AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,63

sur 101 notes
Et si on jouait à Duce a dit ? Allez, elle peut être sympa cette petite variante transalpine de Jacques a dit.
En même temps, mon niveau en Rital s'étant limité à la coupe du monde 2006 où le seul et unique principe acquis était de s'effondrer lamentablement lorsqu'un joueur adverse te frôlait à plus où moins 3 m, plutôt limité le niveau en définitive...

Par contre, je connais une famille de paysans, tendance bornée au sang chaud, qui toute sa vie durant appliquera consciencieusement les préceptes de son leader charismatique à la lettre, les Peruzzi.
Véritable tribu sans terres que ces parents et leurs 17 rejetons, ils finiront par émigrer dans les marais Pontins dans l'optique de les assécher puis de les creuser afin de donner naissance au Canal Mussolini, ultime injonction d'un Duce messianique qu'ils vénèrent plus que tout.
Le fascisme trace son sillon.
Les Peruzzi en seront les zélateurs convaincus.

Bien embêté au final car si le fond passionne, la forme a eu tendance à m'assommer régulièrement pour définitivement avoir le dessus bien avant que le gong libérateur n'ait retenti.
Peu de dialogues. Un bouquin qui se veut le carnet de bord de cette famille pourtant truculente égrené par l'un des leurs. Les anecdotes historiques et familiales foisonnent. le conteur tente d'instaurer une certaine complicité avec le lecteur qu'il interpelle régulièrement mais rien n'y fait, la lassitude prend systématiquement le pas sur l'intérêt historique au point de m'avoir dégoûté d'un monstrueux plat de spaghetti pieds de porc au lard fumé et beurre au caramel salé pour les dix minutes à venir, c'est dire...
C'est d'autant plus rageant que je ne trouve absolument rien à redire sur l'écriture évocatrice qui vous transporte en cette époque fascisante des forçats de la terre.
Mais quand ça veut pas...

Canal Mussolini, j'aurai adoré qu'il me submerge, j'y ai juste bu la tasse...
Commenter  J’apprécie          373
« Maldits soient les Zorzi Vila ! ». Parce qu'ils ont été chassés des terres du Nord par les riches propriétaires et la famine, parce que le Duce leur a donné un domaine agricole fertile à eux des métayers crève-la-faim sur une terre jusqu'alors abandonnée aux marécages et aux anophèles, les Peruzzi, dix-sept enfants et autant de petits-enfants, Ferrarais dans le sang, ont revêtu la chemise noire du fascisme.

Ainsi présentée ce pourrait être une fresque familiale bien sombre, mais sous la plume d'Antonio Pennacchi elle prend les couleurs d'une conquête de l'Ouest italien étrangement savoureuse.

D'abord parce que c'est une famille, que dis-je un clan, une tribu noyautée par des liens indéfectibles, qui porte en elle le sens de la révolte et de l'orgueil. Chez les Peruzzi, on ne courbe pas l'échine, on remonte les manches pour la terre, les bêtes, et on n'hésite pas à sortir le couteau chaque fois que l'on manque de respect ou de bienveillance à leur égard ou à l'ami de la famille, le Duce.

Ensuite parce que le récit fait appel à la mémoire familiale : riche de racontars ou « contars », l'histoire des Peruzzi nous est transmise par un descendant de la lignée doté d'un bagou désinvolte, comme si avoir le sang chaud était un atavisme. Adoptant le style de la transmission orale, le texte révèle une plume pleine de verve et de spontanéité, entre expressions populaires et langage de charretier, elle se révèle même impétueuse au regard des nombreuses ruptures temporelles du récit. le ton est parfois péremptoire lorsqu'il s'agit de révéler la vérité, ou plutôt la vérité des Peruzzi car le narrateur n'hésite pas à jouer avec l'Histoire et même la vraisemblance lorsque les abeilles se mettent à parler, de sorte qu'on sourit face à ce qui apparaît loufoque. Il n'hésite pas non plus à faire des comparaisons anachroniques pour dissimuler ce qui ressemble à un excès d'enthousiasme ou à de la mauvaise foi.

