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Critique de Sarindar


On excusera les nombreuses erreurs historiques repérables dans cette bd : placer la défaite d'Azincourt (1415) avant celle de Poitiers (1356) à la page 6 ; le déclenchement de l'épidémie de peste (1348) après Poitiers (1356), en page 11, il manquait visiblement quelqu'un pour corriger tout ça ; ou encore bondir trop vite de 1356 à 1358, comme s'il n'y avait rien eu dans l'intervalle, cela va trop vite, et il manque des épisodes essentiels qui permettraient de comprendre qu'Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris n'est pas cet homme dépeint dans la bd empressé de faire entrer les Anglais dans Paris, soit par inconscience, soit par traîtrise, puisqu'au contraire membre influent des États de langue d'oïl, il faisait partie de ceux qui voulaient continuer la lutte contre les Anglais alors que le roi Jean II le Bon, prisonnier des Anglais, voulait au contraire faire la paix ; et ce n'est qu'en 1358, voyant le roi s'opposer à la réunion des États et le Dauphin s'enfuir de Paris, que perdant tout espoir, Marcel s'est vraiment rallié à Charles de Navarre et a laissé des bandes anglo-navarraise, peu recommandables, s'approcher de Paris et qu'il a envisagé de leur faire ouvrir les portes de la capitale ; avant cela, il n'y avait pas plus "patriote" qu'Étienne Marcel si cela a du sens au XIVe siècle - le roi lui ne pensant qu'à obtenir sa libération ne l'était plus guère. Et le Dauphin cherchait à jouer sa propre carte au milieu de tout cela, s'appuyant sur les Parisiens dont une partie lâcha Marcel quand ils le virent changer de poulain : le Prévôt avait en effet voulu se servir du Dauphin Charles pour faire signer par lui des ordonnances favorables à la bourgeoisie ; quand le Dauphin lui échappa, Marcel se tourna vers Charles de Navarre. Voilà l'histoire à l'endroit et elle est plus complexe - cent fois - qu'il n'est dit dans cette Bd.

MAIS, MALGRÉ CELA, NE BOUDONS PAS NOTRE PLAISIR ET DONNONS 4 ÉTOILES À CETTE BD.
POURQUOI ? Pour plusieurs raisons.
D'abord en raison de la satisfaction que l'on peut éprouver à voir enfin la bande dessinée historique s'emparer de cette tranche de l'histoire médiévale, en pleine guerre de Cent Ans. L'action de la série: le Trône d'Argile se situe au XVe siècle. Ici, nous sommes entre 60 et 80 avant. Et je m'étonnais que personne n'exploite ces événements. Voilà qui est fait.
Et je trouve l'ensemble fort intéressant : l'évocation de Paris, "ville des deux rois", me plaît bien, même si le Dauphin Charles n'est pas roi mais seulement Lieutenant du roi puis Régent, certainement parce que cela convenait à Étienne Marcel, et même si Étienne Marcel et ses quatre échevins n'étaient maîtres que des affaires bourgeoises dans la capitale, et qu'aucun ne siégeait au Conseil du Dauphin (ils avaient besoin du sceau du Châtelet pour faire approuver par le Dauphin les décisions prises par les États de langue d'oïl).
Ensuite, il est juste de dire, comme le font les auteurs de cette bd (page 40 à 44), qu'à partir du moment où des Parisiens voulurent s'opposer, les armes à la main, à la présence des troupes de mercenaires anglo-navarraise à la solde de Charles de Navarre, les habitants de la principale ville du royaume se détournèrent en nombre du Prévôt des marchands, et que le Dauphin profita de cette situation pour se réintroduire en ville.
On passera sur l'erreur iconographique qui montre un début d'Hôtel de Ville de Paris à la place de la Maison aux Piliers (page 40). Mais on ne peut que louer Jean-Pierre Pécau, Manny Clark, Adriano Vicente et les autres de s'être livrés à cet exercice. Et d'avoir fait un bon travail, même s'il nous paraît que l'action de leur héros inventé, Conan de Nesle, lui donne une importance qu'un seul homme ne pouvait avoir durant cette période. L'intérêt de camper ce personnage est de montrer qu'en ces troubles temps un homme vertueux et courageux pouvait aussi se vendre au plus offrant, et pas pour les meilleures causes.
Cela est très réaliste.

François Sarindar, auteur de Charles V le Sage Dauphin, duc et régent (1338-1358), publié en 2019 (hasard de l'histoire ?)
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