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EAN : 9782882502773
560 pages
Noir sur blanc (30/08/2012)
4.31/5   8 notes
Résumé :
Oleg Pavlov a fait son service militaire comme gardien dans les tristement célèbres camps de Karaganda (Kazakhstan); ses livres reflètent, avec une très grande... vraisemblance psychologique, les confins obscurs de l'existence, le monde des proscrits et des exclus. L'action de sa trilogie se déroule dans les arrière-cours de l'empire soviétique autrefois puissant, au moment absurde et tragique de son déclin.
Les héros d'Oleg Pavlov sont des militaires forcé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Comment demeurer insensible à la densité et à l'intensité de ces trois romans, trois histoires qui n'ont pour dessein d'en raconter qu'une, celle d'une armée russe en pleine Bérézina ?

Avec une écriture nourrie par une lucidité placide et dont la précision déploie une forme de burlesque, Oleg Pavlov évoque le quotidien de trois soldats, gardiens de camps pénitentiaire dans le désert de Karabas, là où « nulle végétation, nul labour, nulle rivière n'encombrait ni ne limitait la steppe ». le paysage grandiose alimente incontestablement la conscience douloureuse du drame épique auquel on assiste : oubliée au coeur de l'Oural, c'est une armée russe fantôme qui s'enlise dans la solitude, la faim, les trafics en tout genre avec les zeks, l'alcool et la violence face au mépris des autorités de Moscou. L'isolement et les conditions rudes font tomber les barrières de la hiérarchie, autorisent toutes les bassesses…
On se laisse prendre par des récits lancinants dans lesquels le destin humain se dessine comme dans les tragédies antiques. le sentiment de désespoir est omniprésent, même à l'égard des soldats emplis de bonne volonté. A l'image de ces trois soldats que sont Matiouchine, Aliocha et le capitaine Khabarov. Parce que trop consciencieux, trop lisse ou trop enragé, ils vont accumuler les mésaventures. Leur volonté de survivre scellée au fond d'eux-mêmes, si elle apparaît comme une lueur traversant l'épaisseur du néant, ne contribue en fait qu'à accentuer une certaine noirceur.
« Récits des derniers jours » a la saveur d'un chef d'oeuvre. Pas de subjectivité torturée, l'auteur se révèle être un formidable conteur avec une simplicité de mots captivante.
Cependant, il faut reconnaître que la densité du texte nous plonge parfois dans un sentiment de nébulosité, une impression d'égarement. On s'agrippe aux images et aux sensations mêlées pour bien discerner les évènements qui frappent les personnages embués par l'alcool. Pas de lassitude mais des interstices qui exigent une certaine attention.

Lorsqu'on s'intéresse à la biographie de l'auteur, on se dit qu'il nous promène dans ce qui ressemble à un voyage intime sur la trace de ses souvenirs, ayant lui-même effectué son service militaire dans un de ces camps. Il n'en est pas sorti indemne puisque sa loyauté envers la patrie s'est achevée par un séjour en hôpital psychiatrique. Broyé comme ses personnages.

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Ce livre regroupe 3 romans parus avec des intervalles de 3 et 5 ans. Je les ai donc lu avec un délai minimum de quelques semaines plutot que d'une traite, vu qu'il ne me semble pas du tout y avoir d'intrigue "à suivre" entre ces 3 romans.

Le premier, "Conte militaire". Excellent. J'y retrouve le sens du grotesque et l'absurdité de la vie noyée dans la vodka, telle que seuls peuvent nous le transmettre les auteurs russes. Les tribulations d'un capitaine qui essaye de nourrir sa compagnie en cultivant des pommes de terre, malheureusement sans l'autorisation de ses supérieurs hiérarchiques, ce qui conduira les dites pdt au compost pendant que tout le monde crève de faim, m'ont parues typiquement horriblement réelles ou grotesquement déprimantes. Une bonne dose d'humour noir pour faire passer la veulerie, la mauvaise foi et un sens aigu de la sclérose bureaucratique qui n'a pas changé depuis le XIXème siècle.
Réjouissant et délirant, ce premier roman de l'auteur lui a valu d'emblée un accessit au Booker Prize russe en 1994, ce qui est largement mérité.
5* pour "Conte militaire"