Doté d'un réel talent de conteur, l'auteur pourrait être accusé de réécrire l'Histoire de l'Italie tant il se montre complaisant à l'égard du fascisme. Mais à lire entre les lignes, on découvre tout simplement un récit absous d'idéologie, résolument orienté sur la condition paysanne du début du XXe : des miséreux coincés entre révolutions avortées et incurie politique qui ont davantage adhéré au fascisme par loyauté lorsque le Duce a entrepris de bonifier les terres de l'Agro Pontin en construisant un canal et asséchant les marais, que par conviction politique. Dés lors, des milliers de paysans du Ferrarais et de Vénétie se sont transformés en pionniers ayant conquis de nouveaux territoires exploitables, prêts à accepter tous les discours des dignitaires au pouvoir - hommes providentiels -, à combattre les Méricains pendant la Seconde guerre, pourvu qu'on leur laisse leurs terres.
C'est une oeuvre dense qui prête à sourire mais qui éclaire d'une manière magistrale une part de l'Histoire italienne que je ne connaissais pas : la condition paysanne et les rapports du peuple italien avec les politiques.

Commenter  J’apprécie          210
"La faim. C'est à cause de la faim que nous sommes partis. Et pour quelle autre raison, je vous le demande? Sans la faim, nous serions restés là-haut. C'était notre village. Pourquoi l'aurions-nous quitté? Nous y avions toujours vécu et toute notre famille y habitait. Nous connaissions le moindre de ses recoins et la moindre pensée de nos voisins. La moindre plante. le moindre canal. Jamais nous ne serions venus autrement.
Nous avons été chassés, voilà la vérité. A coups de manche à balai; Par le comte Zorzi Vila. Il nous a dépouillés...."

Difficile de ne pas accepter le voyage, après ce début!
Racontée par un des petits fils, né dans des circonstances bien particulières dans lesquelles des abeilles ont un grand rôle, voici donc l'histoire d'une famille de paysans , la famille Peruzzi, du début du siècle à la fin de la seconde guerre mondiale. Très inspirée donc de la propre famille de l'auteur qui a pris le parti , puisque c'est un roman, de raconter l'histoire de cette population paysanne à travers les souvenirs de ceux qui l'ont vécue à la place où ils étaient. C'est à dire celle de gros travailleurs , cultivant les terres de propriétaires terriens, sur lesquels un désastre est tombé en 1927, le quota 90:
"Et bien , le Duce a soudain annoncé: " Je réévalue la lire. A partir de maintenant, c'est le quota 90 , jamais plus de 90 lires pour une livre sterling....Nous autres aussi, les Peruzzi , nous avons commencé sur le moment" Nom de nom, l'est habile not' Duce."

Seulement les Peruzzi n'avaient pas réalisé que non seulement cela divisait leurs revenus presque par deux, mais qu'aussi , tenus de partager la récolte avec le propriétaire- en quintaux et non en lires- et les frais- eux en lires-" ils se retrouvaient nus comme des vers. Une main devant et une derrière,voilà à quoi ils nous avaient réduit. A l'état de crève la faim.."

Et c'est ainsi que la famille Peruzzi et ses 17 enfants , ainsi que 30 000 de leurs compatriotes se sont retrouvés dans une région pas très hospitalière, celle des marais Pontins, à creuser les 31 kilomètres du canal Mussolini.
"Ce fut un exode. Trente mille personnes en l'espace de trois ans- dix mille par ans- parties du Nord. de la Vénétie, du Frioul, du Ferrarais. Emmenées à l'aventure au milieu d'étrangers parlant une autre langue. Ils nous traitaient de " bouffeurs de polenta"; pis encore de "Cispadans", ce qui, dans leur bouche, signifiait " envahisseurs" . Ils nous regardaient d'un sale oeil . Et ils priaient Dieu pour que la malaria nous emporte."

