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Si durant toute la durée de la tétralogie, commentée ici et là, chroniquant les heures sombres du West Yorkshire, David Peace s'employait à truffer ses textes d'une actualité servant à mettre en relief les motivations des personnages et les faits divers qui jalonnaient leurs parcours respectifs, il en va tout autrement avec GB 84 où l'actualité devient le thème central de ce roman flamboyant.

Mars 1984, pour protester contre la restructuration sauvage des houillères de Grande-Bretagne, les mineurs du Yorkshire vont entamer une grève qui s'étendra dans tout le pays et qui durera un an. le conflit entre la commission national du charbon soutenue par le gouvernement Thatcher et le syndicat national des mineurs présidé par Arthur Scargill s'apparentera à une guerre sans merci où les parties ne lâcheront pas la moindre concession. Et c'est au travers du regard de trois protagonistes que vous découvrirez les manigances et les combats souterrains que se livrent deux blocs extrêmes qui savent déjà que la défaite est synonyme de chute et de discrédit.

Il y a tout d'abord Neil Fontaine, barbouze, garde du corps et homme des basses oeuvres dont la mission est de mettre tout en place pour briser et discréditer la grève des mineurs. Il navigue entre le monde souterrain de mercenaires extrémistes sans scrupules et les coulisses d'un pouvoir qui n'en a guère d'avantage.

Terry Winters, membre de la direction du syndicat national des mineurs, se trouve au coeur des manoeuvres financières d'un syndicat acculé par le gouvernement à livrer sa trésorerie auprès des tribunaux qui leur inflige de lourdes amendes. Paranoïa, corruption et illusions sont le lot quotidien d'un syndicat condamné au succès.

Et puis il y a le témoignage poignant du quotidien de mineurs qui se retrouvent au coeur d'une grève interminable, d'un combat violent et sans concession entre un gouvernement inflexible, des policiers toujours plus violent. On découvre le calvaire de familles exsangues financièrement, d'hommes épuisés par les piquets de grèves et par les trahisons de leur voisins, amis, et camarades de travail qui souhaitent reprendre le travail. Un clivage entre les « jaunes » et les grévistes qui laissera des cicatrices profondes qui ne se refermeront jamais.

Avec un texte syncopé à l'extrême, David Peace nous fait passer des uns aux autres dans un style flamboyant qui frôle la folie. Cette folie qui semble d'ailleurs être le trait d'union entre tous ces personnages lancés dans une course désespérée qui ne laissera personne indemne, pas même le clan victorieux. Paranoïa, manipulations, coups bas seront le quotidien de protagonistes qui ne peuvent désormais plus s'entendre. Des protagonistes aux égos surdimensionnés qui se défient par l'intermédiaire d'une population ouvrière sacrifiée sur l'autel d'idéologies extrêmes qui ne peuvent que conduire à une lutte meurtrière.

Comme à l'accoutumée avec David Peace, c'est à bout de souffle que vous achèverez GB 84, un roman épique et tragique qui vous narre par le menu la mort d'une caste ouvrière et le changement de cap d'une nation désormais livrée aux mains d'un libéralisme économique triomphant.

