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Critique de Avoslivres


Dans la ménagerie de Monsieur Toussaint Louverture, les animaux sont en voie d'apparition, pour notre plus grand bonheur. Après le monumental « Et quelques fois j'ai comme une grande idée » et le décoiffant « Personne ne gagne », et avant « le dernier stade de la soif », a surgi « Tous les hommes du roi », un roman de Robert Penn Warren, qui plus qu'un grand animal est, sans conteste, un grand livre.

Dans ce roman, le narrateur, Jack Burden, évoque l'ascension politique de Willie Stark, un redneck attachant dont on se demande s'il agit d'abord pour le peuple ou pour lui-même. L'histoire s'articule autour de ces deux personnages, l'un étant le revers de l'autre.

Trésorier du comté, Willie perd son emploi après avoir refusé de fermer les yeux sur des magouilles politicardes. Revenu dans la ferme de son père, il décroche son diplôme d'avocat et se lance en politique, convaincu de pouvoir changer les choses. Rapidement déniaisé, il simplifie son discours et durcit ses méthodes. Une décennie plus tard, il est le Boss, un orateur brillant parvenu à se forger un destin remarquable, un homme de fer au regard tourné vers l'avenir.

Le narrateur, lui, est un personnage désabusé. Il a grandi dans le confort et l'absence, a poursuivi des études d'Histoire qu'il a abandonnées puis trouvé une place de journaliste dans un quotidien régional avant de donner sa démission. Un parcours inabouti que seul trouble son amour de jeunesse, la gracieuse Anne. Engagé en tant qu'homme de main par le Boss il évolue à ses côtés comme un esquif sur la vague, sans prise sur les événements, indifférent et l'esprit ancré dans le passé.

Le fil du récit paraît tracé à la règle. le narrateur nous dépeint le Bosse en figure massive et insaisissable, introduit des personnages secondaires substantiels, évoque la corruption. Ne manque que la chute.

Pourtant, sans que l'on comprenne bien comment, la trame se complexifie, elle glisse de cette cohorte de personnages vers Jack, qui prend corps à travers eux tous. Lui qui oscillait depuis le début du roman entre détachement, cynisme et nostalgie, est contraint de reconsidérer sa propre histoire pour gérer les turbulences auxquelles se retrouve confronté son patron. Tout au long de sa vie il s'est passionné pour la vérité, sans jamais l'établir vraiment. Cette fois, pourtant, il déconstruit avec minutie un édifice tronqué, où passé et présent ont fini par s'imbriquer au point de le garder captif. En quête d'identité, Jack soulève le voile de l'enfance pour placer les fantômes de sa jeunesse sous un jour nouveau. Au risque de tout perdre.

Robert Penn Warren élabore son histoire avec la précision d'un horloger. Chaque personnage nourrit cette tragédie, chaque fragment du passé réoriente le récit avec subtilité et donne chair aux protagonistes. L'ensemble est pensé avec soin.

Et puis l'écriture est précise, descriptive, imprégnée de Louisiane. Elle ne nous perd jamais.

En bon horloger l'auteur offre au temps un rôle majeur. À vous d'en trouver pour vous plonger dans cette lecture formidable.
Lien : https://avoslivreschroniques..
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