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Critique de jovidalens


« Je réalise pour la première fois qu'un jour tout va s'arrêter. Je pense à toutes ces vies qui auraient été possible. Et j'ai l'impression de ne pas en avoirvécu une seule. Au moins une. » C'est la petite musique qui se dégage de cette BD : ce moment de désarroi qui traverse l'esprit de tout un chacun quel que soit l'âge.
Au cours des quatre saisons d'une année, ce sont plusieurs vies qui vont se croiser, se répondre.
C'est l'automne qui ouvre ce bal ; cette saison qui est le véritable début d'année, ce début d'année qui oblige à regarder en arrière sur ce qui a déjà été vécu (et dont les années sont perdues à jamais) et qui oblige à se projeter dans un avenir inconnu.

Deux fils conducteurs l'enfant de la préhistoire et la photographe.
Les aventures de cet enfant de la préhistoire sont en prologue à chaque saison, vignettes sans paroles et blindées d'émotion. Mais comment fait Cyril Pedrosa avec juste quelques dessins et quelques couleurs ? Et pourtant, on reprend son souffle avec l'enfant qui a échappé au tigre, on pleure de fatigue et de désespérance avec lui qui ne peut traverser ce cours d'eau gelé et dont la glace se fend, avec lui dans la fraîcheur du printemps on découvre des fresques rupestres et l'été, toute sa joie de vivre.
La photographe est une silhouette discrète, si discrète, que l'on suit de page en pages. On ne voit jamais son visage ou partiellement, furtivement un profil ou le bas du visage, et quand elle prend le cliché, son visage est caché par son reflex. C'est peut-être elle la véritable héroïne avec son mal-être, avec ce coup de folie qui lui a fait dépenser son peu de fortune pour acheter ce reflex qui la cache mais qui nous ouvre par un simple cliché l'intimité de ceux et celles qu'elle photographie à l'improviste d'une rencontre. Elle a le coup d'oeil d'une Vivian Maier, et pour cause ! L'instantané d'un visage, clé d'une vie, d'un souvenir. Elle croise quelques uns des personnages mais aussi des inconnus comme la petite fille du caddy préoccupée de bien ranger les courses du super marché dans le coffre de la voiture de son papa. L'éphémère dans toute sa signification . Et cette admiration pour tous ces photographes qui réussisent, eux, à arrêter le temps, même artificiellement.

«Les Equinoxes » est un véritable Roman Graphique puisque la qualité des textes est à la hauteur du graphisme, tant dans les bulles que dans les pages où l'écrit prend le relais du dessin pour mieux développer mais aussi pour passer du visuel à l'intériorité du personnage.
Créativité de la syntaxe graphique comme ces notes de musique qui s'échappent d'une église un soir de Noël et qui ce même soir se déversent de l'ordinateur de Louis. Ou ces deux vignettes vide pour l'une, juste avec le mot Louis dans la seconde qui marquent qu'il s'agit de la même nuit au cours de laquelle Vincent occupe son insomnie à rêver devant sa baie vitrée donnant sur la mer, et à l'autre bout de la France, Louis répond à Vincent. Ce cliché vignette en noir et blanc, situé dans le coin inférieur droit de la page de droite et quand cette page est tournée plusieurs petites lucarnes aussi en noir et blanc, qui nous racontent les flashs qui traversent l'esprit du photographié avant que le texte ne prenne le relais.

Ces objets aimés que l'on se transmet comme ce livre de Louis à Vincent, ce tableau de Louis à Catherine et ce stéréoscope qu'offre Pauline à son père

Tous les dialogues sonnent juste, comme ces situations que nous avons tous connues où au cours d'une fête, d'un repas d'une visite de groupe, nous avons le besoin de nous mettre à l'écart, tous ces mots consentuels et flagorneurs nécessités par la vie en société...La complicité des deux frères qui se retrouvent àprès plusieurs années, les seuls capables de partager le fond de leurs pensées.
Et puis cet attrait pour un art ,musique ou peinture ou photo, qui enchante toute une vie.


M. Pedrosa est un capteur de lumière. Lumière qui inonde notre monde, où se découpent des paysages habités par des personnages dessinés d'un trait léger mais qui sont transparents, presque évanescents. Ce sont des silhouettes derrière lesquelles en apparaissent d'autres ; même les constructions dégagent une sensation d'éphémère, de décors prêts à disparaître. La temporalité est là. Alors, il n'est pas surprenant que ce livre traite du temps qui passe, de nos vies qui nous filent entre les doigts, de nos vies qui en croisent d'autres mais qui en définitive laissent chacun à son individualité pour ne pas dire solitude. Il y a ce que l'on croit savoir de soi et des autres mais au fond, c'est souvent un inconnu qui captera ce moment d'intimité comme cette photographe qui nous entraine du Musée d'Orsay, à un littoral breton ou....
Notre temps se comptent en années et elles commencent toutes à l'automne, la Rentrée pour se terminer dans la flamboyance de l'été. Quatre saisons où l'auteur nous offre ici toute l'émotion, l'intimité du sillage du passage des ans gravé dans nos vies.

Enthousiasmée par la lecture de « Portugal » de Cyril Pedrosa, j'ai participé à la dernière masse critique et j'ai eu le bonheur d'être sélectionnée. Je n'avais pas pris le temps de m'informer sur son dernier ouvrage et la surprise fut totale. L'ouverture du colis m'a laissé échapper un sifflement d'admiration et de gourmandise. Exactement comme un gamin le soir de Noël.
Un énorme pavé, plein de textes et d'images et de couleurs toutes les unes plus belles que les autres. Même pas l'ombre d'un doute : cette lecture allait être un régal. Et ce fut un régal.
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