L' "identité", qu'est-ce que c'est encore que ce snobisme ? Vous croyez que nous sommes "nous-mêmes", autour de cette table ? Etre "soi", monsieur, c'est être le bon cheval, au bon moment, sur la bonne case du bon échiquier ! ou la reine, ou le fou, ou le dernier des petits pions !
[Clara, la soeur de Ben, lui apprend qu'elle est enceinte]
Clara est habitée ? Il y a un petit quelqu’un chez Clara ? C’est le retour de Saint-Hiver par la fenêtre ? Encore un fruit de la passion ? Encore un mouflet Malaussène délesté de son papa au moment de l’atterrissage ? Ça va naître ? Coups et blessures sans intention de donner la vie ? Ça va plonger ? Ça descendra un jour dans la rue ? Ça passera devant les kiosques à journaux ? Ça va se farcir le quadrichromique opéra de la vie ? L’optimisme amoureux a une fois de plus plaisanté avec le néant ? Ça va tomber du rien dans le pire ? Un fruit tout nu précipité dans les mâchoires du monde ? Au nom de l’amour ! la belle amour ? Et le reste du temps, ça va chercher à comprendre ? Ça va se construire ? Une charpente d’illusions sur les fondations du doute, les murs de la métaphysique, le mobilier périssable des convictions, le tapis volant des sentiments ? Ça va s’enraciner dans son île déserte en envoyant des signaux pathétiques aux bateaux qui passent ? Oui… Et ça va passer soi-même au large des autres îles. Ça va manger, ça va boire, ça va fumer, ça va penser, ça va aimer, et puis ça va décider de manger mieux, de boire moins, de ne plus fumer, d’éviter les idées, de reléguer le sentiment. Ça va devenir réaliste. Ça va conseiller ses propres enfants. Ça va tout de même y croire un peu pour eux. Et puis ça n’y croira plus. Ça ne va plus écouter que ses propres tuyauteries, surveiller ses boulons, multiplier les vidanges… sans trop y compter…
les Autrichiens ont beaucoup à faire avec leur histoire [...] : l'éclatement de leur Empire, d'abord, le nazisme ensuite, et aujourd'hui la menace de finlandisation...
La femme que j'aime est un animal complet, un vertébré fabuleusement supérieur, idéalement mammifère, résolument femelle.
Chapitre sept : l’apparition eu lieu dans les couloirs du retour. Car la première rencontre entre Clara et Clarence relève, oui, de l’apparition. C’était un soir de printemps. Un soleil feuille morte dorait les murs. Le vieux maton nous reconduisait vers la sortie. Nos pas s’étouffaient dans le silence d’un long tapis cardinalice. Il ne manquait que les paillettes de Walt Disney pour nous expédier main dans la main, Clara et moi, au paradis azur de toutes les réconciliations. Pour dire la vérité, j’avais hâte de me tirer. Qu’une prison ressemblât si peu à une taule chamboulait mon système de valeurs. Et je n’aurais pas été autrement étonné si le taxi diesel qui nous attendait à la sortie se fût métamorphosé en un carrosse de cristal tiré par cette race de chevaux ailés qui ne produisent jamais de crottin.
C’est alors que le prince charmant nous apparut.
Debout, long et droit, un livre à la main, au bout du couloir, sa tête blanche éclaboussée d’or par un rayon oblique.
L’archange soi-même.
Je rêve d'une humanité qui n'aurait à coeur que le bonheur de son voisin de palier.
- Personne n'ose regarder les très laids, de peur de les blesser, et les très laids meurent de solitude, pour cause de délicatesse universelle. [... ]
- Quant aux très beaux, tout le monde les regarde, mais ils n'osent regarder personne, de peur qu'on ne leur saute dessus. Et les très beaux meurent de solitude, pour cause d'admiration universelle.
L'argent a toujours paru suspect aux Français ; ce qui me paraît suspect à moi , c'est d'en vouloir et de ne pas en gagner.
Or les poubelles étaient rarement pleines en ces temps de disette. On y jetait peu, on y récupérait beaucoup, on s'y battait à mort. Toutes les guerres naissent du même axiome : les poubelles ont horreur du vide. Une poubelle est prise d'assaut à Levallois, c'est l'Europe qui s'embrase. Et on voudrait que les guerres soient propres ...
pitié pour les écrivains, disent les cellules de Benjamin dans leur murmure de sable... ne leur tendez pas de miroir... ne les changez pas en image... ne leur donnez pas de nom... ça les rend fous...
Curieux tout de même, la réputation du coma dépassé... même chez les esprits les plus ouverts... le confort, quoi, le confort moral au moins... le bon coté de la conscience... coté rêve... détachement... pied volant au noir velours de l'oubli... ce genre d'images... sous prétexte que la cervelle s'est tue... préjugés... cérébrocentrisme... comme si les soixante mille milliards de cellules restantes comptaient pour du beurre...