- Adieu, reine, et merci. Je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour moi.
- Ne me remercie pas. Le monde est déjà assez dur pour nous, les femmes. Que deviendrions-nous si nous n'étions pas capables de nous entraider un peu, de temps en temps ?
Tant de crimes ont été commis au cours des siècles. Pourquoi me présente-t-on comme un monstre unique, insurpassable ?
Est-ce que parce que je venais d'une terre barbare ? Parce que j'étais savante ? Parce que j'étais une femme refusant de n'être que victime ? Ou bien est-ce pour oublier les crimes dont d'autres sont chargés ?
J'ai de ces quelques heures un souvenir atroce.
Comment aurait-il pu en être autrement, à l'heure où j'allais trahir les miens, et tout abandonner ?
On dit que la vie des femmes est sans danger. Qu'elles restent chez elles, bien tranquilles, pendant que les hommes vont à la guerre. Quelle stupidité !
Mieux vaut partir trois fois au front que mettre au monde un seul enfant.
- Et moi, je peux venir ?
- Toi, tu es une fille. Le tir à l'arc, c'est pas pour les filles.
Si tu veux leur éviter de finir lapidés ou une lance en travers du corps, tu sais maintenant ce qu'il te reste à faire.
Dans le fond, c'est dans l'ordre des choses. Rappelle-toi comment cela a commencé : tu as trahi ton père ; tu as tué ton frère. Ton couple s'est construit sur une série de crimes. Ta belle histoire d'amour était pourrie dès l'origine.
Maintenant, il faut aller au bout : détruire ce qui n'aurait jamais dû voir le jour.
— La nuit est bien noire. Tu veux que je te laisse de la lumière ?
— Non, je n'ai pas peur. Je n'ai jamais peur : mon père a plein de dieux dans sa famille.
— C'est vrai, j'oubliais. Ton grand-père, le Soleil. Hécate la magicienne, ta sombre cousine. Tu es bien protégée.
— Médée, tu vas devoir t'efforcer de faire oublier tes origines barbares.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Tes cheveux en bataille, tes airs de lionne prête à bondir, tes robes bariolées, tes bijoux trop voyants... ll faudra renoncer à tout cela.
Puisque tu n'as pas d'autre tenue, tu te présenteras à Créon habillée à la mode de Colchide. Mais ensuite, il sera préférable de t'habiller à la grecque. Il faudra aussi t'attacher les cheveux, quitter cet air farouche et baisser les yeux.
Oui, baisser les yeux, toujours. Les Grecs aiment les femmes aux yeux baissés.
On dit que la vie des femmes est sans danger. Qu'elles restent chez elles, bien tranquilles, pendant que les hommes vont à la guerre. Quelle stupidité!
Mieux vaut partir trois fois au front que mettre au monde un seul enfant.
On s’imagine qu’aimer passionnément un être nous donne des droit sur lui. Mais c’est faux. L’amour n’est pas un droit. C’est seulement un miracle qui, souvent, se transforme en mirage.