Région inhospitalière, travail très dur et dangereux, mais promesse donnée par Mussolini de leur donner des terres si le pari est gagné... Et donner des terres à un paysan qui a toujours travaillé pour les autres auparavant, c'est l'acquérir à sa cause. C'est ainsi qu'en tout cas comme cela que moi j'ai compris sans aucun problème ( avec des liens plus personnels assez savoureux) l'engagement de la famille à côté de leur Duce!
Après, oui, de la mauvaise foi, il y en a , bien sûr, mais pleinement assumée et assez réjouissante! Et quelques vérités qui ne manquent pas de sel; par exemple ( mais il y en a plein dans tout le roman):
"Le roi avait ordonné qu'on arrête le Duce et, juste après, les hiérarques conjurés. Il les avait roulés eux aussi. le fascisme était tombé, point final. Qu'on n'en reparle plus. Je ne vous dis pas les fêtes dans toute l'Italie. Jusqu'à l'année précédente, les gens criaient à l'unisson: " Du-ce, Du-ce" et " Nous gagnerons." Désormais personne ne l'avait jamais supporté. Exactement comme chez les socialistes en 1919-1921. Ou le PCI et la Démocratie chrétienne vers 1994. Ne parlons pas de Craxi. D'ailleurs, vous verrez, ce sera bientôt le cas de Berlusconi et de je ne sais qui dans cent ans. " Quoi, moi? Tu crois vraiment que j'ai pu voter pour une telle plaie?"

L'auteur est le roi de la digression, chaque anecdote en entraine une autre, ce qui, avec le style oral ( très bien traduit) rend quelquefois ce roman foisonnant un peu difficile à suivre. Mais c'est vrai qu'après quelquefois des pages de digressions en tous genres, on s'aperçoit de l'habileté de la construction du récit !
J'aime les romans qui me racontent L Histoire par le biais d'une histoire familiale, je ne pouvais qu'aimer celui-ci qui m'a raconté l'Italie dans un roman dense, plein d'énergie et souvent très drôle, mais qui n'adhère que très peu, c'est vrai, au politiquement correct!


Commenter  J’apprécie          160
C'est une plongée dans l'Italie de la première moitié du XXe siècle, au travers d'une saga familiale, que va découvrir le lecteur en lisant ce roman. Antonio Pennacchi le souligne lui-même dans le préambule : "ce livre est la raison pour laquelle je suis venu au monde". Ayant étudié l'histoire italienne avec grand intérêt, ce livre qui se définit "entre chronique et farce" m'a interpelé.

Ce roman est une saga familiale, celle des Peruzzi, dont l'histoire évolue avec le contexte historique de l'arrivée du fascisme et de Mussolini en Italie. Largement inspiré de sa propre famille, le narrateur pourrait être Antonio Pennacchi lui-même. de la rencontre de ses grands-parents à sa naissance ; de la guerre de 14-18 à la seconde guerre mondiale ; l'auteur arrive à entremêler L Histoire avec un "H" majuscule et la petite histoire, celle des paysans italiens de l'époque.
C'est avec beaucoup de franchise que le narrateur explique l'attachement des Peruzzi au Fascio puis au parti fasciste. Chose inavouable de nos jours, il faut savoir qu'après la Première Guerre Mondiale, les soldats italiens sont conspués par leurs compatriotes et par le parti socialiste, initialement contre le conflit. Seuls les adhérents au Fascio et Mussolini les reconnaissent, les remercient et, surtout, promettent à leur famille (souvent des paysans métayers) de devenir propriétaires terriens. Comment auraient-il pu ne pas ovationner cet orateur proche du peuple ? Antonio Pennacchi n'a que faire des conventions et replace les choses dans leur moule initial : il n'était pas condamnable d'être fasciste au début du mouvement, avant la dictature et les horreurs de la guerre.
Mais ce livre est aussi l'histoire de l'assénissement des Marais Pontin, notamment par le Canal Mussolini où vivaient les Peruzzi. Une vie extrêmement difficile au début de leur urbanisation, lorsque moustiques et malaria profiléraient.

