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La trilogie de Gormenghast tome 3 sur 4

Patrick Reumaux (Traducteur)André Dhôtel (Préfacier, etc.)
EAN : 9782752902009
282 pages
Phébus (08/06/2006)
4.05/5   65 notes
Résumé :
Titus d'Enfer a grandi au coeur de la forteresse labyrinthique de Gormenghast. Il profite d'un déluge providentiel, et s'enfuit de ce monde fantastique et clos, où des rituels codifiés l'enferment depuis trop longtemps. Le jeune homme s'apprête à affronter le monde et ses dangers, affamé qu'il est d'aventures et de mises à l'épreuve...
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Avec la fin de la trilogie de Gormenghast, le château éponyme de la saga s'estompe dans les limbes de la mémoire de son héros Titus, et le monde extérieur l'engloutit dans son inquiétante étrangeté.

Pour peupler ces nouvelles contrées, Mervyn Peake choisit de déchaîner son imagination. Obscurité désolée, lumière dorée sur les cages d'une ménagerie : le cadre chamboule nos repères, et la beauté foisonnante des descriptions de Peake demeure le seul élément de familiarité. Même Titus s'éloigne par moments de l'adolescent furieux du tome 2, ce qui n'est pas pour me déplaire.

De plus, bien qu'il reste très reconnaissable, le style de Peake lui-même est amené à évoluer pour rendre compte de l'altérité hétérogène et peu compréhensible de ce nouveau monde. La densité habituelle des descriptions se mélange avec des passages plus abstraits et épars. Les personnages sont globalement moins détaillés, et ne servent parfois qu'à faire avancer l'intrigue. Ils défilent parfois comme un carnaval d'automates. Ce qui révèle sans doute la nature sinistre de ce monde, puisque les opprimés y deviennent pour la plupart des créatures sans cervelle.

Et en effet, l'univers prend ici des atours de science-fiction dystopique, avec des avions surréalistes, un robot espion volant (quelle curieuse scène !) et une maison de verre qui rappelle furieusement celles d'Eugène Zamiatine dans "Nous Autres". A travers ce cadre errent des motifs de policiers et de savants déshumanisés ou presque, se livrant à des holocaustes (le mot est prononcé tel quel) qui renvoient inévitablement à un contexte que Mervyn Peake ne connaît que trop bien et l'a peut-être même traumatisé, lui qui fut un des premiers à entrer dans les camps de concentration fraîchement libérés.

Toutefois, ce changement d'univers ne s'effectue pas en faisant table rase de Gormenghast (ce serait un immense contresens de l'affirmer), mais par un phénomène de translation, où la figure d'origine disparaît, tandis que le mouvement et la forme qu'elle a impulsés sont indéniables et imprègnent tout le nouveau monde qui s'offre à nous.

Ainsi, Gormenghast subsiste en un lieu de ce récit : l'esprit de Titus. A sa mémoire se heurte la réalité du monde de l'extérieur, où personne ne connaît son château originel. Nous-mêmes, en tant que lecteurs, sommes amenés à nous demander par ricochet si Titus n'est pas un vagabond mégalomane, et si les deux livres précédents ne sont pas son délire. Cette exclamation de Rimbaud vient à l'esprit :

"Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je
suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à
étreindre ! Paysan !"

Mais l'arrogant Titus ne peut bien sûr se satisfaire de la perte de son monde (de ses illusions ?). Il refuse que son errance le fasse déchoir de son statut de seigneur. Par le jeu habituel de la nostalgie (qui fait idéaliser même certains aspects déplaisants du passé), il en vient à regretter jusqu'au rituel anciennement honni,

Ainsi la crise d'identité advient-elle : déchiré par le refus que ce monde oppressant oppose à la réalité de son passé, Titus en vient lui aussi à douter, et ne parvient plus à trouver de confort dans ses souvenirs de Gormenghast, qui ne lui paraissent plus vrais et le tourmentent. La folie guette, encouragée par des ennemis à l’intelligence insensible, dont Finelame n’était que le premier avatar…

