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EAN : 9791090724389
640 pages
Monsieur Toussaint Louverture (19/10/2017)
4.2/5   200 notes
Résumé :
Années trente, alors que dans la chaleur de la Louisiane, ses ennemis manœuvrent pour prendre sa place, Willie Stark, «l’enfant humilié» devenu gouverneur, se découvre un nouvel adversaire : le vertueux Juge Irwin. Le Boss charge alors Jack Burden, narrateur cynique en quête de sens, du fardeau de découvrir la vérité, car dans un monde de corruption « il y a toujours quelque chose à déterrer ». Mais déjà le Temps agit, le passé met en place le futur et tous les homm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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Certains chefs-d'oeuvre sont difficiles d'accès. Ce n'est pas le cas de Tous les hommes du roi, un roman sublime de bout en bout. J'ai été emporté d'emblée. Dès la première page, une route, toute droite, se déroule à l'infini au travers des paysages sauvages et incandescents du Sud des Etats-Unis, et sur cette route, une Cadillac noire fonce à tombeau ouvert. A bord, quelques-uns des personnages hauts en couleur du roman : le Boss, homme-clé autour duquel est bâtie l'intrigue ; Lucy Stark, sa femme ; l'obèse Tiny Duffy, souffre-douleur patenté ; le bègue et malingre Sugar Boy, chauffeur porte-flingue. Et Jack Burden, un fils de famille, journaliste éphémère reconverti dans un job d'homme de confiance. C'est lui le narrateur du roman.

L'action principale se développe à la fin des années trente. Willie Stark, dit le Boss, est un homme politique atypique. Petit agriculteur à la détermination farouche, il se présente aux élections dans l'intention de lutter contre la corruption et le chantage qui gangrènent l'Etat. Révélant un véritable talent de tribun, il est élu Gouverneur. Mais dans l'exercice du pouvoir, il se montre populiste et autoritaire, son cynisme l'amenant finalement à penser que corruption et chantage sont des moyens acceptables pour parvenir aux fins qu'il juge bonnes pour le peuple. Il est convaincu que le bien ne peut naître que du mal.

Jack Burden raconte par le menu l'histoire de Willie Stark qu'il accompagne jusqu'aux circonstances qui mettront fin tragiquement à son parcours. Les missions délicates, parfois indignes, dont il se charge pour le compte du Boss, ainsi que son observation lucide et ironique des personnages du roman, l'amènent à se pencher en même temps sur lui-même et sur sa propre histoire. Apte à juger, mais incapable de se résoudre à intervenir, il observe sans réagir les manipulations et les événements qui conduiront à trois drames tragiques. Il lui faudra du temps pour comprendre qu'il n'appartient qu'à lui de s'assumer et de donner un sens à sa vie.

Impossible de ne pas citer les autres personnages : Adam Stanton, le chirurgien pianiste, idéaliste, intransigeant et incontrôlable ; sa soeur Anne, amour de jeunesse de Jack, qui, comme ce dernier, peine à trouver sa voie ; Sadie Burke, une femme dévouée au Boss, dont l'activisme masque une frustration physique ; le juge Irwin, figure emblématique de la rigueur morale, sauf que… Sans oublier madame Burden mère, une ancienne beauté menant grand train.

La construction du roman est complexe et très finement conçue. Malgré leur diversité, les péripéties, parfois brutales et surprenantes, s'enchaînent presque logiquement tout au long des six cent quarante pages du livre. Comme si, justement, tout était écrit d'avance. L'auteur soulève de profondes réflexions philosophiques sur la fatalité, le secret, la trahison, le péché, la culpabilité. Une culpabilité propre à chacun, mais également collective dans un Sud hanté par ses démons du passé : l'esclavage, le racisme et la guerre perdue contre les Yankees.

La plume de Robert Penn Warren est éblouissante. Les journées brûlantes et les nuits étouffantes de la Louisiane donnent lieu à des images sans cesse renouvelées, toutes d'un lyrisme époustouflant. Dans son rôle de narrateur, Jack Burden use d'un ton décalé et fait mine de prendre à témoin un interlocuteur qu'il tutoie ; on ne sait pas s'il s'adresse au lecteur ou à lui-même, mais l'effet est percutant. Les nombreux personnages, dont les traits de caractère sont ciselés avec une certaine férocité, jouent des scènes captivantes dont les dialogues, alliant burlesque et gravité, sont dignes des meilleures séries noires. La traduction, revue à l'occasion d'une publication en 2017 par les éditions Monsieur Toussaint Louverture, mérite d'être saluée, car elle transpose à la perfection le langage populaire que l'on imagine dans le Sud profond.