Les personnages sont nombreux dans ce roman, mais je n'ai eu aucun problème pour m'y retrouver ; certainement du fait que l'auteur les nomme sans cesse et les fait entrer dans la tête du lecteur grâce à la répétition.
Entre personnages fictifs (les Peruzzi) et ceux ayant une réalité historique, Antonio Pennacchi entremêle les deux avec brio. Un glossaire en fin d'ouvrage permet au lecteur de se documenter sur l'activité et le rôle de certaines personnalités citées dans le livre.
Concernant la famille Peruzzi en particulier, ils sont tous attachants de par leur unité malgré des caractères trempés et très différents.

Le style d'écriture d'Antonio Pennacchi est tout à fait atypique. Très dense, avec de longues descriptions et surtout un nombre trop important de digressions, il faut vraiment une concentration extrême pour ne pas se perdre. le schéma commun est le suivant : une histoire nous est racontée ; celle-ci amène une anecdote qui va ouvrir une grande parenthèse de quinze pages ; puis on revient à l'histoire initiale. Pour un roman de 500 pages, j'ai malheureusement trouvé cela lassant après en avoir lu les trois quarts.
Notons tout de même le langage "paysan", argotique et haché, que j'ai beaucoup apprécié puisqu'il permet de se plonger dans le quotidien des métayers.

En conclusion, je dirais que ce livre est passionnant durant les 300/350 premières pages. Un puits de savoir sur l'histoire de l'Italie du XXe siècle mais aussi une découverte du monde paysan. Avec des descriptions et des digressions moins longues, le roman aurait gardé ce côté saga historique vivante et entraînante. Malheureusement, les 150 dernières pages ont été très dures à lire, le style devenant lassant et ennuyant.
Une lecture mitigée mais dont le fond historique est très intéressant néanmoins. Elle intéressera les amateurs d'histoire italienne et ceux qu'un style descriptif et plein de digressions n'effraie pas.
Commenter  J’apprécie          101
"Quoi qu'il en soit, pour être honnête […], je vais vous raconter la vérité jusqu'au bout, tout au moins telle que je la connais et telle que mes oncles me l'ont relatée : nous avons, nous aussi, magouillé un peu. "

C'est ainsi que commence l'histoire des Peruzzi, à l'heure de leur gloire c'est-à-dire sous Mussolini, des années 1920 aux années 1940. Des années que le narrateur n'a pas connues mais dont il a entendu maintes fois le récit de la bouche même de ses oncles. Canal Mussolini a reçu le plus prestigieux des prix italiens, le prix Strega en 2010, récompensant un auteur atypique, lui-même fils de colons ayant émigrés pour mettre en valeur les Marais pontins, qui avaient une sinistre réputation due aux nombreuses bestioles mortelles qui y traînaient. Venue du Nord, la famille de Pennacchi – tout comme celle des Peruzzi – fait partie de la main d'oeuvre (30 000 personnes !) envoyée pour les assécher (700 km2 de bourbier !), et les faire prospérer. Contre l'avis de Mussolini, on y construisit même des villes comme Latina et Sabaudia.

Pour y parvenir, le Duce décide d'y faire passer un canal : "C'est le Canal Mussolini qui donne naissance à l'agro-pontin". Il faudra 8 ans pour y parvenir. C'est donc autour de cette grande aventure que s'articule l'histoire de la famille Peruzzi, étroitement liée au mouvement fasciste.

Une histoire extraordinaire racontée à la manière d'une épopée, saupoudrée d'un humour qui nous fait oublier que ce sont les heures les plus sombres de l'Italie qui nous sont narrées ici … Et cela fonctionne grâce au pacte passé d'emblée avec le lecteur : "vous devez me croire, sinon mieux vaut laisser tomber. Je n'invente rien. Je peux tout au plus m'embrouiller dans mes souvenirs".

