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EAN : 9782081442825
528 pages
Flammarion (08/05/2019)
3.67/5   26 notes
Résumé :
« Lorsqu’on joue de la samba dans une roda, on rit de sa propre misère. Moi et ma solitude, on se tient par la main, on se fraye un chemin au milieu de la musique, émerveillées de se voir si pitoyables et si magnifiques au même instant. »

Au Brésil, dans les années 1930, une orpheline travaille dans une plantation de cannes à sucre. Sa vie bascule lorsque surgit la fille pourrie gâtée du nouveau propriétaire. Alors que tout les oppose, Dores et Graça ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Histoire d'une amitié, pas forcément comme les autres, les vies de Graça et Dores ont été intimement liées jusqu'à leur mort. Issue d'une famille riche qui entreprend la reprise d'une plantation de cannes à sucre, Graça va lier un lien intangible et indéfectible avec Dores, membre du personnel. Fuyant leur région, elles vont grandir ensemble, partageant le rêve commun de devenir des stars de la radio.

On suit les deux gamines par le récit qu'en fait Dores, devenue âgée, qui revient sur le cours de sa vie et de son amie, Graça. Comme dans un journal intime, elle y livre ce qu'elles ont vécu depuis leur enfance, étant un peu comme des chattes avec leurs 9 vies, tant leur destinée a été ponctuée de riches événements, bons ou parfois pénibles.

J'ai aimé cette atmosphère si riche et si envoûtante de l'Amérique latine et plus particulièrement, celle du Brésil. C'est parfumé, étincelant de lumières mais il ne faut pas oublier la misère et la pauvreté ressenties par le peuple dans les rues et ruelles des grandes villes brésiliennes.

Frances de Pontes Peebles m'a conté un Brésil (principalement dans ses faiblesses) depuis les années 30 et différent des décors de mes lectures habituelles. Alliant fiction à la réalité, on y découvre l'histoire politique et les étapes par lesquelles le peuple brésilien a été confronté au fil des années comme les héroïnes de ce roman. Même si l'un des thèmes principaux est l'amitié au fil des années, l'auteure n'en oublie pas moins les répercussions dans les différentes classes sociales. La musique, et en particulier, les musiques brésiliennes occupent une place très importante dans l'histoire. Tout mélomane, surtout de musiques latine, appréciera cette originalité.

J'ai trouvé ce livre beaucoup trop long. Selon moi, certains passages étaient trop tirés en longueur et auraient pu être raccourcis. En fin de compte, le livre aurait pu ne compter que la moitié des pages que cela aurait été suffisant pour ma part. J'ai longtemps dû batailler pour poursuivre ma lecture. La routine et la monotonie dans le récit m'ont souvent refroidie et donné envie d'abandonner ma lecture. Pourtant, j'ai souhaité poursuivre en espérant une digne fin, que je n'ai – hélas – pas trouvée. C'est donc en partie une déception que cette lecture.

Comme déjà dit dans d'autres chroniques moins positives, ceci n'est que mon humble avis personnel. Je ne vous dénigrerai jamais un livre parce que je ne l'ai pas aimé, sans tenté de trouver des éléments objectifs. C'est pourquoi je vous conseille de le lire, ou à tout le moins, d'essayer afin qu'on puisse partager nos points de vue.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs de l'Actu Littéraire.
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Comme je n'avais pas envie de jouer les Gene Kelly en chantant sous la pluie dans mon lalaland noyé sous les trombes d'eau, j'ai trouvé plus sympa de me trémousser dans mon fauteuil au son de la samba de l'air que tu respires.

Qui dit samba dit Brésil. Et c'est là, en 1930, dans une plantation de cannes à sucre que j'ai rencontré les deux héroïnes de ce roman. Dores, pauvre fille de cuisine timide et Graça, fille pourrie gâtée du propriétaire. L'arrivée d'un gramophone et des notes de musique qui s'en échappent vont rapprocher les deux adolescentes et les unir autour d'une même obsession : s'enfuir pour devenir chanteuses à la radio.

J'ai pris plaisir à les suivre dans leur fuite, leurs errements dans les quartiers pauvres de Rio et c'est en même temps qu'elles que j'ai découvert ce qu'était la vraie samba, pas celle des carnavals emplumés pour touristes.
L'histoire, bien construite, est racontée par une Dores vieillissante et attendrissante. Elle dit la difficulté de leur amitié, la jalousie que les différences de classe et de talent créent inévitablement.

