AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de loreleirocks


Doug Peacock mon héros. Doug Peacock, ours, colosse. Doug Peacock qui se retrouva en 1980 à prendre Arnie "The Barbarian" Schwarzenegger par la paluche pour un week-end camping viril à Yellowstone et accessoirement montrer de plus près (tout est relatif) un grizzli pour une émission des années 70-80, qui, en passant, était une émission "sportive" chasse et pêche avec des guest stars populaires comme victimes. Ne me demandez pas comment je suis tombée sur cette vidéo...
Doug Peacock? Mais comment est-il arrivé là? C'est d'autant plus étrange que c'est à mille années-lumières de Grizzly Years. La vidéo parle d'elle même. Il est à autant d'année-lumières dans ses explications de la voix-off de type commentaire de guerre-animalier rétro.

N'empêche, Doug Peacock est mon héros. Entraperçu dans The Monkey Wrench Gang d'Edward Abbey qui s'est en partie inspiré de lui pour le personnage de Hayduke, puis fil conducteur de The Lost Grizzlies de Rick Bass, Doug Peacock, atypique, profondément déchiré par son excursion au Vietnam, Peacock se matérialise lentement, sauvage, insaisissable, imprévisible et passionné.

À travers le récit de ses années 80, ponctuées de flash-backs au coeur de l'horreur et de l'absurdité de la guerre du Vietnam, et organisées comme une succession de saisons, il raconte sa passion pour les derniers grands prédateurs de l'Amérique du Nord à travers laquelle on découvre sa lente reconnexion à un monde qu'il ne comprend plus. Une sorte de reconstruction de valeurs qui font sens pour lui, celles de la nature et des grizzlis.

Un livre étrange qui se dévore comme une collection de genres littéraires tous réunis dans des aventures réelles. Tension, réflexion philosophique, historique, aventure, confrontations à des géants surpuissants et imprévisibles comme à lui-même et ses échecs malgré principes et résolutions, faits et observations scientifiques, le tout ponctué de moments tendres et d'une générosité surprenants.
Et Doug Peacock, un homme complexe et hors-norme, presque timide, dont les traumatismes ont été un facteur positif supplémentaire à un engagement qui a de quoi décourager les plus solides. Je me suis passionnée pour ses énumérations d'aliments préférés selon la saison par son grizzli (et oui, le contenu des crottes de grizzli est très intéressant), pour son retour annuel vers certains ours (Happy Bear !) et tremblé avec lui dans ses rencontres malencontreuses (The Black Grizzly !) au coin d'un buisson. Des descriptions d'ours et de familles d'ours, de leur comportement, leurs interactions, incroyables. Un homme qui marche, qui écoute, qui sent, qui observe. Un homme qui s'émerveille et se laisse surprendre.

Voilà un livre qui m'a touchée et quelque peu ébranlée dans ma passion tranquille (et monomaniaque) pour ces auteurs merveilleux du Nature Writing, du grand Ouest américain.
Mon regard naïf (sérieux, je suis de la campagne du sud-ouest, campagne ultra-contrôlée et ce tellement anciennement de notre vieux continent... comment saisir l'étendue de... l'étendue sauvage américaine et de ce que l'engagement de ces hommes implique ?!) et ma gourmandise sans borne pour la poésie de ces récits merveilleux ont ici pris une sacrée claque.
On ressent constamment les complications et impossibilités liées à la politique expansionniste américaine (Manifest Destiny, people, Manifest Destiny !!) qui teinte tout, jusqu'aux institutions censées protéger ce qu'ils nomment "Wilderness", concept qui en lui-même implique régulation et "management". L'impuissance qui pousse à l'action furtive et illégale que les lecteurs trouvent si drôle dans The Monkey Wrench Gang et qui a été une réalité, tout au moins dans ses actions réalistes, et non la démesure du fantasme du dynamitage de ponts et barrages sur le Colorado... et toujours la menace de l'extinction aux États-Unis mais surtout l'incapacité humaine de respecter un élément essentiel de son propre écosystème. L'homme, comme le grizzli, est un grand prédateur. Lorsqu'un écosystème meurt, le premier maillon à disparaître est le grand prédateur, grand régulateur de son environnement...

Peacock aujourd'hui âgé de 70 ans et des poussières a recadré ses actions, plus dans la perspective de l'écriture et de l'éducation, dans l'action à travers des associations (je peux attendre la dépêche "le Hoover Dam dynamité !", bah !). Je ne savais pas qu'il avait écrit plus de deux livres. Et bien voilà ma liste qui s'allonge. Et quelle liste ! Un bonheur ! Les pieds sur terre, la tête dans les nuages et en avant pour des lectures passionnantes et qui ont de quoi vous faire enfiler vos godillots et agir !
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}