La folie d'une nation contée avec la démesure d'un auteur ! David Peace est un génie !
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Une grève de près d'un an, un monde ouvrier en passe de disparaître, un monde syndical profondément divisé, un gouvernement prêt à transformer une démocratie en un État policier, des barbouzes s'agitant en sous-main, une presse aux ordres… une guerre civile en fin de compte. C'est ce que raconte David Peace en s'attaquant dans GB 84 à la grève des mineurs de 1984-1985, réaction à l'annonce d'un plan drastique de restructuration – ce doux euphémisme qui signifie surtout fermetures et diminution des charges de personnel – des houillères de Grande-Bretagne.
Peace choisit pour cela de multiplier les angles de vue. Les récits à la première personne de deux mineurs, Martin et Pete qui alternent d'une partie sur l'autre, viennent couper et sont coupés par ceux de Terry Winters, directeur exécutif du Syndicat National des Mineurs, un des bras droits du président Arthur Scargill, de Neil Fontaine, chauffeur et homme de main au service de Stephen Sweet, le Juif, lancé pour Margaret Thatcher dans une croisade contre le syndicat, mais aussi de Malcolm et du Mécanicien, barbouzes agissant pour le compte de divers intérêts, y compris les leurs, alternant crimes crapuleux et actions violentes contre les grévistes.
Il en ressort un récit éclaté, haché et baroque dans lequel la fiction, aussi crue et violente soit-elle, se mêle étroitement à une impressionnante documentation qui rend compte de faits réels bien plus glaçants et poignants. Ainsi les récits au jour le jour de la grève que font Martin et Pete, des premiers piquets au délitement du mouvement en passant par les affrontements avec des forces de police militarisées et bénéficiant d'une impunité totale avec morts et blessés à la clé, sont certainement les moments les plus fort de ce roman dantesque : ils racontent sans fard la colère et le désespoir, le sacrifice de cette piétaille au service d'un syndicat dont la direction est en proie à la division, la méfiance qui s'instaure peu à peu vis-à-vis des amis ou voisins prêts à retourner leur veste et à devenir des jaunes pour pouvoir simplement nourrir leurs gosses, la récolte clandestine de charbon sur les crassiers pour gagner quelques sous et bien sûr la haine que la police, forte de son bon droit et de la carte blanche dont elle bénéficie, peut exprimer en exerçant une violence débridée contre les mineurs.
Ainsi derrière le roman noir, Peace dépeint magistralement le délitement de l'État Providence et des solidarités de classe pour faire place à l'individualisme et au libéralisme le plus débridé. Impressionnant coup de maître, GB 84 ne laisse finalement qu'une seule frustration au lecteur francophone et surtout pas assez anglophone pour pouvoir lire le texte en version originale : celle de ne pouvoir profiter de la scansion hypnotique originelle du texte que le traducteur, malgré un travail de grande qualité ne peut que laisser deviner dans le texte français. Autant dire qu'il s'agit là d'un roman noir parmi les meilleurs des années 2000, audacieux sur la forme et solide sur le fond. Un incontournable.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Lire Peace, c'est toujours… une épreuve. Une expérience dont je ne sais jamais si je la reconduirai à nouveau. Elle me laisse toujours mitigée, frustrée et admirative en même temps.
Frustrée parce que, comme à son habitude, Peace dresse des personnages et des intrigues par touches allusives, obsessionnelles, oniriques. Certaines parties ne sont vraiment pas évidentes dans la narration, et il faut être déjà profondément avancé dans le livre pour commencer à voir des liens – ou à les imaginer, parce qu'honnêtement, rien n'est jamais confirmé. Peut-être est-ce là son souhait : que nous reconstruisions l'histoire nous-mêmes, grâce aux fragments qu'il nous en donne. Nous laisser circuler dans son oeuvre en autonomie, y voir un peu ce que l'on souhaite, comme quand on regarde un tableau d'art abstrait. Il faut quand même admettre que le procédé peut être lassant, par moments. J'aime quand un auteur ne me prend pas pour une débile, mais j'aime aussi qu'on me raconte une histoire – et de ce point de vue, oui, Peace me frustre toujours.
Et pourtant. Il m'attrape aussi toujours. Je commence le livre, j'en saisis rapidement la construction ternaire, les alternances de style et de forme pour évoquer des personnages différents, je réalise vite que je ne vais (encore) pas tout comprendre à certaines parties de l'intrigue, vraiment trop allusives… Et pourtant, j'y entre. Et j'y reste. Et je le lis vite, sans m'y contraindre mais par envie. Pourquoi ? Parce qu'il y a quelque chose de l'ordre de la transe, de la psalmodie. La façon dont ceci est construit, en paragraphes courts, en voix qui s'entremêlent, finit par m'entraîner comme le ferait un mantra. Je ne situe pas forcément complètement ce que fait tel personnage, ni ses interactions avec d'autres, ni même s'il est « gentil » ou « méchant » (notion superflue chez Peace), mais je me laisse entraîner dans ce chant fascinant, et je le laisse se dérouler devant moi, avant de refermer le livre – incapable de dire si j'ai « aimé » ou pas, mais certaine en tout cas d'être profondément admirative devant un tel talent.
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Fin d'un monde social et politique en métal-jazz halluciné et obsessionnel. Chef d'oeuvre magique.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/09/14/je-me-souviens-de-gb-84-david-peace/
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C'est comme un long tunnel sombre. de partout, des voix nous parviennent. Des noms aussi, des lieux, des monologues, des conversations. Par instants, des bribes de lumière nous parviennent. Un long tunnel, duquel on ne sort pas, duquel on aurait l'impression de ne jamais pouvoir sortir. Début 1984, dans le Yorkshire, mais aussi dans d'autres comtés d'Angleterre, une grève des mineurs commence. Conflit social, la grève de 1984 est également la confrontation violente de deux forces politiques et de deux personnalités radicalement opposées : le syndicalisme communiste d'Arthur Scargill et l'ultra libéralisme de Margaret Thatcher. Deux paradigmes, l'un individualiste et financier, l'autre collectif et solidaire. Pour narrer ce grand événement de l'histoire contemporaine britannique, David Peace se place à hauteur d'hommes, à plusieurs titres : par son écriture et par les personnages qu'il met en scène. Plus qu'une simple crise sociale, Peace décrit une guerre civile. le charbon a remplacé la rose, mais le sang demeure. C'est par lui que le Royaume-Uni entre, pleinement, dans l'ère de la modernité.