Comme vous devez le sentir à travers ma chronique, même si j'ai suivi avec intérêt les péripéties des protagonistes, je n'ai pas spécialement vibré au rythme de la prodigieuse amitié de Dores et Graça. Il m'a manqué la petite musique intérieure, une écriture plus en émotion peut-être.

En plus, mon plaisir de lecture fut un peu gâché dans les 50 dernières pages par la multiplication des coquilles (la différence entre le futur et le conditionnel ne tient qu'à un S mais ça m'énerve quand il est manquant. C'est pas compliqué quand même !)

Globalement, ce fut toute de même une belle danse par un jour de pluie.

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C'est un livre que je n'aurais pas eu l'occasion de lire, sans doute, si je n'avais pas eu le catalogue des sorties des Éditions J'ai Lu sous le nez. Et pourtant, ça aurait été une belle perte, car le titre comptera parmi mes coups de coeurs de ce mois de février. Après le beau récit de Charline Malaval et le Chant du Perroquet, qui nous amenait dans la région du Nordeste puis à Sao Paolo, Frances de Pontes Peebles nous fait elle aussi traverser les plaines désertiques du pays depuis le Nordeste jusqu'à Rio de Janeiro et son Mont du Pain de Sucre. Précédemment sorti en broché aux éditions Flammarion, l'auteure de ce roman, née dans le Nordeste, a grandi à Miami, a écrit en anglais ce roman pourtant brésilien jusqu'aux bouts des ongles. C'est un deuxième titre pour Frances de Pontes Peebles, et d'après ce que j'ai pu lire ici et là dernièrement, le second roman est beaucoup plus difficile à écrire, dit-on : je ne sais pas si cela a été le cas, de fait le résultat n'en laisse rien paraître. Quant à son premier roman La couturière, il a obtenu le grand prix des lectrices du Elle américain en 2008.

À chaque fois que j'ouvre un roman brésilien, il flotte dans l'air un air, en arrière-fond ou en premier plan, de samba: la bossa nova chez le chant du Perroquet, la Samba de Roda, ici. le Brésil est une terre de musique et de danse forcément l'un ne va pas sans l'autre là-bas, je le savais déjà, Mais j'ignorais à quel point la musique, plus encore que tous les hommes d'État qui se sont succédés, pouvait unir le peuple, représentante peut-être la plus juste et la plus grande des Brésiliens, et dans quelle mesure la Samba pouvait regrouper autant de sous-genres différents. La Samba, en musique de fond, devient peu à peu assourdissante laissant celles et ceux qui la chantent, la joue, la compose davantage en arrière-plan. Au milieu de tout cela il y a d'abord Dores, orpheline, jeune fille de cuisine dans la Grande Maison qui abrite les propriétaires de la plantation de cannes à sucres, qui rencontre Graça, unique enfant des propriétaires de la plantation, bientôt orpheline, et liée toutes les deux par une envie de liberté, une aspiration à une vie meilleure, de chant, de musique, qu'elles ont découvert par hasard un soir à travers le cercle de musique que forment les employés, se regroupant à l'écart de la demeure.

La relation des jeunes filles est donc déséquilibrée dès le départ, toute une classe sociale les sépare, mais pas seulement. Graça est jolie et possède une voix belle, contrairement à ce qui sera sa compagne de vie au sein de Rio la grande. Ce couple d'amies inséparables et indissociables, malgré tout, va grandir et évoluer jusqu'à connaître la célébrité, encore une fois Frances de Pontes Peebles va faire en sorte que cette amitié, et cette rivalité, soit le noyau dur qui lie les deux filles devenues femmes, jusqu'à la toute fin. Là où les deux jeunes femmes auraient pu être séparées, par le succès de l'une en dépit de l'autre, l'une vie dans l'ombre de la lumière de l'autre, la force de leur relation et des liens qui unissent les membres du groupe prend le dessus. C'est avec un grand intérêt que l'on suit l'évolution de Dores et Graça, et que l'on appréhende la difficulté pour l'une d'accepter le succès de l'autre et surtout d'accepter que sa place n'est pas forcément sous les feux des projecteurs des scènes. L'auteure brésilienne a écrit un roman passionnant, avec beaucoup d'intelligence, sur la réalité de la nature humaine, sa complexité, ses antagonismes, avec beaucoup de sensibilité sur la réalité de ce qu'était son pays et beaucoup d'esprit sur l'expérience du succès, sa rançon et ses conséquences.

