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Critique de Gehenne


C'est le "petit dernier", dis-tu. L'expression, cher Pierre, est quelque peu réductrice. Car, "dernier" : à voir... Et "petit" : certainement pas.
"Petit dernier", revenons un moment sur cette expression qui, tu t'en doutes, m'attriste et je suis loin d'être le seul. Entre sa signification de "nouveau-né" et celle de "der des ders", s'étire une fructueuse oeuvre multiforme riche de quelque 200 naissances, d'après ceux qui comptent. En ce qui me concerne, j'en avais lu et majoritairement aimé 15 (je fais aussi mes stats!) avant d'entrer en Purgatoire. Autrement dit, ma déception due à ton abandon est atténuée. du Pelot, il m'en reste une belle cargaison à découvrir pour ma très égoïste satisfaction.
Abordons maintenant ce Purgatoire : c'est à nouveau un grand roman que tu nous proposes, ancré au plus près de tes racines, étoffé par cette prose chantournée à merveille par le véritable artisan de la langue que tu es devenu. Allez, pour le plaisir, quelques petits bonheur d'écriture : "le fugace troussis d'un sourire narquois", "la nuit chichement enlunée", "toutes fenêtres éteintes derrière les volets clos comme des paupières pâlies aux coulées passagères de lune". C'est en cela que Pelot est grand et son style séduisant.
Son travail, c'est du cousu-main, du pur local (et pourtant tellement universel) avec une galerie de personnages authentiques et passionnés. Avec "L'ombre des voyageuses", tu faisais le grand écart des Vosges à l'Amérique. Cette fois, chemin inverse avec le jeune couple, Joshua et Kate Bansher, qui débarque dans les Hautes-Vosges en provenance de la Louisiane à la fin du XIXe siècle. Plus d'un siècle après, un de leurs descendants trouve la mort avec sa compagne dans des conditions pour le moins suspectes. Un assassinat suivi d'un suicide qui sentent la mauvaise mise en scène et la résurgence de vieilles jalousies sur fond de secrets de famille. Un terreau propice à l'imagination de Pelot, jamais aussi vive et affûtée que lorsqu'il s'agit de traquer dans le passé des comportements déviants, des rancoeurs accumulées, des haines recuites.
Jamais personnage n'a été aussi proche de Pelot que ce Simon Clavin, écrivain, pour qui "l'ordre des choses est une invention imbécile de ceux qu'épuise la moindre imagination". Aurait-on là le plus autobiographique des recueils du Vosgien ? Ce qui est sûr en tous cas, c'est que la nature occupe une place de choix, dangereuse ou hospitalière, séduisante ou dégradée, dans la geste pelotienne. Elle est l'occasion de pages d'un grand lyrisme, un hymne à la forêt, aux arbres, aux éléments.
Faut-il vraiment croire que Pelot nous abandonne en rase campagne et que cet opus est l'ultime aventure littéraire d'un écrivain à nul autre pareil ? Touchons du bois, celui de ses sapins hauts-vosgiens pour imaginer que ce n'est là qu'une trêve et que les Emeline, Lorena, Simon, Lazare, Maria, Mo et toute la galerie de la comédie humaine de l'écrivain auront une nouvelle descendance pour notre plus grand bonheur.
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