Ce regret de Gormenghast fait toute l'ambiguïté et la profondeur vertigineuse du roman. S'agit-il de Peake luttant avec sa santé déclinante, et chevillant son sort à celui de Titus, sans savoir s'il pourra lutter avec lui jusqu'au bout, persister dans sa nature, malgré ceux qui l'accusent d'être déjà mort ? Ou peut-être ce tourment dénonce-t-il les risques de la répétition. Peake s'adresserait alors un avertissement à lui-même, mais aussi à tous ceux qui voudraient imiter son oeuvre en se contentant de la copier : refaire ce qui a déjà été fait, tenter de repeindre les mêmes tableaux alors que l'on a changé, c'est ouvrir la porte à un ridicule tragique et délétère.

Dans les deux cas, il faut continuer la route, aller au-delà, quitte à avancer de façon incertaine, comme ce roman foisonnant et cette critique un peu désordonnée. Rimbaud disait dans un ver bringuebalant « C'est la vraie marche, en avant route ».

Toutefois, chez Mervyn Peake, l'errance ne doit pas être synonyme de perte. Sans la certitude du point de départ, plus aucune fuite en avant n'est possible. Loin du fou délirant que certains voudraient dépeindre, le Peake de 1959 sait d'où il vient et où il va. Il conserve l'acuité de sa vision, et enrichit le personnage de Titus avec son attachement paradoxal à des origines qu’il a fuies. La certitude que Gormenghast existe est une Ancre nécessaire à son errance, sans quoi son bateau ivre serait emporté dans une dérive mortelle. Il reste attaché à l’image de son passé, tout en s’en éloignant implacablement. D’ailleurs, il s'en éloignerait même s'il y revenait. La fuite du temps, la fin de l'adolescence et l'évolution de la perception qui en découle se chargeraient de lui rendre sa demeure étrangère. Peu lui importe, tant qu’il sait qu’elle a existé et existe encore sans lui.

Mais là est toute la question : ce château-monde n'est-il qu'un rêve doux et violent, amorphe et embrasé ? Un lecteur très attentif de l'oeuvre aura remarqué un détail qui, peut-être, permet de retrouver un début de réponse.