C'est la voix de la discrète Dores, mais tellement expressive, qui guide le lecteur à travers le Nordeste brésilien et la capitale du pays, cette voix qui évoque avec tendresse et regrets son amie, de son symbiote, cette même voix qui composait les chansons du groupe. Cette capacité à créer et inventer, et se réinventer, plutôt qu'à interpréter est la force de cette femme, qui a passé sa vie à être à l'ombre de son amie. Si Frances la démiurge a mis la gloire et la grâce dans les mains de Garça, elle a pris soin d'attribuer les capacités à vivre à Dores. L'auteure a su exploiter avec bonheur ce duo de personnages, les failles de chacune qui donnent continuellement à ce groupe un équilibre précaire, ses deux voix, celle qui chante, celle qui s'exprime dans les paroles, n'allant pas l'une sans l'autre.

Encore une belle découverte, inattendue, je ne m'attendais pas vraiment à me laisser totalement emporter avec cette même passion que Frances de Pontes Peebles a pu investir son roman. La richesse d'un pays comme le Brésil se laisse à chaque fois redécouvrir, sous de nouveaux angles, à chaque nouvelle lecture et c'est un plaisir dont je ne me lasse décidément pas. Je ne me lasse pas non plus de lire cette rage de vivre dont sont empreintes ces jeunes filles, dont elles font l'expérience chacune à leur façon, qui leur font traverser le meilleur, parfois le pire, au son de ces rodas, typiquement brésiliennes, qui donnent à ce roman un attrait supplémentaire, que l'on ne trouve nulle part ailleurs que dans ces romans ou la culture et l'esprit brésilien sont omniprésents en toile de fond.

Frances de de Pontes Peebles est, je pense, une auteure à suivre de près. Elle est l'auteure de nombreuses nouvelles qui n'ont pas été traduites jusqu'à présent Girls of the immortal garden, 2020. Elle n'en est qu'à son deuxième roman mais autant le premier La Couturière que ce second titre ont réussi à charmer pas mal de lecteurs, moi comprise.



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Du Brésil, je ne connais rien. Bien sûr, je sais que la langue est le portugais aux douces sonorités, que le Christ corcovado est superbe dans sa grandeur et son éclat blanc. Je connais Chico Buarque, Gilberto Gil, Joao et Astrud Gilberto. Je ne suis pas grande fan du carnaval, mais ça c'est partout dans le monde ... Je ne passerais pas 5 minutes sur les plages de Rio et pourtant, je suis tombée amoureuse du pays grâce à ce livre : "L'air que tu respires". L'auteur y conte l'histoire de deux gamines qui vont devenir grandes : l'une est sans parents, corvéable à merci dans une famille aisée, Maria Dores, nourrie au lait de mule, d'où son surnom Jegga, et l'autre est la fille bien aimée de la famille aisée, Maria de Graça Pimentel. Elles vont devenir amies contre toute attente : Dores et Graça, s'enfuir de la plantation de canne à sucre de Riacho Doche (pour fuir une vie de misère, pour fuir un mariage non désiré) et le couvent où elles seront enfermées pour réaliser leur rêve commun : vivre de leur musique, Graça chante divinement et Dores compose.
Elles vont devenir l'une une star du cinéma américain, la fruity cuttie girl, Sofia Salvador et Dores, une compositrice méconnue, mais avide d'apprendre de comprendre, de découvrir le monde, le tout en compagnie d'un groupe de créateur de samba, dont Vinicius. C'est au coeur du quartier de Lapa, un quartier mal famé de Rio que naîtront Sofia Salvador et Dores, le compositeur.
J'ai appris bien des choses grâce à Frances de Pontes Peebles sur la samba, la bossa-nova et l'exploitation de ses concepteurs, sur l'Amérique post 2nde guerre mondiale et j'ai pensé à Carmen Miranda ... A l'occasion allez la voir chanter et danser sur le net vêtue de ses robes extravagantes et de ses chapeaux déments et découvrez l'histoire au delà de l'image ...
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Après mon immense coup de coeur pour la Couturière, lu il y a dix ans, je ne pouvais que me plonger dans L'air que tu respires de la même autrice.