Deux fois porté à l'écran, Tous les hommes du roi a été aussi à plusieurs reprises adapté pour le théâtre. le roman, pour lequel je confirme et j'assume tous les superlatifs de ma chronique, avait valu en 1947 à son auteur, le poète et romancier Robert Penn Warren, le prix Pulitzer de la fiction.

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Poursuite de mes rattrapages d'été en catégorie pavés, avec Tous les hommes du roi, de Robert Penn Warren - traduit par Pierre Singer - récompensé par le Pulitzer en 1947.

Tous les hommes du roi est le livre aux deux héros : Willie Starck d'abord, jeune juriste naïf et maladroit, appelé après avoir perdu ses illusions et gravi quelques marches à devenir le Boss politique de la Louisiane, caïd désabusé, pragmatique et philanthrope.

Face à des adversaires politiques de l'ancien monde (déjà à l'époque…), il prône le dégagisme des corrompus et des fainéants, ne demandant pas qu'on l'aime mais qu'on ne le juge qu'à son efficacité. Populiste avant l'heure, la fin justifie toujours les moyens, quels que soient ceux qu'il emploie.

Puis Jack Burden, journaliste et historien devenu indispensable au Boss. Ni bras droit, ni factotum, pas mêmeporte-flingues, Burden est à la fois son ambassadeur, sa conscience ou son sherpa. Une conscience qui a sa propre conscience et qui s'interroge sans cesse au fur et à mesure de l'irrésistible ascension du Boss sur ses propres places et rôles.

À travers ses relations avec les autres – Adam l'ami d'enfance idéaliste, Anne l'amoureuse platonique, mais aussi sa mère au relationnel complexe ou le juge Irwin voisin et protecteur - Burden se confronte au renvoi de sa propre image, changeante au fil des étapes, et à l'acceptabilité personnelle de cette évolution.

Tragédie moderne de haut vol mêlant saga politique au long cours, intrigue à rebonds, contexte historique documenté et réflexions philosophiques sur la responsabilité individuelle et collective ou la destinée, Tous les hommes du roi est un grand livre. Un très grand livre. de ceux dont tu ne peux te décoller et que tu termines à la fois heureux de la découverte et frustré de ses 640 pages finalement bien trop brèves.

Warren écrit avec une délicieuse élégance, mélangeant les longs paragraphes léchés et descriptifs destinés à fixer le cadre, avec les digressions politiques ou sociétales éveillant l'intérêt autant que la conscience historique du lecteur, avant de raviver son attention avec quelques dialogues secs et directs venant casser l'effet pavé du tout. C'est un chef d'oeuvre d'équilibre littéraire, qui explique sans aucun doute le succès de ce livre depuis tant d'année, sans aucun ravage du temps. Alors si ça n'est déjà fait, on se précipite !
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Quel roman !
Si l'une des oeuvres de fiction suivantes vous a déjà conquis, alors « Tous les hommes du roi » (Prix Pulitzer 1947) est pour vous : Gatsby le magnifique, Citizen Kane, Il était une fois en Amérique, L'homme qui voulut être roi… Il y a même à parier que les créateurs du machiavélique « House of Cards » se sont inspirés de Robert Penn Warren.
Le sujet principal du livre est l'ambition, cette prétention bien ordonnée qui naît dans le cerveau d'un homme, aussi bouseux soit-il – c'est le cas de notre homme, Willie Stark. Son bras droit, Jack Burden, raconte son histoire, celle d'un homme venu de nulle part qui - thématique bien américaine – arrive au sommet. Par la voix de Burden, l'auteur montre qu'avec la meilleure volonté du monde, il est impossible d'accéder au pouvoir sans se salir les mains. le vice et la vertu sont des frères jumeaux issus d'un même spasme. Tôt ou tard, ils se rejoignent et bien téméraire celui qui les distinguera, au risque de subordonner la morale et de la voir se retourner contre lui. Personne n'en réchappe. « L'homme est conçu dans le péché et élevé dans la corruption, il ne fait que passer de la puanteur des couches à la pestilence du linceul. Il y a toujours quelque chose ». À tout moment, on peut trébucher : « Pour quelles raisons, en dehors du péché originel, un homme peut-il s'écarter du droit chemin ? Je répondis : l'ambition, l'amour, la peur, l'argent ».
Je n'ai pas trouvé ce roman cynique parce que l'idéalisme, pour autant volatile, est omniprésent, que l'abject est tenu à distance respectable du lecteur et que l'ambition n'est pas intrinsèquement destructrice.
La précision des portraits et des paysages est à tomber par terre (ex : p11, p350). La profondeur des réflexions (ex : p20, p340), la justesse et la drôlerie des images (ex : « Elle se figea comme si son porte-jarretelles avait lâché en plein milieu de la messe ») m'ont conquise.
Encore un roman bestial et magistral réédité par Monsieur Toussaint Louverture, qui m'avait déjà régalée avec « Karoo » dans la même collection « Les grands animaux ».
Bilan : 🌹🌹🌹
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C'est pour des livres comme ça que Babelio devrait créer la 6eme étoile.