Second roman de la trilogie regroupée sous le titre Récits des derniers jours, L'affaire Matiouchine publié en 1997, 3 ans après Conte militaire, reste fortement inspiré de l'expérience de service militaire de l'auteur au camp kazakh de Karanganda. Par contre, le ton et le traitement n'a rien à voir : ici, pas d'humour noir, pas de conte de fées en Absurdistan pour mettre en valeur la bêtise et la bureaucratie militaire et soviétique. Ici, le récit est très noir et colle au plus près, sans recul et sans second degré, de ce qu'a dû ressentir et vivre Oleg Pavlov et qui l'a conduit en hôpital psychiatrique.
L'enfance de Matiouchine, très dure, entre son père et son frère, haine familiale et violences verbales et physiques. Puis les débuts dans l'armée dans une province d'Ouzbekistan, au milieu des « sauvages ». Enfin, l'affectation au camp de Karangada. Dans tous les cas, une ambiance de brutes épaisses, d'alcoolisme et de « survie des plus aptes » et une menace constante pour sa santé mentale et sa survie.
C'est très âpre, sans pathos, entre autobiographie romancée et reportage de l'intérieur. On sent bien à quel point le contexte géographique joue dans la sensation à la fois d'étouffement et d'absence de limites : le vent, les fournaises ouzbeks, la steppe sans fin, tout contribue au déracinement mais pas vraiment à l'exotisme d'une agence de voyages. A Karangada, camp de travail pour délinquants de droit commun, c'est la survie pour tous, militaires comme zeks. le manque de nourriture, les maladies, le manque de sommeil, un épuisement généralisé qui finit par des explosions de violences, on finit, comme Matiouchine, par ne plus songer qu'à une chose : faire que ça s'arrête et qu'on puisse avoir ne serait-ce qu'une semaine de perm – le même leitmotiv que dans La Peur de Chevalier, bombardements en moins.
Même si, par moment, quelques longueurs et redites enfoncent peut-être un peu trop le clou, c'est un très bon bouquin qui confirme le grand bien que j'ai pensé de Conte militaire.
5* pour Matiouchine

Troisième roman de la trilogie : le Banquet du neuvième jour
Dans ce roman, qui a obtenu le prix Booker Russe en 2002, on suit les derniers périples d'un appelé de l'armée russe au camp de Karaganda. le style est en grande partie descriptif et sans affect, à la limite d'un compte rendu d'expérience au pays des fous – puisque les faits relatés sont plutôt ubuesques. Après un bref aller-retour dans un hôpital où une sorte de chirurgien-dentiste pas très net s'engage à faire porter une dent en métal (qui lui servira toute sa vie !) à Aliocha, mais ne fait finalement que la partie arrachage de la dent concernée, il est question d'assurer la récupération et l'acheminement à sa famille dans un cercueil et dans une tenue appropriée d'un soldat mort par balle (où ça et comment, on n'en saura rien, le suicide est envisagé).
Les considérations existentielles sur la mort sont essentiellement organisationnelles : comment trouver un uniforme à sa taille, des bottes présentables et un cercueil dans un délai qui permette de prendre le train pour Moscou qu'on a prévu de prendre. le menuisier qui s'occupe de ce cercueil – à base de planches récupérées ici ou là – est un grand philosophe de la vie dont l'assistant ne bouge pas du fond de l'atelier en insultant quiconque vient lui parler. Finalement, au moment où on a l'impression que tout est réglé, le père du soldat décédé – dont on ne sait pas trop ce qu'il fait là – propose une sorte de banquet-beuverie funèbre qui finira dans une ambiance (qu'on peut deviner) où certains passent leur temps à hurler « Je vais tout cassser » pendant que d'autres essayent de tripoter une vieille ivrognesse qui pleure à tout va…
C'est magnifique, 200% russe, et j'ai adoré.
L'apothéose de ce recueil.
5* sans hésiter pour ce roman et pour la trilogie.
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Du havre lovecraftien revu et corrigé par Houellebecq, non je ne file pas vers le Havre d'Edouard Philippe, retour vers le réel avec cette horreur émasculée qui ne vaudrait mieux que l'attente de rencontrer Frédéric Lenoir à Paris, je préfère aller vers le havre (avec un h aspiré mais sans paix) que nous remonte Oleg Pavlov, cet écrivain russe-ouzbek trop tôt disparu, dans ses Récits des derniers jours grâce à un poème d'Evtouchenko : "La mort n'est pas un havre - la mort coupe la route des bateaux .."
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Comme il est dit dans la présentation, les récits se passent dans l'arrière cour de la Russie. le premier, “conte militaire”, se déroule dans un camp de prisonniers, au fin fond du Kazakhstan, en hiver sibérien, la neige, le froid. le capitaine, héros du roman, essaie d'améliorer le sort, au moins alimentaire (en essayant de cultiver des pommes de terre), des gardiens et des zeks... Très vite, il se trouve en conflit avec tout le monde et notamment sa hiérarchie qui va le persécuter. le lecteur est amené au milieu de la violence, de la barbarie, du je-m'en-foutisme, de la veulerie, de l'abyssale médiocrité des rapports humains… Ce livre constitue une métaphore de la Russie, d'une certaine Russie, monde de violence et de malheur.

