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Critique de Nastasia-B


Cesare Pavese possède tout le pessimisme et la désillusion d'une personne trop clairvoyante. C'est donc ce regard qu'il décline dans bon nombre de ses livres et celui-ci ne déroge pas à la règle.

L'ouvrage est composé de trois nouvelles qui ont toutes pour dénominateur commun un épisode de vie " en suspens ", dans un lieu inhabituel pour des raisons peu communes. le titre fait référence à une descente des Allemands dans un repaire d'activistes politiques dans la troisième nouvelle :

1) Par Chez Nous raconte, dans un style qui pourrait faire penser à du Erskine Caldwell, l'équipée de deux innocentés sortant de la prison de Turin : Berto, le narrateur, citadin combinard endurci à la gouaille caractéristique et Talino, l'air niais et débonnaire, fils de paysan piémontais.

Berto, sans feu ni lieu, comprend vite que rien ne le retient à Turin, d'autant plus que Talino l'exhorte à le suivre dans sa campagne natale. Berto n'a aucune confiance en lui et réalise que Talino est bien plus fin qu'il n'en a l'air, ce qui ne l'engage guère à le suivre. Mais, faute de mieux, Berto s'y résout finalement, pour tâcher de gagner quelques sous tant ses poches sonnent le creux.

Berto, mécano de formation, aidera la famille de Talino pour la moisson en faisant fonctionner la batteuse à blé. Arrivé sur place, Berto découvre les soeurs de Talino, dont la belle Gisèle, mais aussi et surtout, le mystère qui entoure l'étrange et imprévisible Talino… Je vous laisse bien évidemment découvrir la suite.

2) La Prison raconte le vécu d'un relégué (c'est-à-dire d'un opposant politique à Mussolini), Stefano, originaire du nord de l'Italie, fraîchement libéré de prison et contraint de demeurer en résidence surveillée dans un village littoral rural du sud de la péninsule.

L'auteur y décrit les murs invisibles que sont la mer d'un côté, le statut " d'étranger " et la méconnaissance des moeurs locales de l'autre. Mais aussi et surtout, le lourd travail psychique que continue d'effectuer la prison dans le comportement du libéré bien après le franchissement des murs de la prison.

Cesare Pavese, comme à son habitude, nous livre une vision désabusée, sans issue, comme quoi, l'on ne sort jamais complètement de prison une fois y être entré.

3) La Maison Sur Les Collines est la plus longue, la plus consistante et probablement la plus crépusculaire des trois nouvelles. Il faut reconnaître que le thème n'en est pas des plus gais puisqu'il s'agit d'une description et d'un recueil d'impression sur les années de guerre, d'angoisse et de traque, où l'on craint à chaque instant de voir débarquer « avant que le coq chante » une milice prête à vous expédier trois balles dans la carlingue parce que vous êtes un sympathisant de l'opposition politique.

La maison sur les collines est donc le refuge, à quelques encablures de Turin, de ces activistes rouges au moment où les chemises noires de Mussolini vacillent au milieu de la guerre. Après les angoisses évidentes liées aux bombardements aveugles, où l'on ne sait jamais si l'on sera sur la liste des dommages collatéraux, Cesare Pavese s'attarde sur l'angoisse, plus vicieuse et plus sourde encore, celle qui ne fait pas de bruit et qui n'est pas annoncée par les alarmes ou les sirènes, celle des descentes punitives.

Cette dernière nouvelle est vraiment glauque, sans issue et l'on comprend sans peine que l'auteur, hanté et tiraillé par les démons qu'il décrit si bien, ait choisi d'en finir quelques mois après la publication de ce livre. J'en veux pour preuve la toute dernière phrase du livre : « Il n'y a peut-être que les morts à le savoir, et il n'y a qu'eux pour qui la guerre soit finie pour de bon. »

Ceci peut également nous rappeler le témoignage d'un autre vibrant témoin italien des heures sombres de la guerre, Primo Lévi, qui a lui aussi choisi d'en finir ainsi, n'ayant jamais totalement réussi à tourner la page des atrocités vécues. Je vous préviens donc que si vous attendez la gaieté dans les chaumières, ce livre ne vous conviendra peut-être pas, mais ceci dit, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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