Alors, qui de Mervyn ou de Titus a perdu le fil du récit et changé le passé ? Au lecteur de se faire son opinion et d'adhérer ou non aux chambardements de ce troisième tome.
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Titus a profité de la confusion qui règne à Gormenghast après la terrible inondation pour quitter le château. Finelame est mort, Fuchsia est morte, la menace est morte. Tant pis. Aux orties, son titre de soixante-dix-septième comte d'Enfer ! « Tournant selon son humeur vers le nord, le sud, l'est et l'ouest, il perdit un à un tous ses repères. Disparu l'horizon de sa montagneuse demeure. Disparu le monde déchiqueté de tours. Disparu le lichen gris ; disparu le lierre noir. Disparu le labyrinthe qui alimentait ses rêves. Disparu le rituel qui fut sa nourriture première et son malheur. Disparue l'enfance. Disparue. » (p. 17) Titus veut voir si un ailleurs existe et s'il est possible de vivre ailleurs qu'à Gormenghast. Dans sa poche, il n'a qu'un silex qui lui rappelle d'où il vient. Où va-t-il ? Peu importe. « Il sait seulement qu'il a laissé derrière lui, du côté de l'horizon qui s'éloigne, quelque chose de démesuré. Quelque chose de brutal ; quelque chose de tendre. Quelque chose de mi-réel ; quelque chose de mi-rêvé. La moitié de son coeur. La moitié de lui-même. » (p. 18) Renégat et traître à sa lignée, Titus veut découvrir la vie et le monde, monde qui n'a jamais entendu parler de lui ou de Gormenghast. Après une vie de rituel figé, Titus découvre un pays de progrès plein d'inventions qui le ravissent. Il rencontre Musengroin, propriétaire d'un zoo, et la très belle Junon qui deviendra son amante. Mais dans ce pays où personne ne le connaît, il est vagabond et suspect. Comment expliquer que les lettres écrites à sa mère lui reviennent ? Gormenghast existe-t-il vraiment ? Est-il fou ? Qui est Titus, s'il n'est pas le soixante-dix-septième comte de la lignée d'enfer, héritier de l'éternel château de Gormenghast ? Il lui reste une grande leçon à apprendre : ce qu'il cherche, il le porte en lui depuis toujours. « Sur les jeunes traits de Titus était écrit quelque chose qui n'était pas jeune. Quelque chose d'aussi ancien que les pierres de sa demeure. Quelque chose d'intraitable. » (p. 163
Voilà un final grandiose ! de nombreux contemporains de Merwyn Peake ont estimé que le troisième volume de cette trilogie était inachevé et uniquement composé de bribes plus ou bien assemblées. Il est vrai que le tome final est plus mince que les précédents, mais il est aussi plus fulgurant. Débarrassé de la pesanteur du rituel, Titus peut enfin progresser et agir. Ses journées ne sont plus ralenties ou engluées dans un cérémonial stérile. L'atmosphère poussière et baroque de Gormenghast s'est allégée et le héros évolue dans un monde plus lumineux, aux contours plus nets et plus tranchants. Enfin, Titus d'Enfer se frotte à la vie. Enfin, il fait l'expérience de l'inconnu. Et si ses pas le ramènent vers Gormenghast, il saura faire le bon choix pour son avenir et sa survie.
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Dans le château de Gormenghast vit une famille noble dont la seule occupation consiste à accomplir des rites fixés par une tradition ancestrale. La naissance de l'unique héritier, Titus, laisse tout le monde indifférent, si ce n'est que cela donne lieu à de nombreuses cérémonies indispensables à son rang. C'est dans ce contexte qu'un jeune apprenti s'échappe des cuisines et, par ruse et intrigues, réussit à s'introduire dans l'entourage des seigneurs…
Ce début d'intrigue peut paraître convenu, mais la trilogie de Gormenghast n'a pas pour prétexte de mettre en scène un suspense. Elle cherche avant tout à décrire un univers, et les personnages qui le composent. le nom même de la trilogie (et du deuxième tome) est celui d'un lieu, celui du château, dont les habitants ont l'impression que rien d'autre n'existe en dehors. Cela en fait d'ailleurs un "personnage" à part entière, voire même le personnage principal de l'oeuvre. Pour les anglophones, Gormenghast est un nom plutôt évocateur puisqu'il est la conjonction de deux mots : "gore", qui signifie "sang", dans le sens de sanglant, et "to be aghast", qui peut être traduit par "être frappé d'horreur".
L'horreur est en effet présente tout au long des 1300 pages de la trilogie. En premier lieu parce que Gormenghast est un lieu froid qui semble régir toute la vie qui gravite en son sein et dans ses abords immédiats. En second lieu parce que bon nombres de personnages centraux de la trilogie périssent de mort violente.
