Ce tome 28 intitulé "L'Aigle et le Cobra" fait directement suite au tome 23 intitulé "La République des esclaves" : en mettant fins aux rêves de Spartacus et ses compagnons, le divin Jules avait tout gagné avant de tout perdre ! Devenu aveugle suite à la vengeance des orphelins de Syracuse, César s'est retiré de la fin politique romaine :
Marc-Antoine qui a pris sa suite à la tête des populares (pour résumer les réformistes en faveur du peuple) a conquis la Gaule mais n'a pas franchit le Rubicon… Pompée toujours a la tête des optimates (pour résumer les connards conservateurs au service des crevards élitistes voire suprématistes) a les coudées franche à Rome où il règne en maître depuis la fin du triumvirat, ce monstre à trois têtes… Envoyé en Orient par le Sénat, il revient à Rome désormais allié à Cléopâtre la Reine d'Egypte dans un il devenu le consort (là j'ai tiqué, voyant difficilement Pompée qui a mis tant de temps à transformer en fiefs les riches provinces d'Orient laissé son principal antagoniste risque de mettre la main dessus). le Sénat est divisé entre extrémistes persuadé que la guerre à outrance est préférable aux partages du pouvoir, des terres et des richesses, et modérés persuadé que tout est préférable à une guerre civile dont Rome ne pourrait pas se relever : un émissaire est chargé de convaincre le divin Jules d'd'effectuer une conciliation avec
Marc-Antoine en se présentant conjointement avec lui au consulat désormais trusté par le seul Pompée…
Quand j'ai feuilleté la BD je n'étais pas du tout emballé, mais mes amours de l'Antiquité et de la Série B l'ont emporté ! Tant mieux, car je me suis pris au jeu de ces fantastiques games of thrones romains de la période tardo-républicaine : passionnants à suivre en fiction mais horribles à subir IRL…
Marc-Antoine ressemble visuellement et psychologiquement à Spartacus : courageux, énergique voire héroïque, coincé entre des ennemis acharnés et des alliés douteux, sollicités par des ambitieux dangereuses, tourmenté par le souhait de trouver la meilleure possible pour ceux dont le destin tient entre ses mains… Dans le tome 23 César était le vilain, mais ici il le héros : il sait qu'il est un pion mais ambitionne de redevenir un acteur du grand jeu du pouvoir. On suit également les trahisons haïssables de Brutus et les manigances flippantes d'Octave, les auteurs ont choisi de faire de la reine égyptienne qui a toujours été une européenne blanche une africaine noire, du coup on se retrouve avec une très cool héroïne de blacksploitation, et mention spéciale au personnage WTFesque du sicaire germain et de son très kitch casque à corne qui se lance dans la baston en beuglant BEUARGH !!! ^^
On se dit que comme dans le tome précédent on multiplie des divergences uchroniques pour que l'Histoire retombe sur ses pieds, mais non finalement…
On assiste à des Ides de Mars inversées César libéré de la malédiction du pouvoir personnel agit en Sylla de gauche en réformant en profondeur les institutions et les lois romaines pour assurer autant la paix sociale que la paix politique, ce n'est pas Octave/Auguste qui assure l'éternité de Rome mais Caius Julius Caesar Germanicus, qui en graciant un certain Christos de Judée change à jamais la face du monde… En mettant en oeuvre à Rome un programme progressiste, est-ce qu'on aurait pu éviter les bains de sang les guerres civiles et la chute libre vers l'empire ? L'hypothèse est bigrement séduisante mais personnellement je n'y crois pas :
- Rome se comportait en empire avant de devenir un empire
- les inégalités s'étaient trop creusées en faveur d'une élite de plus en plus puissante, de plus en plus riche, et de plus en plus restreinte
- la personnalisation du pouvoir conduit fatalement à la malédiction du pouvoir personnelle et à la course au pouvoir ultime… saloperie d'Anneau Unique pour les gouverner tous, les amener tous et dans les ténèbres les lier !
- pouvait-on arrêter l'emballement des événements après les meurtres des Gracques, les révoltes asiatiques, l'affrontement entre Marius et Sylla, la succession des purges politiques, la guerre sociale entre les Romains et leurs alliés italiens, la sédition de Sertorius, les guerres serviles, la conjuration de Catilina… En sachant qu'à chaque fois ce sont les conservateurs de l'autoproclamée « bonne société » qui ont bafoués les lois qu'ils prétendaient défendre et préserver afin de mieux protéger leurs privilèges et l'entre-soi des mentalités de merde aristocratiques, ploutocratiques et suprématistes quand elle n'étaient pas ouvertement racistes et xénophobes…
Au final un sympathique peplum uchronique, qui n'oublie pas de respecter les codes du genre en incluant des combats de gladiateurs sanglants, une course de chars hollywoodienne, et tout un tas de scène d'action et de twist de bonne facture… Dommage que les graphismes de Fafner soient inégaux et hétérogènes à tous les niveaux, associant le bon et le moyen, le beau et le laid, avec des expressions parfois réussies, parfois figées et/ou grimaçantes, des cases basiques et des planches dantesques… Oui bien dommage que cela !