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Critique de Polomarco


Ce livre avait fait grand bruit lors de sa parution en septembre 1994, quelques mois avant la fin du second septennat de François Mitterrand. Se sachant condamné par la maladie, ce dernier semblait préparer sa sortie, par la diffusion d'informations inconnues, méconnues, voire oubliées des Français, qu'il préférait assumer de son vivant, plutôt que de laisser d'autres les révéler après sa mort, au risque de salir son image. Dans le même esprit, François Mitterrand laissera Paris Match publier, dans le numéro du 10 novembre 1994, les photos révélant l'existence de sa fille naturelle Mazarine Pingeot. Ceci clarifiera la situation et facilitera la présence de ses deux familles à ses obsèques qu'il sait proches.
Une jeunesse française est écrit par un journaliste. Mais, pour autant, ce n'est pas un livre grand public, ni un livre qu'on lit par hasard. C'est, au contraire, un ouvrage que liront des lecteurs motivés, intéressés par le personnage ou par cette période de l'histoire de France. Il s'agit d'une enquête très approfondie, dont j'ai trouvé la lecture difficile, tant sont nombreux les personnages, les dates et les extraits de lettres et d'ouvrages de François Mitterrand.
Cette enquête a néanmoins un grand mérite. Celui de rappeler qu'on ne peut pas apprécier un engagement ou une décision, a posteriori, une fois que l'histoire est finie et que son issue est connue de tous comme une vérité d'évidence, ni "raisonner en faisant rétroagir notre savoir postérieur" (page 213). de juillet 1940 au début de 1944, une bonne partie de la population est, de fait, pétaino-gaulliste : Pétain était le bouclier, de Gaulle le glaive. "La seule ligne de fracture importante à l'époque est celle qui sépare collaborationnistes et anti allemands" (page 258). François Mitterrand est, par exemple, "le plus gros consommateur de faux-papiers, qu'il achemine dans les portraits du Maréchal envoyés par colis aux prisonniers" (page 191). C'est ainsi que le concept de "vichysso-résistant" a pu voir le jour.
Je trouve le titre bien choisi : une jeunesse française. Comme une majorité de Français, Pierre Péan rappelle que François Mitterrand a été "maréchaliste" et anti allemand. Il s'abstient d'ailleurs de conclure dans un sens ou dans l'autre, signifiant que les deux n'étaient pas incompatibles. Combattant comme sergent, fait prisonnier, s'évadant deux fois, repris deux fois, s'évadant une troisième fois, la bonne, il rejoint le Commissariat au reclassement des prisonniers, créé par Vichy : c'est un sujet qu'il connaît bien, qui est cher à Pétain et qui est crucial pour la poursuite de la guerre. Il en démissionne le 14 janvier 1943, par solidarité avec son chef, Maurice Pinot, évincé par Pierre Laval. Les choses s'accélèrent ensuite. Arrivé giraudiste à Londres sous le pseudonyme de Commandant Morland, il en repart le 3 décembre pour Alger sous le nom de Capitaine Monier et rencontre de Gaulle le 5. Au lendemain de la guerre, en 1947, il sera nommé Ministre des Anciens Combattants dans le premier gouvernement de la Quatrième République, et finira Président de la République, sous la Cinquième.
On dit parfois de François Mitterrand qu'il fut un personnage de roman, digne de figurer dans la Comédie humaineDe Balzac. Comme Eugène de Rastignac en effet, il est un jeune homme de bonne famille, a des origines charentaises et son ambition le fait "monter" à la capitale qu'est alors Vichy. Mais il fut aussi un enfant de son siècle : "En l'espace de quatorze mois, à vingt-sept ans, il a donc vu successivement le Maréchal, le Général de Gaulle et le général Giraud. Une performance sans doute unique ..." (page 373). Il côtoiera aussi la future Marguerite Duras et rencontrera Joséphine Baker. Et, comme elle, il aura deux amours. Mais ça, c'est une autre histoire...
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