Les personnages justement, parlons-en. Rien que leur nom est évocateur. Lord Tombal, 76ème comte d'Enfer, personnage mélancolique qui ne semble intéressé que par les livres qui remplissent l'immense bibliothèque de Gormenghast. Craclosse, son serviteur, aussi rigide d'esprit que la maigreur qui fait craquer ses os à chaque mouvement. Et que dire de Lenflure, l'immonde cuisinier dont le corps est aussi gras que la cuisine qu'il prépare ? Il y a aussi Finelame, personnage médiocre, mais prêt à tout pour assouvir son arrivisme, c'est à dire se hisser tout en haut de l'échelle de l'aristocratie de Gormenghast. Et il y en a bien d'autres encore, chacun représentant une facette exacerbée des travers de l'âme humaine.
Tout cela fait de la trilogie de Gormenghast une oeuvre difficilement classable. Farce ? Drame ? Conte ? Roman médiéval ? Probablement tout cela à la fois et certainement bien plus encore. On pourrait la comparer à Alice au pays des merveilles pour l'irrationalité apparente qui n'est peut-être pas si absurde que cela… Mais émergent également de l'oeuvre une angoisse kafkaïenne, celle d'un univers qui a perdu son âme, et une prose rabelaisienne, de par la truculence des personnages. L'écriture de Peake est donc extrêmement riche. Mais l'auteur ne se contente pas de cela et nous invite en plus à analyser la manière dont nous vivons pour, in fine, nous montrer la voie de notre seul et unique but dans la vie : la liberté. Car l'univers de Peake a beau être imaginaire, il est très facilement transposable au notre…
On l'aura compris, la trilogie de Gormenghast est incontestablement l'un des chefs-d'oeuvre des littératures de l'imaginaire. Certains auteurs bien plus connus que Peake ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et le revendiquent comme source d'inspiration, Michael Moorcock et Roger Zelazny en tête.
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Si vous avez lu mes chroniques précédentes sur cette trilogie, vous savez que je n'ai pas accroché. En cause la narration infiniment longue et certains personnages fort peu intéressants (je n'ai pas aimé suivre les professeurs ou encore Irma, par exemple). Pourtant, je n'ai pas trouvé ces romans dénués de qualités : l'écriture m'a plu, certains protagonistes m'ont intriguée. Si ce dernier tome, Titus errant, n'avait pas été presque deux fois plus court que les deux premiers, je crois que je ne m'y serais jamais attelée et je l'aurais rendu sans scrupule. Mais voilà, je l'ai lu et… je l'ai apprécié. Je ne m'y attendais pas car, à en croire les quelques retours de lecteurs et lectrices qui ont aimé voire adoré Titus d'Enfer et Gormenghast, celui-ci leur a bien moins plu. Et pour cause, il change radicalement des précédents livres.
Dans Titus errant, nous reprenons le récit quelques temps après que Titus, notre jeune héros, ait quitté son château, Gormenghast. Et là est déjà le premier grand chamboulement : adieu les épais murs de pierre, adieu le Rituel, adieu les protagonistes que nous avions appris à connaître. Désormais, place à de nouvelles femmes et nouveaux hommes qui parcourent le récit, et alors que nous étions si sûr·es de l'existence de la demeure seigneurale, tout est remis en question : où Titus a-t-il donc atterri pour que personne ne connaisse Gormenghast ? Et il faut bien le dire, dans les tomes précédents, le château était un personnage à part entière.
Au cours de ses errances, Titus va faire la rencontre de nombreux personnages, notamment Musengroin et Junon qui vont être de véritables soutiens – à leur façon – pour le héros, ou encore Cheeta qui s'entiche un peu trop du jeune homme, au point de prendre très mal le moindre refus de quoi que ce soit. Et si cette dernière est bel et bien pénible, telle une écharde plantée dans votre voûte plantaire, les autres sont en revanche très intéressants : Musengroin avec son côté assez brutal mais qui cache au fond de lui un véritable amoureux de la vie, Junon et ses doutes, entremêlés de ses certitudes, elle aussi une grande amoureuse. Quant à Titus, il navigue entre son envie de Gormenghast (que deviennent ses habitants? comment va sa mère?), ses désirs et ses craintes (est-il fou?). Il a beau être le héros, ce n'est pas le personnage que j'ai préféré mais il est tout de même intéressant et ça a été un vrai plaisir de le suivre. Toutefois, il est vrai que certains individus qui parsèment le récit ne sont pas aussi passionnants que les quatre dont je viens de vous parler, pourtant ils n'ont pas été déplaisant à découvrir et à suivre.
Titus errant ne parle pas que d'errance, de doute ou même de folie, il parle aussi d'amour au sens large. C'est bien en suivant le héros et ses ami·es et ennemi·es que l'on s'en rend compte et, tout comme Titus, nous ne savons parfois plus vraiment de quoi il est question. Rien de gênant dans la lecture, au contraire cela nous plonge encore plus dedans.
Petit bémol pour la fin qui, si elle est bien menée et prenante, s'avère toutefois assez longue. Cela n'enlève toutefois rien aux qualités de ce roman qui est très bien écrit, qui a de bons protagonistes et une histoire intéressante.

