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Critique de Franz


Pellerin voyageur
Relire une oeuvre haletante et appréciée en son temps est un exercice périlleux tant l'époque marque l'esprit et oriente le regard différemment. Dévoré à sa sortie en octobre 1996, « La bourde » est à nouveau un émerveillement à chaque page. le style et l'histoire, marquants à l'époque, laissent aujourd'hui place à un récit âpre, tendu, fouaillant et mettant en lumière la sombre vie de François Rotrou, connu sous le sobriquet du Lièvre, en raison de sa difformité à la bouche. Braconnier taiseux, solitaire, jugé idiot et débile, le Lièvre comprend la forêt et les animaux comme nul autre. Il sait où gîte le grand cerf que tous les chasseurs du coin rêvent d'abattre. Puis il y a le traquenard ourdi par les gens du cru à l'encontre de l'« écologisque », un photographe animalier, Urbain Meynard. C'est d'ailleurs l'entame de ce roman noir sans concession. Trois cagoulés l'ont piégé mais le fougueux naturaliste se défend. Un coup de fusil le foudroie. Il s'agit maintenant de faire porter le chapeau au Lièvre et les sinistres quidams savent s'y prendre. La chasse à l'homme va pouvoir commencer avec fusil à lunette, amplificateur de sons et visière infrarouge. le Lièvre a une meute de gendarmes, gardes chasse et chasseurs aux trousses et quelques uns sont particulièrement mal intentionnés.
Marc-Alfred Pellerin (1936-2009) a réalisé un beau tir groupé en publiant chez Gallimard, en Série noire, La pelouze (1995), La bourde (1996) et La pente (1998), presque une trilogie. Même si les histoires ne se suivent pas, l'atmosphère, les personnages puisés chez les petites gens, les culs terreux, les déshérités, le style oral travaillé au plus près d'une pensée brute, sans paravent, les combines minables, les égoïsmes au ras des mottes, les fins tragiques, l'ensemble dessine une cartographie et une cosmogonie captivantes. Il y a aussi ce que le lecteur peut voir en filigrane, la précision du regard porté sur l'humanité et sur la nature. le vécu de l'auteur transparaît à travers des remarques naturalistes sans défaut. Hormis le cerf mythique et les chiens muets du Lièvre, tout sonne juste : « Il y a dans les bois, comme ça, des moments de grande attente. Et puis, soudain, allez savoir, tout bouge en même temps ». Dans son roman, tout remue mais Marc-Alfred Pellerin tient la baguette d'une main de maître, orchestrant une chasse qu'il sertit dans une vision. Ainsi du Lièvre fasciné par le feu : « Il pouvait passer des heures à regarder, à écouter le feu. C'était comme une histoire, avec des attentes, des surprises, des emballements, des écroulements ». Simplement, en passant, l'auteur vient de filer la métaphore, celle de l'amour et de la vie.
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