De mars 84 à mars 85, la production de charbon britannique est brutalement mise à l'arrêt, menaçant les foyers et les industries du pays. le conflit social est national, piloté par Arthur Scargill, personnage respecté par les mineurs du pays. Semaine après semaine, David Peace choisit une narration strictement chronologique, sans les artifices du flash-back. de façon radicale, l'auteur autopsie ce mouvement social à hauteur d'hommes. Au-delà des chiffres, au-delà des articles de journaux, au-delà des lignes des livres d'histoire. le style de Peace se met au service de cette exigence ; style très particulier, presque obsédant, de phrases courtes, qui n'utilisent presque pas de pronoms, qui répètent, inlassablement et sous des formes extrêmement proches, les mêmes images, les mêmes constats, les mêmes cauchemars. Pour chacun des personnages, Peace crée un style, une ambiance et, en un mot, une psychologie. Par son écriture, l'auteur place ainsi, littéralement, le lecteur dans la tête des personnages qui, comme ils appartiennent aux deux camps de cette grève, illustrent les actes et les pensées en oeuvre. Par cette volonté de coller aux réflexions des personnages, Peace exclut aussi tout élément de contextualisation qui permettrait au lecteur de reformer l'ordre de ce grand puzzle social. Cela rend, évidemment, la lecture relativement ardue, abstruse à certains moments. Enfin, l'exigence de Peace d'être au plus près des événements se ressent aussi dans le choix des personnages : des mineurs grévistes comme Martin et Peter, des dirigeants syndicalistes comme Terry Winters, des hommes de main comme David Johnson, Neil Fontaine ou Malcolm Morris, à travers lesquels sont aperçus les proches de Thatcher, dont Stephen Sweet, surnommé le Juif par Neil, son garde du corps. Par ce choix, l'auteur démontre que toute histoire doit d'abord être lue à travers le prisme de ceux qui la vivent, de ceux qui la font, de ceux qui la subissent.

Au-delà des enseignements et réflexions plus hautes que l'on pourra en tirer, le roman de David Peace marque d'abord par son propos proprement dit. Il y a, à la lecture, une forme de sidération qui saisit le lecteur. Car GB84 est avant tout le récit d'une guerre civile. La guerre d'un État contre son peuple. La guerre que mène un Premier Ministre contre des ouvriers qui exercent un droit. Une guerre menée par tous les moyens possibles, dont, en premier lieu, celui de l'argent qui coule à flots. Les récits à la première personne de Martin et Peter sont, à ce titre, très évocateurs. Martin est un mineur qui perd peu à peu sa femme, et en est réduit à travailler de façon clandestine pour survivre. Peter, lui, est un chef de section syndicale, au contact des grévistes dont il fait partie et dont il reçoit, semaine après semaine, les condoléances. Peter organise, dirige, soutient. Les voitures, les piquets de grève, les distributions d'argent et de vivre. Semaine après semaine, les mêmes choses reviennent. Les départs tôt le matin vers les mines de la région ; la fierté du nombre ; les charges de la police ; les dents brisées, les corps piétinés ; les fuites à travers les jardins et les cours ; les arrestations, les humiliations infligées par la police. Semaine après semaine, mois après mois, un an durant. Ce qui marque, ce sont les violences policières. Ce qui marque, ce sont les contrôles routiers et les blocages sur les routes. Ce qui marque, ce sont les attaques insidieuses menées par les services sociaux. Ce qui marque, c'est le jusqu'au-boutisme du gouvernement, représenté en sous-main par le Juif, Stephen Sweet, partisan d'une ligne dure. Ce qui marque, c'est l'isolement progressif du syndicat des mineurs, coupé même du congrès des syndicats, symbole ahurissant d'un mouvement syndical brisé.