Il faut donc croire ce narrateur plus que partial et le laisser nous guider dans les méandres politiques, économiques et sociaux de l'Italie de l'entre-deux-guerres. Même si on ne connaît rien à cette période, tout semble devenir clair et limpide après ces quelques 500 pages : on ne peut que vivre ce roman dans une complète immersion, auprès de cette tribu (17 frères et soeurs, étroitement liés) forte en gueule et en couleurs, mais attachante malgré tout. Pour les Peruzzi comme pour les autres, Mussolini est celui qui a promis la redistribution des terres, les faisant passer du rouge marxiste au brun fasciste, dans la lutte éternelle des pauvres contre les riches.

Dans un style original – très oral, peuplé de termes paysans, d'interjections au lecteur – Antonio Pennucchi nous livre sa version de l'histoire du fascisme (d'où débats forts en Italie au moment de sa publication), qu'il nous revient de ramener à sa juste mesure et de nous rappeler ses dérives (ce qu'il reconnaît lui-même à plusieurs reprises : «Mettez-vous bien dans le crâne que nous ne parlons pas de gens honnêtes.»)

Un roman passionnant, qui décape à chaque page, déstabilisant le lecteur qui ne sait plus quoi penser. Il fallait certainement un vrai talent de conteur pour faire passer cette pilule et en faire un vrai bon roman historique remarquablement construit (et très bien traduit en français, soit dit en passant, par Nathalie Bauer), à découvrir absolument.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
Commenter  J’apprécie          90
Voici un roman aussi mussolinien que son titre. Lauréat du prix Strega en 2010, écrit par un auteur au parcours atypique d'ouvrier autodidacte qui l'a mené du fascisme à l'extrême-gauche, il présente la saga d'une tribu de paysans et métayers sans terres, les Peruzzi, partisans enthousiastes du Duce dès avant la première guerre mondiale.

Mussolini était alors "socialiste révolutionnaire" et soutenu par ces agriculteurs du Ferrarais qui souhaitaient une plus juste répartition des richesses. Les Peruzzi se révèlent dès le départ d'ardents adeptes du jeune meneur. Puis vient la Grande guerre et Mussolini change de cap, c'est désormais l'opposition entre les "rouges" et les "noirs". Les Peruzzi, le jour où les socialistes brûlent leur meule de paille, parce qu'ils n'embauchent pas, choisissent leur camp : le Fascio, les chemises noires. Dès lors ils suivront les ordres venus d'en haut, par ex. s'il s'agit de mettre au pas les "rouges", en brûlant les Ligues du Travail, d'estourbir définitivement un curé "mal-pensant", ou d'émigrer dans les terres nouvellement bonifiées de l'Agro-Pontin, asséchées à grands frais et avec succès par la volonté du Duce. L'auteur ne tarit pas d'éloges sur cette politique de "la terre aux paysans", sur la jolie ferme toute neuve et fonctionnelle qui les accueille. Bref, il y a un "chef", un "homme providentiel" qui accomplit des miracles et le pays est gouverné... Bien sûr des litiges éclatent avec les habitants locaux, allègrement pourvus d'insultes racistes, et on a le coup de poing facile dans la famille Peruzzi...

Certes le style est vivant et enlevé, mais il manque une intrigue et des personnages, le narrateur se réfugiant derrière un "nous" collectif qui désigne la tribu et annexement certains de ses oncles. Mais surtout on sature devant cet éloge sans nuances du fascisme, considéré comme un âge d'or, et le lecteur, lassé par la thématique a abandonné ce livre de 500 p. vers les deux tiers.
Commenter  J’apprécie          70
Saga familiale contant le destin des Peruzzi, paysans sans terre du Ferrarais. La tribu, dix-sept enfants, va participer au grand chantier fasciste de l'assèchement et de la bonification des Marais Pontins. 