Hors de question que je m'essaye à la critique de ce livre. Ce roman est bien trop grand, bien trop monumental pour que j'essaye en quelques mots d'en retranscrire toute la complexité, toute la puissance dramatique et toute la richesse narrative.

Je pourrais vous le présenter comme un roman sur la politique - voire même comme le roman par excellence sur la politique - ou bien comme une saga épique, biblique, humaine. Mais aucun des deux pitchs ne rendrait compte de la force du propos, de la profondeur d'analyse et de l'immense qualité littéraire de ce texte fascinant.

C'est le genre de livre dans lequel on s'enfonce, mais dans lequel on ne se perd jamais. le genre de livre qui t'accompagne longtemps après l'avoir refermé. C'est un roman métaphysique !

Je suis au delà du coup de coeur, je suis terrassée.
On lit quoi après ça ? Tout risque de sembler bien fade, bien insipide.

Traduit par Pierre Singer
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Le gouverneur Willie Stark, dit le Boss, n'aime pas que l'on contrecarre ses projets politiques. Quand le très intègre juge Irwin soutient un autre candidat que celui du Boss pour le poste de député, il ne sait pas qu'il court à sa perte. « Il y a toujours quelque chose à déterrer. / Peut-être pas avec le juge. / L'homme est conçu dans le péché et élevé dans la corruption, il ne fait que passer de la puanteur des couches à la pestilence du linceul. Il y a toujours quelque chose. [...] Et débrouille-toi pour que ça pue. » (p. 62) C'est le narrateur, Jack Burden, qui est chargé par le gouverneur de trouver de quoi incriminer le juge. Ce faisant, il se confronte à son propre passé et met en branle une terrible mécanique qui va broyer des innocents et des coupables, sans distinction ni pitié.

Dans ce récit a posteriori, Jack Burden retrace la gloire et la chute du gouverneur Stark, auxquelles se sont accolées les destinées plus ou moins misérables de nombreuses personnes, amies ou ennemies. Entre vieilles amours et rancoeurs nouvelles, la jalousie et l'ambition poussent sur un terreau tristement fertile et férocement cynique. « La loi, c'est une couverture pour une personne dans un lit deux places où sont couchés trois types par une nuit gelée. On aura beau tirer dans tous les sens, y aura jamais assez pour couvrir tout le monde et quelqu'un finira forcément par choper une pneumonie. » (p. 155)