On suit l'histoire de Graça et Dores dans le Brésil des années 30. Elles sont fillettes au début du roman. Graça est la fille d'un riche propriétaire d'une plantation de canne à sucres et Dores, est fille de cuisine et fait partie du personnel. Elles vont se lier d'amitié et vont découvrir le merveilleux monde de la musique. Après quelques péripéties et plusieurs bêtises, le père de Graça les envoie toutes les deux dans un couvent pour parfaire leur éducation. L'objectif étant que Graça devienne une bonne petite épouse pour son futur mari. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu et elles vont s'enfuir à Rio où elles vont découvrir le merveilleux monde de la samba, du fado et autres musiques locales. C'est à travers Dores, désormais vieille femme, qu'on découvre leurs vies et comment elles sont devenues de célèbres chanteuses et musiciennes.

Une lecture en demi-teinte pour moi. Il y a beaucoup de dynamisme dans ce roman, il se passe beaucoup de choses, de leur enfance à la fin du groupe de musique, Sofia Salvador et les Blue Moon. Elles ont une vie bien remplie. Mais malgré cela, il y a une certaine lenteur dans ce roman, lenteur, qui, je pense, est liée à la musicalité de cette histoire.

Dans l'air que tu respires, on nous parle beaucoup de la samba, du rythme musical, de ce que la musique nous permet de ressentir, de ce qu'elle apporte, des "Rodas" créatives proches de la transe musicale...Et même si j'ai trouvé ça intéressant et nécessaire pour comprendre l'histoire de Sofia Salvador et les Blue Moon, ça apporte une lenteur et on a l'impression de traîner notre lecture et subir le rythme.

L'air que tu respires, en plus d'être un roman qu'on pourrait qualifier de musical, c'est aussi un roman sur une amitié foudroyante, fusionnelle, impossible, celle de Graça et Dores. Leur relation est complexe, proche de la relation amoureuse mais elle est aussi destructrice et toxique. A plusieurs reprises, je me suis demandée pourquoi Dores n'envoyait pas tout valser mais j'ai compris que c'était plus fort qu'elle. Et parfois, cette relation m'a agacée. Graça abuse du lien qu'elle a avec Dores, encore et encore, jusqu'à aller trop loin. Et ça en devient pénible pour le lecteur.

L'air que tu respires est une histoire de passion, aussi bien musicale que relationnelle..vous découvrirez le monde incroyable de la samba et ce qu'on est capable de faire pour en faire partie.