Evènement fondateur :  1926, expulsion des Peruzzi, métayers ruinés  par la dévaluation Quota 90, du domaine du Comte Zorzi-Vila dont le nom sera maudit comme un refrain par toute la famille. 

En prologue : la rencontre du grand-père en 1904 avec Rossoni , à la suite d'une bagarre, l'incarcération de Peruzzi dans la même cellule que Rossoni pendant un mois. Rien ne prédestinait Peruzzi à devenir fasciste. Bouffeur de curé, d'un milieu plutôt socialiste Peruzzi était  à gauche. Rossoni vint un jour à la ferme en compagnie de Mussolini qui fit grande impression sur les Peruzzi. Cette rencontre sera décisive: les Peruzzi seront des fascistes de combat! En première partie, l'histoire de l'Italie se déroule, vécue par ces paysans du nord de l'Italie : luttes syndicales, première guerre mondiale, création des Faisceaux (1919) et agitation prolétarienne Biennio Rosso(1919-1921) . Bien sûr, les Peruzzi participent à la Marche sur Rome (1922).

Ce fut un exode. Trente mille personnes en l'espace de trois ans - dix mille par an  - parties du Nord. de la Vénétie, du Frioul, du Ferrarais. Emmenées à l'aventure, au milieu d'étrangers, parlant une autre langue. Ils nous traitent de "bouffeurs de polenta" ; pis encore de "Cispadans", ce qui, dans leur bouche, signifie "envahisseurs"....

La deuxième partie raconte la Bonification des Marais Pontins, l'installation des colons, sous la direction de L'OEuvre nationale des combattants, institution fasciste qui choisissait des paysans anciens combattants de la Grande Guerre connaissant le travail de la terre et bons fascistes. Elle raconte le creusement du Canal Mussolini, drainant les eaux descendant des monts Lupini et bloquées par la dune en marais sauvages et malsains. Elle raconte encore la construction des villes mussoliniennes. Racontée par le plus jeunes des Peruzzi, on assiste à l'installation, et à la vie quotidienne de la tribu. Aspects techniques, agricoles mais aussi politiques. On voit évoluer la doctrine fasciste vers les fastes impériaux:

Désormais, tout le monde avait une idée fixe - bien sûr je ne discute pas, c'était la faute du Duce et du fascisme qui n'arrêtait pas d'en parler - l'idée fixe de la romanité et des fastes impériaux qui nous revenaient de droit à nous autres Italiens, mais aussi cette notion un peu païenne selon laquelle les hommes n'étaient pas pour ainsi dire, tous égaux.

Et à la suite de ces "fastes impériaux" sont venues les guerres coloniales, en Afrique d'abord, puis la Guerre d'Espagne et enfin, à la suite d'Hitler la seconde guerre mondiale, et l'invasion de l'Albanie et de la Grèce. Bien sûr, les Peruzzi- chemises noires -  participèrent à l'aventure coloniale et furent engagés sur tous les fronts.

En Ethiopie, ils retrouvent les eucalyptus qui ont fourni leur contribution à la bonification des Marais pontins

l'eucalyptus - qui était pour le Fascio le monumentum perenne, le monument éternel de la bonification

Même les arbres sont un symbole politique!

Les guerres tournent à la catastrophe, pour l'Italie comme pour les Peruzzi. Quand les Alliés avancent pour libérer l'Italie en 1943, les Peruzzi combattent du côté des Allemands. Ils croient défendre leurs domaines.

Difficile de résumer en quelques lignes ce roman-fleuve, cette saga, roman historique passionnant. J'ai lu récemment la Storia d'Elsa Morante, et le Christ s'est arrêté à Eboli de Carlo Levi qui témoignent de cette période de l'histoire italienne avec une critique radicale du fascisme qui me semble évidente. Plus éloignée de ma vision de l'histoire : ce récit  de paysans fascistes loin d'être irréprochables : Pericle, le héros des Peruzzi est un assassin et une brute, leur ami Rossoni, un dignitaire fasciste très proche de Mussolini, le Duce est présenté plutôt sympathique. La bonification des Marais pontins est aussi présentée comme une entreprise positive.