J'ai eu quelques difficultés à vraiment accrocher à cette histoire. Les nombreuses intrigues parallèles, contemporaines ou antérieures au récit principal, m'ont souvent semblé longues et mal rattachées à l'ensemble. J'ai cependant beaucoup apprécié le ton général qui m'a un peu rappelé Hemingway, en meilleur (Non, je n'aime pas vraiment le d'Hemingway). La vision de l'homme portée par ce texte est sombre, mais pas noire, plutôt boueuse, comme si même dans le pire, l'homme n'était jamais que médiocre.
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Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
La flamme s’était emparée de la plupart des brindilles, elle bondissait, crépitait, crachait de petites étoiles comme des cierges magiques, et la lumière dansait en tons chauds sur la figure inclinée d’Anne, puis sur sa gorge et sa joue, quand, toujours accroupie, elle leva les yeux vers moi tandis que j’approchais – ils scintillaient comme ceux d’un enfant à qui l’on fait une jolie surprise – et se mit soudain à rire, d’un rire profond et vibrant. Le rire des femmes heureuses. Elles ne rient jamais de cette façon pour être polies ou quand on leur raconte une blague. Une femme ne rit comme ça qu’une poignée de fois dans une vie. Elle ne le fait que si quelque chose la touche au plus profond de son être et que la joie jaillit aussi naturellement que l’air qu’on expire, que les premières jonquilles de l’année ou que les ruisseaux des montagnes. Quand une femme rit ainsi, cela te fait toujours quelque chose. Peu importe à quoi ressemble son visage. Tu entends ce rire et tu sens que tu viens de saisir une belle et pure vérité. Et tu ressens ça parce que ce rire est une révélation. Une grande sincérité impersonnelle. C’est comme être aspergé par la rosée d’une fleur issue de la grande tige centrale de l’univers, et le nom ou le statut de la femme n’a foutrement rien à voir là-dedans. C’est pourquoi ce rire ne peut être simulé. Si une femme pouvait apprendre à le feindre, elle ferait ressembler Nell Gwyn et Madame de Pompadour à deux scoutes à lunettes avec chaussures antidérapantes et appareils dentaires. Elle pourrait mener le monde à la baguette. Car, dans le fond, tout ce qu’un homme désire, c’est entendre une femme rire comme ça.
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Il paraît qu’on n’existe réellement que sous le regard des autres. Si les autres n’étaient pas là, toi aussi tu cesserais d’exister puisque tes actions, qui font de toi ce que tu es, n’ont de sens que par rapport aux autres. C’est une pensée très réconfortante quand tu es seul en voiture, la nuit, sous la pluie, car ainsi tu n’es pas toi. N’étant ni toi ni personne, tu peux enfin commencer à te détendre et à goûter un peu de repos. Prendre congé de toi-même. Seul demeure alors, sous ton pied, le ronron du moteur – dont les entrailles d’acier tissent, telle une araignée, la fibre ténue du son, le filament, le fil réticulaire –, ce ronron, lien unique et impalpable entre le toi que tu viens de quitter et celui que tu seras à ton arrivée.
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LA. J’AVOUE QUE J’AURAIS BESOIN D’UNE EXPLICATION DE TEXTE

Si par là tu veux dire que la politique, y compris celle de tes amis d’autrefois, c’est loin d’être une Semaine sainte dans un couvent, tu as raison. Mais cette fois-ci je vais te battre sur ton propre terrain, celui de la métaphysique. La politique, c’est l’action, et l’action n’est qu’un accident dans la perfection de l’inaction, qui est la paix. De la même façon, tout être n’est qu’un accident dans la perfection du non-être, dans la perfection de Dieu. Mais si Dieu est perfection et que la seule perfection est dans le non-être, alors Dieu n’est pas. Dieu n’est rien. Et rien, ça ne peut pas servir de base à la critique d’une chose en tant que chose. Qu’est-ce que tu dis de ça ? On est quitte ?
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(Elle) se mit soudain à rire, d’un rire profond et vibrant. Le rire des femmes heureuses. Elles ne rient jamais de cette façon pour être polies ou quand on leur raconte une blague. Une femme ne rit comme ça qu’une poignée de fois dans une vie.
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LA. JE N’AI PLUS BESOIN D’EXPLICATION DE TEXTE.

La création de l’homme, que Dieu dans Sa prescience savait voué au péché, est la preuve solennelle de Sa toute-puissance. Car il aurait été d’une facilité dérisoire pour la Perfection de créer la perfection. Un tel acte, à vrai dire, n’aurait pas été création, mais extension. La différence est l’identité : Dieu ne pouvait créer – vraiment créer – l’homme qu’en le faisant différent de Lui-même. Or être différent de Dieu, c’est être dans le péché. La création du mal est donc la preuve de la gloire de Dieu et de Sa puissance. Il fallait qu’il en soit ainsi pour que la création du bien soit le témoin de la gloire de l’homme et de sa puissance. Mais seulement grâce à Dieu ; grâce à Son aide et à Sa sagesse.
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