Lien : https://youtu.be/1b9xDH7gLdw
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Graça n’était pas belle ; du moins, pas selon les normes en vigueur, à savoir comme quelque chose qui provoque soit du désir soit une envie de protection. Graça n’était ni voluptueuse ni délicate. Sa bouche, ses yeux, sa silhouette n’avaient rien d’extraordinaire. Mais si ces éléments étaient combinés à sa voix, son rire, son énergie brute et inextinguible, ses mouvements élancés, Graça devenait belle. À ses côtés, on avait le sentiment de participer à une incroyable aventure, à un destin qui avait du sens. Sa beauté ne résidait pas dans un trait particulier. Sa beauté se révélait à travers l’effet qu’elle produisait sur les gens – pareil à un shot d’alcool ou une ligne de coke. C’était comme un sort qui conférait intelligence, courage et amabilité, attributs dont on ignorait l’existence en nous-même avant qu’il nous les révèle.
J’ignorais tout ça lorsque nous étions enfants, bien entendu. Je m’en suis rendu compte bien des années plus tard, en voyant Graça dans son cercueil. Il était entouré de fleurs et Graça était allongée à l’intérieur, les yeux fermés et les bras croisés sur la poitrine. Elle portait une robe de soirée rouge et son rouge à lèvres rouge habituel, et pourtant elle paraissait étrangement ordinaire – une institutrice dans un costume d’actrice. Je me penchai vers elle, lui pinçai la joue. « Graça, arrête de plaisanter ! Lève-toi. S’il te plaît ? », murmurai-je jusqu’à ce que Vinicius m’éloigne.
Contrairement à Graça, je grandis en hauteur et non en rondeur. Mes chemisiers étaient trop courts ; mes jupes recouvraient à peine mes jambes tout à coup noueuses et peu coopératives. Je devais me pencher pour passer sous la porte de la cuisine. Les garçons d’écurie, les employés au moulin et même le senhor Pimentel devaient basculer la tête en arrière pour croiser mon regard. À Los Angeles, où nous vécûmes plus tard, faire un mètre soixante-dix-huit n’avait rien d’étrange au milieu de ces starlettes amazoniennes et de ces jeunes premiers bien charpentés ; mais pour le Brésil, j’étais plus qu’imposante. Adolescente, ma taille ne me dérangeait pas autant que les autres changements qui se produisirent dans mon corps. Ma poitrine était sensible et je fus horrifiée de voir des poils noirs me pousser sous les bras et entre les jambes. Les femmes de chambre et les filles de cuisine avaient des poils à ces endroits-là mais, sur elles, cela paraissait naturel. Joli, même.
À la fin de la journée, Nena renvoyait certaines filles à leur plan de travail parce qu’elles avaient oublié de bien nettoyer quelque chose.
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Il y avait un instant à Lapa, juste avant le lever de soleil, quand les cabarets avaient fermé et que les visiteurs étaient rentrés dans leurs quartiers bien sages, ou les seuls sons qu’on entendait lorsqu’on déambulait dans les allées sombres provenaient des rodas. C’étaient les voix enrouées, les tristes et lentes mélodies. C’étaient les chansons secrètes, brutes de décoffrage et qui n’étaient pas censées voir la lumière du jour. C’était les chansons qu’on jouait quand toutes les autres avaient déjà chantées et que la nuit se résumait à un manque ; quand il n’y avait plus d’alcool, plus d’amis, plus de filles riant aux éclats, plus de cigarettes, plus de nourriture dans le ventre ou d’eau dans le verre, juste toi et un guitariste, seuls dans l’obscurité, oubliant tout sauf vos voix et les paroles d’une chanson bien enfouie au plus profond de vous, que vous avez toujours connue mais jamais partagée avant cet instant. Parfois, il y a des auditeurs insoupçonnés : une jeune mère à sa fenêtre, un couple emmêlé dans des draps, une jeune fille en pantalon et béret, les mains dans ses poches, les lèvres enflammées par de nombreux baisers, le corps délicieusement engourdi à des endroits qu’on lui avait toujours dit de ne jamais toucher. Elle s’arrête, entend la lamentation de la roda, et c’est comme si sa vie en dépendait. Comme si tout ce qu’elle avait vécu jusque-là – chaque raclée, chaque mensonge, chaque honte, chaque élan d’amour et chaque triomphe (aussi peu nombreux soient-ils) – l’avait menée ici, en cet instant, à portée d’oreille d’une chanson que personne n’était censé entendre. Le rythme l’enveloppe. La musique, tel un pré ou un lit douillet, est un endroit ou elle peut toujours se réfugier. C’est une maison comme nulle autre pareille.
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Il est toujours plus facile de penser que les intentions valent autant que le résultat, mais ce n'est pas vrai. Le résultat, c'est tout. Le résultat, c'est ce qu'il reste et il faut vivre avec. P348
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Nous avons tous les mêmes parties du corps : lèvres, dents, langue, palais, qui se prolongent dans notre gorge par une série de petits muscles couverts de mucus. Nous inspirons, l’air percute les petits plis de ces muscles, ils vibrent et produisent un son. Si on a de la chance, on émet un chant. Bien entendu, c’est plus compliqué que ça ; nous avons peut-être tous les mêmes organes, la même capacité à sortir un son, mais toutes les voix ne se valent pas.
Pour Graça, chanter était aussi naturel que de respirer. Pour moi, c’était comme tenter de soulever un sac de trente kilos de sucre au-dessus de ma tête – quelque chose que je pouvais, à la longue, réussir à faire, mais avec beaucoup d’entraînement et d’efforts. Ce qui ne me découragea pas. La petite fille de douze ans que j’étais ne se souciait pas du fait qu’on puisse avoir un talent brut, un don naturel, ou des cordes vocales mieux fabriquées que les miennes – comme celles de Graça. Il me semblait naturel au contraire que je doive travailler le chant et pas Graça – après tout c’était une Demoiselle, et les Demoiselles n’avaient jamais à faire d’efforts. Moi, j’avais grandi avec l’idée qu’on n’a rien sans rien.
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Chaque plantation avait une histoire de fantôme et la nôtre ne faisait pas exception : une femme s’était noyée dans la rivière et y vivait encore. Certains affirmaient qu’elle avait été tuée par son amant, d’autres par son maître, d’autres encore qu’elle s’était suicidée. Apparemment, on pouvait l’entendre chanter sous l’eau la nuit, soit pour son amant, soit pour attirer les gens dans l’eau afin de les noyer et de ne plus être seule ; les avis différaient selon qu’on croyait le fantôme gentil ou rancunier.
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