Malgré toutes mes réserves, mes craintes, je me suis laissé emporter par ce livre. Pennacchi a recréé un monde riche, pas forcément sympathique. Il a donné la parole à des paysans pour raconter l'histoire  telle qu'ils l'ont vécu.
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          60
C'est un livre très dense . J'ai bien aimé bien que je me suis sentie perdue par moment. J'avoue avoir eu un peu peur en découvrant le sujet et le nombre de pages, car j'avais peur de passer à coté et ce ne fut pas le cas.

C'est une grande fresque historique, sociale et familiale de l'Italie d'entre deux guerres. On entre à l'intérieur d'une famille fasciste ce qui nous plonge en totale immersion dans cet univers. L'auteur ne se pose jamais ni en censeur ni en défenseur de cette idéologie laissant le lecteur se faire son idée. On en apprend plus aussi sur les communistes de l'époque.

On suit donc la famille Peruzzi qui sont des paysans . Les Peruzzi c'est trois générations avec leurs terres, leurs drames, leurs convictions , la guerre et la politique. La famille Peruzzi et ses 17 enfants , ainsi que 30 000 de leurs compatriotes se sont retrouvés dans une région pas très hospitalière, celle des marais Pontins, à creuser les 31 kilomètres du Canal Mussolini.

C'est très plaisant à lire car on apprend aussi sur la vie, le patois et les régions de l'Italie de cette période. C'est très documenté et précis. Les personnages sont attachants à leur manière.

Il y a très peu de dialogues et beaucoup de description. le lecteur est souvent interpellé par le narrateur créant ainsi une complicité. L'écriture est agréable et elle m'a transporté. Ce n'est pas du politiquement correct et ça ajoute au charme de la plume de l'auteur. On est pas obligé d'adhérer à la manière de vivre ni de voir les choses de la même manière qu'eux, mais qu'aurions nous fait à cette époque et à leur place ? Il y a dans ce livre un mélange de mauvaise foi (assumée) et de vérités qui nous invite à réfléchir.

Un glossaire en fin d'ouvrage permet au lecteur de se documenter sur l'activité et le rôle de certaines personnalités de l'époque.

C'est passionnant et j'ai adoré.

VERDICT

Je le conseille à tous les adorateurs de grandes fresques familiales et les passionnés d'histoire. C'est vraiment un très bon roman
Lien : http://lilacgrace.wordpress...
Commenter  J’apprécie          60
Une savoureuse fresque politique et familiale de paysans de Ferrare, sur 40 ans d'Italie fasciste.

Publié en 2010, à soixante ans, le huitième roman d'Antonio Pennacchi, est de son aveu même, "l'oeuvre de toute une vie", préparée par l'ensemble de ses écrits précédents, incluant le remarqué "Mon frère est fils unique" de 2003, superbement porté à l'écran en 2007 par Daniele Lucchetti.

"Canal Mussolini" a été truffé d'éléments autobiographiques savamment agencés et réarrangés par cet auteur atypique, authentique fils d' "émigrés intérieurs" de la Vénétie vers le Latium dans les années 30, tour à tour séminariste pendant 2 ans, inscrit au néo-fasciste MSI pendant 2 mois puis au PCI, comme ouvrier chez Alcatel Italia, pendant 30 ans, avant de reprendre ses études à temps partiel et de commencer une carrière d'écrivain à 44 ans...