L'affrontement est total. Il est transposé des villes minières du Yorkshire ou du South Wales jusqu'aux tribunaux où la grève est jugée illégale, jusqu'aux médias où interviennent, grâce aux bons soins de Stephen Sweet, des mineurs jaunes, c'est-à-dire ceux qui ont repris le travail. Dans les deux camps, des voix dissonantes résonnent. Sweet déplore les modérés qui veulent discuter des modalités de retour au travail, de la réintégration des mineurs renvoyés. Peter déplore les jaunes, qui trahissent le mouvement, soit par indifférence, soit par nécessité. le cas du Nottinghamshire déchire le syndicat, quand la ligne nationale est rejetée par une volonté locale de demander, par l'organisation d'un scrutin, l'accord des mineurs sur la grève. Affrontement dans les rues, affrontement dans les médias, affrontement souterrain, aussi. Ici interviennent les hommes de l'ombre. Neil, le Mécanicien, le Spécialiste. Un garde du corps proche d'élites alternatives du pays - dont un vieux général en retraite en Écosse -, un exécutant des basses oeuvres pris en chasse par ses anciens employeurs, un expert des écoutes clandestines dont les oreilles saignent à force d'entendre les secrets du monde. Ces personnages là ont leurs ordres et leurs intérêts propres. Bien qu'agissant pour le compte des puissants, eux aussi sont broyés par la machine, et aucun n'en sortira indemne. En vérité, c'est cela qui se passe. Aucun personnage ne sort indemne de cette guerre. Emploi perdu ou foyer brisé pour les grévistes, assassiné ou suicidé par honneur pour les hommes de l'ombre, réduit à l'extrême solitude pour les proches du pouvoir - Terry Winters et Stephen Sweet. de là découle une grande leçon du livre. L'ultra libéralisme de Mme Thatcher ne mène pas, comme le promet le capitalisme dont l'ultra libéralisme est la version la plus extrême, la plus littérale, au bonheur par la liberté d'entreprendre, mais plutôt à un saccage généralisé des vies et des systèmes économiques et sociaux.

Point d'angélisme, cependant, dans la vision du syndicalisme que décrit Peace. Car l'affrontement entre Sargill et Thatcher, entre le syndicat des mineurs et le gouvernement, est une bataille de principes qui, de quelque côté que l'on se place, oublie les hommes. Acteur central par sa position de médiateur entre les grévistes et le gouvernement, le syndicat n'évite pas de terrifiantes ambiguïtés que symbolise son directeur exécutif, Terry Winters. A la fois trésorier, référent juridique et organisateur de la communication interne, via la codification des messages, Winters est un personnage double dont on ne sait pas réellement s'il est loyal ou s'il trahit la cause. Présenté comme marié, il se rend coupable d'adultère ; distribuant l'argent aux sections locales, il pioche allègrement dans la caisse du syndicat ; membre du comité très resserré autour du président, il est soupçonné de transmettre des informations à des acteurs extérieurs. A plusieurs reprises, il échoue à permettre à son syndicat de faire des avancées déterminantes, et pourtant il garde la confiance de Scargill. A bien des égards, pourtant, et de façon assez paradoxale dans une organisation telle qu'un syndicat, Terry Winters est un homme terriblement seul, souvent humilié par la fidélité béate ou la combativité naïve des proches de Scargill, comme Paul ou Len. S'il est un traître, il est aussi un homme trahi.

