Alan Pauls, cette phrase héritière de Proust, sinueuse et truffée de sens, capable d'embrasser en quelques lignes tout l'espace entre naissance et mort.
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C'est une histoire de famille décomposée, le fils, simplement dénommé par "il" , étrange et inconsistant pont entre ses parents séparés. le quatrième membre de la famille et l'argent cet argent qui coule à flot, avec lequel chacun joue à sa façon (au casino, au poker, en placements, en immobilier mais aussi en secrets, cachage, empaquetages divers, passionnant jeu d'amour perverti). L'argent est le lien entre les personnes, le but ultime, qui n'exclue pas cependant le débordement des sentiments, pour cette mère tout à la fois abusive et quémandeuse, ce père fantasque et charismatique. L'argent se donne, se prête, se rend somptueusement, s'extorque, se lègue, donne des émotions tendres ou fortes ; l'argent interroge assure, il humilie. L'argent est à la foi une valeur sûre, fondatrice, mais aussi insaisissable dans ces années 70 d'inflation monstrueuse, de corruption, de kidnapping à rançons exorbitantes. Ces gens sont riches à en mourir (comme le premier personnage à aparaître, le "premier mort" du héros adolescent, mort dans un curieux accident d'hélicoptère, et chacun s'interroge sur le devenir de la valise de fric disparue avec lui), ils croient que l'argent est leur rempart, mais découvrent qu'il ne protège de rien, il sont riches, mais dérisoires.

S'il m'a été assez difficile d'éprouver une réelle sympathie pour ces très riches et leur dieu clinquant, Alan Pauls est arrivé par son ironie mordante à faire plus qu'éveiller mon intérêt pour ce fonctionnement dé-réel, qui donne une réelle jouissance de lecture. Cela tient aussi à sa façon singulière, brillante, de raconter, d'éclater complètement la temporalité dans des allers retours aussi audacieux qu'irrationnels, de partir en digressions, au fil de longues phrases tendues au cordeau, parsemées de parenthèses, qui mettent une pression dans l'écriture.
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critiques presse (1)
Lexpress
10 octobre 2013
Après Histoire des larmes et Histoire des cheveux, cette Histoire de l'argent est le troisième volet d'une fresque où Alan Pauls radiographie les quatre dernières décennies de son pays. La loupe qu'il utilise, cette fois, est celle du fric, une obsession collective qui lui sert d'outil symbolique pour comprendre l'essence d'une société dont les états d'âme semblent varier en fonction du cours de la Bourse.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
C'est un argent perdu, stérile et glorieux en même temps, aussi désolant que ces fossiles qu'on déterre et qu'on fête comme de providentielles retrouvailles pour l'humanité, tant ce qu'ils semblent expliquer du monde est unique, mais un peu plus tard, examinés avec plus d'attention et patience, ils ne procurent que de l'amertume et finissent par décourager, car la langue dans laquelle ils semblent l'expliquer est une langue morte, non pas impénétrable mais littéralement morte, que seules deux personnes ont parlée et presque toujours sans savoir qu'elles la parlaient et souvent sans même savoir non plus ce qu'elles disaient, ni pourquoi, ni quelle valeur particulière, quel éclat, quel obscur privilège honorait ce que, aveugles, elles prenaient pour monnaie courante.
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On pense qu'une fois la dernière plinthe posée, le dernier luminaire installé, la dernière vis de la dernière poignée de porte vissée, c'est fini : la maison cesse d'exiger, et c'est enfin le tour des autres, de ceux qui vont y habiter. (...) c'est le contraire. C'est une fois achevée qu'une maison commence réellement à vivre, à avoir des besoins, à réclamer sans cesse qu'on s'occupe d'elle.
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Voilà un moment qu'il est en train de se salir les doigts avec le dos poussiéreux des livres, sans doute le seul objet capable d'accumuler autant de saleté que l'argent.
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Qu'il soit riche ou pauvre, l'important est qu'il se sente libre.
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Libre, oui, mais libre pour quoi faire ?
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Videos de Alan Pauls (7) Voir plusAjouter une vidéo
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Vie de Guastavino et Guastavino, d'Andrés Barba Traduit de l'espagnol par François Gaudry
Devant la douleur des autres de Susan Sontag Traduit de l'anglais (États-Unis) par Fabienne Durand-Bogaert
le Style Camp de Susan Sontag Traduit de l'anglais (États-Unis) par Guy Durand
le Passé, d'Alan Pauls Traduit de l'espagnol (Argentine) par André Gabastou.
Mumbo Jumbo, d'Ishmael Reed Traduit de l'anglais (États-Unis) par Gérard H. Durand Nouvelle préface inédite de l'auteur
Dalva de Jim Harrison Traduit de l'anglais (États-Unis) par Brice Matthieussent
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