L'affaire Matiouchine.
Enfant abandonné et élevé dans la violence d’une famille de militaire brutal et violent, après la mort de son “frère” à l’armée, voici le héros éponyme à l’heure du service militaire, des “sévices” militaire sans jeu de mots faciles. L’armée rouge est connue pour sa violence, ses brimades, sa brutalité. L’auteur qui y a fait lui-même son service militaire fait vivre au jour le jour la brutalité, la violence inutile, la bassesse, la corruption et pour finir la triste vie de gardien de camp. A la violence des zeks, des droits communs, des truands s’oppose à peine celle des gardiens. Ce que l’on a lu chez Chalamov, Soljenitsyne et bien d’autres perdure, au point de rendre la lecture quasiment douloureuse. Vous qui entrez ici…
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Dans “Le banquet du neuvième jour”. Il raconte l'odyssée du détachement qui accompagne le cercueil d'un soldat. Cela tient des aventures singulières du soldat Ivan Tchonkine de Vladimir Voïnovitch auquel on aurait rajouté des histoires du père Ubu (d’origine soviétique comme personne ne l’ignore) et surtout des tableaux de Jérôme Bosch. L’humour noir, acide fait sourire pour ne pas pleurer comme disait un célèbre écrivain.
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Difficile de donner un avis sur cet ouvrage. Trois romans se suivent dans cet ouvrage. Quand je dis qu'ils se suivent, c'est qu'ils perpétuent les mêmes sentiments d'absurde, de solitude et de grands espaces, plus qu'une suite logique (chaque histoire se suffit à elle-même).
la mesquinerie des hommes, leur côté animal, l'orgueil, la quête du pouvoir, l'égoïsme, la bêtise donc, y sont particulièrement bien rendus. On part avec les principaux protagonistes dans ce monde étrange sans difficultés aucune, mais au fur et à mesure des pages, (peut-être le style, peut-être l'histoire elle-même, peut-être la longueur..?!?) on s'aperçoit que les chapitres défilent (toujours avec un certain plaisir), sans que rien ne viennent vous surprendre, sans plus rien attendre. d'où une certaine déception, même si la musique est plaisante.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Sur le brancard, le défunt prenait ses aises. Deux pieds dépassaient de la couverture de laine. Ce pied... ces pieds, impossible de ne pas les regarder. Chacun d'eux (oui, chacun séparément) avait quelque chose d'autoritaire, de fort, d'impérieux même. Aliocha, soumis, les regardait sans détourner les yeux ; les gens qui se noient, déjà entrainés vers le fond, tendent encore convulsivement la main hors de l'eau mortelle, couleur de plomb... Et de sous la couverture-linceuil, elle aussi couleur de plomb, chaque pied jaillissait comme un cri d'agonie et écarquillait ses gros doigts courts qui n'auraient pu s'aggriper à rien, Le banquet du neuvième jourmême s'ils l'avaient voulu.
"Le banquet du neuvième jour"
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Karabas, c’est comme une fosse : c’est facile de tomber dedans, mais c’est dur, sinon carrément impossible, d’en sortir. C’était vrai pour les zeks, vrai aussi pour les militaires qu’on exilait, qu’on cachait dans la steppe quand le régiment les mettait au rebut
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- L'armée, elle m'a laissé deux cicatrices sur le corps, et puis on m'a cassé les dents de devant. Mais je ne lui en veux pas, à l'armée. On me battait, mais je pense que c'était juste. Premièrement, je suis Ouzbek, et chez les Ouzbeks, il y en a beaucoup qui sont bouchés, ils ne comprennent que quand on tape dessus, alors on les envoie dans les bataillons de construction. Deuxièmement, si on ne m'avait pas battu, je n'aurais jamais rien fichu. Ceux qui m'ont battu, je les respecte, moi je respecte les gens forts.
- Un Ouzbek ! Un Ouzbek ! riait Matiouchine, content de savoir le nom, et il lui tapait sur l'épaule. Alors, raconte-moi ! Je t'écoute ! - il trouvait agréable de l'écouter, ça faisait comme un petit vent frais.
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