A bien des égards, la trahison semble être l'un des thèmes essentiels de ce roman. Dans le monde moderne promis par le gouvernement thatchériste, quel est encore le sens de l'honneur ? Au nom de quoi, de qui, de quels principes, peut-on proclamer que l'autre a trahi ? Tous les personnages, d'un certain point de vue, sont des traîtres. Traîtres à la cause, comme Terry Winters ou les jaunes, traîtres à leurs proches, comme le Mécanicien, Neil Fontaine ou Martin, traîtres à eux-mêmes. Mais les principes sont une chose, et la vie en est une autre. Quand il faut manger, ou payer les études à ses enfants, peut-on faire autre chose que travailler ? Quand on veut flatter le pouvoir, peut-on faire autre chose que serrer la main de ceux qui vous humiliaient à l'école ? Quand on s'engage dans les voies dangereuses des opérations secrètes, peut-on se permettre d'aimer quelqu'un ? Quand on est une organisation syndicale nationale, peut-on tolérer d'autres lignes, d'autres conduites que celles que l'on a juré de suivre ? Peace laisse ses personnages répondre. Et eux-mêmes laissent les évènements décider pour eux, car en tant qu'hommes, ils seront broyés. David Peace nous invite pour le spectacle. Et clame, à la fin, que nous sommes les bienvenus dans ce que d'autres auraient appelé, un brave new world.
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Epoustouflant de par le contenu, et la façon d'écrire. Chaque point de vue est donné et présenté par des procédés typographiques différents (italique)
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Excellent livre sur la grève des mineurs en Grande-bretagne dans les annes 80 . Les protagonistes ouvriers, syndicats et gouvernement de fer sont réunis pour aboutir à la défaite terrible des malheureux contre le libéralisme sans état d'âme.
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ça démarre fort, on est tout de suite dans l'ambiance. Les récits se croisent bien... le coté "polar" apparait peu à peu au milieu des aventures "sociales" (ça se passe en .. 1984 pendant la grande grève des mineurs.
et puis ça dure, ça dure.
ok, la lutte aussi dure (la grève a duré plus d'un an), mais on en arrive à demander grâce.
et pour tout dire, une partie du récit finit un peu en eau de boudin, de façon assez onirique. je suis resté sur ma faim, finalement. et donc un peu déçu, vu comme ça avait démarré.
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J'étais pourtant avertie : ayant lu les quatre volets de la tétralogie du Yorkshire ("1974", "1977", "1980", "1983"), j'avais déjà eu l'occasion de me colleter à l'oeuvre de David Peace, à son style âpre, percutant, à sa vision du monde glauque et désespérée...
Mais je crois n'avoir jamais été, au cours de ces lectures, aussi éprouvée que lors de celle de "GB 84", son cinquième roman, qui a eu sur moi un impact quasi physiologique.

Le récit a pour point de départ la grande grève des mineurs qui, sous le gouvernement Thatcher, s'éternisa durant douze long mois, pendant lesquels les grévistes et le gouvernement britannique se livrèrent une guerre sans merci. Batailles juridiques, brutalités policières, réduction des aides sociales... tous les moyens furent mis en oeuvre pour faire plier ces travailleurs qui protestaient contre la fermeture de certaines mines. le bilan de cette année de conflit est d'ailleurs éloquent : trois morts, 20 000 blessés, 11 300 manifestants arrêtés et plus de 200 traduits en justice...

L'auteur restitue cet épisode de l'histoire moderne de l'Angleterre à sa manière très personnelle et si caractéristique, par l'intermédiaire d'une narration polyphonique, qui fait se succéder des points de vue différents, voire antagonistes, et donne au lecteur le sentiment d'être sur tous les fronts, plongé au coeur de l'action.

Nous côtoyons ainsi de simples grévistes aux prises avec les difficultés croissantes du quotidien, comme nous pénétrons l'intimité du juriste chargé, pour le principal syndicat de mineurs, de gérer les fonds nécessaires à la poursuites de la grève, au moyen de manoeuvres souvent tortueuses. Nous suivons aussi les déplacements de Stephen Sweet, homme de l'ombre proche du pouvoir, pour lequel il organise les combines qui nécessitent de se salir les mains, que son chauffeur, individu obscur, introduit dans les milieux d'extrême droite, surnomme "Le Juif"... et la liste n'est pas exhaustive.

L'intrigue est servie par une écriture obsédante, épileptique, qui donne toute son ampleur à la dimension violente, désespérée de "GB 84". A tel point que, parvenue à environ la moitié du récit, j'ai parfois hésité à poursuivre. le caractère lancinant que cette écriture confère au texte, et l'impression de tourner en rond dans un cauchemar où se répète les mêmes scènes de destruction, de brutalité, finissaient presque par me donner la nausée ! L'effet est sans aucun doute voulu par l'auteur, puisque qu'il nous imprègne ainsi de la nature laborieuse, féroce, de cette lutte interminable pour les hommes -et leurs familles- qui, durant ces longs mois de grève, connurent la misère, la faim, le doute, le découragement, sans pour autant avoir la certitude d'obtenir finalement gain de cause. Je suis pourtant allée jusqu'au bout de "GB 84", parce que même si la lecture des romans de David Peace est souvent éprouvante, en raison de la noirceur qui en émane, de ce style qui vous cingle les nerfs, je reste toujours profondément admirative devant sa puissance d'évocation, et sa capacité à nous atteindre, justement.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Dans le même style que la tétralogie, le style est direct et brut mais très plaisant à lire
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