Ce volume se compose de plusieurs recueils de poèmes : Condition de nuage, Aigle ou soleil ?, A la limite du monde (traduits par Jean-Clarence
Lambert),
Pierre de soleil (traduit par
Benjamin Péret). Je les ai trouvés d'intérêt inégal, mais ils reflètent plusieurs périodes de la vie du poète. S'ils présentent une grande diversité de formes, les mêmes thèmes y apparaissent toutefois.
La mythologie amérindienne occupe une grande place ; il faut une certaine culture (que je n'ai pas) pour tout saisir, mais restent la beauté des images, la force des éléments : "La longue nuit passée à sculpter le corps instantané de la foudre". Pierre et soleil sont les mots qui fondent ces poèmes, la pierre des architectures vides que Paz peuple de mots, le soleil qui brille éternellement, incandescent, sur les ruines des civilisations anéanties. "Mes frères, mes fils, mes oncles ont été tués. Au bord du lac de Texcoco, j'ai fondu en larmes."
Le poète s'interroge sur comment naît la poésie, tente des expériences, essaie des jeux de mots : "Des coplas éclopées copulent." Dans certains passages plus ou moins surréalistes, les vagues, les arbres et les étoiles lui parlent. "Le soleil entrait avec plaisir dans les vieilles chambres et y demeurait des heures, alors qu'il avait abandonné depuis longtemps les autres maisons dans le quartier, dans la ville, dans le pays. Et plusieurs nuits, fort tard, les étoiles scandalisées le virent sortir en cachette de chez moi."
Paz parle d'amour aussi, ou plutôt de sa perte, de la solitude et du deuil. Ou bien est-ce de la perte de sa jeunesse dont il parle ? C'est parfois une douleur délicieuse : "épine minuscule/et mortelle qui donne des peines immortelles."
Il
nous raconte en prose des histoires glaçantes, telles celle de la fiancée qui voulait "un bouquet d'yeux bleus" ; d'autres plus tendres comme le récit de la vague qui le suit en ville, dans le train et dans son appartement (mais elle finit mal).
Dans l'ensemble, j'ai trouvé cette poésie vraiment très, très belle, mais sans réellement en être émue... Émotion devant la beauté, la sensation de l'écriture, oui, mais le message est parfois trop obscur pour qui ne connait pas à fond les sources de cette poésie (encore que la préface de
Claude Roy soit assez éclairante).
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