Et voilà, c'est tout ce que j'ai à dire pour Titus errant. Il conclut très bien la Trilogie de Gormenghast et je regrette qu'il m'ait fallu passer par deux longs tomes interminables pour pouvoir enfin apprécier pleinement le talent d'écrivain de Mervyn Peake (et, oui, je précise « écrivain » car je connaissais déjà de longue date son travail d'illustrateur, notamment sur Alice au pays des merveilles, que j'aime beaucoup et que je vous invite à découvrir).

A noter que, si vous lisez ce livre, je vous conseille de lire la préface une fois le roman terminé, sinon vous risquez de vous faire dévoiler l'intrigue… Heureusement pour moi, pour avoir déjà vécu ça, je ne lis plus les préface sans avoir d'abord lu le bouquin.
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Titre original : Titus Alone, 1959
Dans le troisième opus Titus aborde le "nouveau" monde fait de fureur, de technologies inconnues, un monde qui ignore tout de Gormenghast, un monde qui l'ignore, lui. J'ai immédiatement songé à Reith, le voyageur du cycle de Tschaï (Jack Vance). Comme lui, il erre dans des mondes étrangers, trouve de l'aide mais doit toujours se résoudre à partir. Mervyn Peake est un homme moderne et visionnaire. Dans ce dernier volet, il parle des laissés pour compte, les abrite dans un monde souterrain ou plutôt sous-marin (sous le fleuve qui sépare les deux villes), une sorte de cour des miracles où vivotent dans cette grotte suitante ceux qui préfèrent être enterrés vivants qu'être morts dans une insensible urbanité. Mervyn Peake a inventé un monde fait de nos hantises et de nos rêves. Un univers où se côtoient l'absurde et l'attendu, où se frottent l'indulgent et l'éxécrable, où se heurtent bonté et ignominie, un monde qui ressemble au nôtre. Certains trouvent (je l'ai lu), que la fin du roman est plutôt "chaotique et confuse" à cause de la maladie de l'auteur. Je n'ai pas eu cette impression. En revanche, je reste sur ma faim quant au devenir de certains personnages attachants (Belaubois, le docteur Salprune...), mais déjà dans le deuxième tome, les morts de Fuschia et celle de la Créature arrivent bien trop brutalement. J'ai envie de dire "tout ça pour ça" et j'ai mal au coeur. Je me souviens, lorsque Keda était enceinte, qu'elle sentait que son enfant était surnaturel, je m'attendais à un destin plus mystique. Je suppose qu'il en est de même avec toutes les "saga" : les personnages vont et repartent avec leur vie propre qui nous échappe aussi sûrement qu'il y a toujours au moins une faute d'orthographe dans un menu chinois.

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S'il faut en terminer...

Ce qui perdure à la lecture des volumes de Titus c’est l’impression de s’ébattre dans une gigantesque volière. Les personnages ressemblent tous, à un moment de leur vie, à un oiseau. Le cercueil lui-même est assimilé à une cage. Mervyn Peake a ceci de particulier, c'est d'avoir un style charismatique. Son écriture prend corps sous nos yeux. Enfermée jusqu'à la prochaine page, elle s'échappe, nous agrippe les yeux dans un envoûtement infini. Elle est une puissance menue mais formidable à laquelle je ne résiste que le temps d'une courte pause. Voilà un homme qui manie le cruel et l'absurde sur le même plan, avec la même passion. Mervyn Peake est délicat et puissant. Tout ce qu'il a écrit, je l'ai vu. Tout ce qu'il a décrit, je l'ai compris. J'ai dû le lire à petite gorgée, comme pour éviter d'être saoûle et imperméable aux visions distillées avec art. J'ai dû le lire avec des gants de prudence, des repos isothermes pour éviter de me brûler. J'ai mis du temps pour venir à bout de l'histoire de Titus, non pas que ce soit ardu et malhabile, mais riche, si proche de moi que j'en avais le vertige. Oh ! Je ne suis certes pas la seule à avoir subi ses retombées comme des larmes de poésie, je ne prétends pas avoir l'exclusivité d'être tombée sous son charme. Oui, d'autres se sont inclinés devant Titus, moi je m'agenouille, je me recroqueville, comme retournée dans l'œuf, aux origines primitives. L'heure de la première cellule.

A mon tour, je voudrais convaincre les plus courageux à entreprendre la lecture des trois tomes, soient plus de 1330 pages, de création à l'état pur. Car il s'agit bien de cela. Les personnages, les lieux, leurs facultés, leurs coutumes. Tout est fantastique. C'est Dune sur une planète qui ressemble à la nôtre, le ver géant en moins.
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
- J'ai eu peur de la sphère volante.
Elle m'a suivi jusqu'à ce que je la brise.
Et quand je l'ai brisée, elle a soupiré.
Et j'ai oublié mon silex.
Sans mon silex, je suis perdu... plus encore qu'avant.
Car je n'ai rien d'autre pour prouver d'où je viens,
pour prouver l'existence de ma terre natale.
Et ce n'est une preuve valable que pour moi.
Cela ne prouve rien à personne qu'à moi.
Je n'ai rien dans les mains.
Rien qui me convainque que ce n'est pas un rêve.
Rien pour prouver la réalité de mon existence.
Rien pour prouver que nous sommes ici, en train de parler dans cette pièce.
Rien qui prouve l'existence de mes mains ou de ma voix.
Et la sphère !
Cette chose pensante !
Pourquoi me suivait-elle ? Que voulait-elle ?
Est-ce qu'elle m'espionnait ? Est-ce de la magie ou de la science ?
Saura-t-on que je l'ai brisée ? Me poursuivra-t-on ?

- Prends un cognac, dit Musengroin.
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Tu tiens ta bougie bien droite, mais au lieu de l'obscurité vide,
tu as devant toi une grille.
Au pied de la grille, il y a une écuelle noire, retournée.
Dessous, tu trouveras une clef.
Ce n'est peut-être pas la clef de ta misérable vie,
mais c'est celle qui t'ouvrira la grille.
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Tournant son regard sur la fenêtre suivante,
il aperçut un autre visage minuscule.
Un frisson lui glaça l'échine et il ferma les yeux,
mais cela ne lui fut d'aucun secours car l'effroyable bruit doucereux
sembla bourdonner plus fort dans ses oreilles
et un lointain relent de mort lui emplit les narines.

Il ouvrit de nouveau les yeux.

Dans chaque fenêtre s'encadrait un visage,
chaque visage le regardait et, chose plus terrifiante que tout,
chaque visage était le même.
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- Oui, je suis toujours là.
Ou du moins une partie de moi-même y est.
L'autre est accoudée au bastingage d'un bateau.
L'air est plein d'épices et l'eau profonde et salée brille de phosphore.
Je suis seul sur le pont et personne d'autre ne voit la lune se lever,
éclairant une file de palmiers comme une procession.
Je vois l'écume blanche de la barre sur la plage.
Et je vois, et je me rappelle qu'une silhouette courait sur la bande de sable
éclairée par la lune.
Un homme courait, les bras levés au-dessus de sa tête,
et son ombre courait près de lui avec de brusques heurts
car la plage était inégale.
Puis la lune glissa de nouveau dans les nuages
et le monde redevint noir.

- Qui était cet homme ? demanda Titus.

- Comment le saurais-je ? N'importe qui. Moi, peut-être.

- Pourquoi me racontez-vous tout ça ? demanda Titus.

- Je ne te raconte rien. Je me parle à moi-même.
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« Il sait seulement qu’il a laissé derrière lui, du côté de l’horizon qui s’éloigne, quelque chose de démesuré. Quelque chose de brutal ; quelque chose de tendre. Quelque chose de mi-réel ; quelque chose de mi-rêvé. La moitié de son cœur. La moitié de lui-même. » (p. 18)
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Video de Mervyn Peake (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mervyn Peake
Interview, sur UK Entertainment Channel (www.ukentertainmentchannel.com) de Sebastian Peake, fils de Mervyn Peake, à propos de son père.
(en anglais, pour les fans !)
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