"Canal Mussolini", entièrement raconté "à l'oral" par un narrateur qui ne sera identifié qu'à la dernière page, nous plonge dans la saga familiale des Peruzzi, prolifique famille de cultivateurs pauvres, métayers dans la Vénétie de Ferrare, devenus massivement fascistes après la première guerre mondiale, séduits par les promesses de terres du premier programme mussolinien, avant que, totalement ruinés par les effets de la politique monétaire mussolinienne, ils n'acceptent avec joie de participer à l'exode intérieur massif qui conduit 30 000 familles italiennes de Vénétie à coloniser les ex-marais Pontins, au sud de Rome, jadis vaste marécage livré à la malaria, que les grands travaux fascistes (et notamment le percement du canal Mussolini) ont (c'est une vérité historique) rendus parfaitement cultivables...

Une fresque exceptionnelle qui court de 1910 à 1950, embrassant aussi bien des dizaines de drames familiaux que les errements de la "grande politique" mussolinienne, mais aussi les complaisances politiques des uns et des autres, rendus incroyablement savoureux par la forme orale et dialectale de l'ensemble de la narration (la traductrice, à l'instar d'un Serge Quadruppani confronté au verbe de Camilleri, livre d'ailleurs ses réflexions et ses partis-pris dans une excellente postface).

"À partir de ce moment-là, Giolitti n'a plus voulu les voir. Il était fait comme ça - aujourd'hui avec toi, demain avec un autre -, il ne se perdait pas en subtilités en matière d'amis et d'ennemis. Quand il avait besoin d'une voix au Parlement, il l'achetait au premier venu ; exactement comme maintenant, en fin de compte, si bien que tout le monde affirme qu'il a inventé le transformisme. Il a même inventé les repentis, et il a battu la Camorra en enrôlant les camorristes, il a tout inventé, et si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait même inventé le centre gauche. Il y a plus de cent ans. Ce sont les réformistes qui n'ont pas voulu. Alors, il a inventé la Démocratie chrétienne."

"En effet, les bonifications ne sont pas une invention de Mussolini, mais un problème que l'Italie unitaire s'est posé aussitôt après le Risorgimento et l'unification. Les plaines du Centre et du Sud étaient abandonnées depuis des siècles : les gens s'étaient retirés sur les montagnes pour se défendre des Barbares et des Sarazins, puis avaient été chassés par les latifundia et la malaria. Un désert. À la fin du XIXe siècle on promulgue donc - toujours et surtout dans la vallée du Pô - les premières lois et entame les premières grandes interventions de bonification à l'initiative de particuliers qui souhaitaient à juste titre accroître leurs cultures et augmenter leurs gains. Il ne faut pas croire que c'étaient des philanthropes.
Or, dans le centre et le sud de l'Italie - les régions plus pauvres et davantage atteintes par la malaria -, on n'avait jamais touché au moindre brin de paille : il n'existait pas de classe d'entrepreneurs à proprement parler ; les riches propriétaires terriens se contentaient de réunir les fruits de leurs terres et de les manger dans leurs palais en ville. c'est ainsi que les cercles de Nitti et de la Banca Commerciale décident d'introduire le capitalisme : "Si les riches du Sud n'en sont pas capables, nous prendrons leur place, nous autres du Nord." Avec l'argent de l'État, évidemment."

"Quand nous avons envahi la Grèce, Adolph - qui avait répété au Duce sur tous les tons "laisse tomber les Balkans, n'y ouvre pas un nouveau front, concentre-toi sur l'Afrique du Nord, prenons Suez et l'Egypte" - a eu une syncope : "Qu'esse t'es allé fout' en Grèce sans rien m'dire ? T'aurais au moins pu m'avertir, non ?
- Tu m'a peut-êt' averti quand t'es allé envahir la Pologne, la Tchécoslovaquie et maint'nant la Roumanie ?"
(...) "J'pouvais quand même pas leur laisser l'pétrole !" a-t-il lancé au Duce en guise d'explication. L'Italie avait lu la nouvelle dans le journal. le Duce avait piqué une crise : "Ah oui ? Ben, j'vais t'montrer." (...) Et lui - Hitler - s'est sacrément mis en rogne : "Spèce de taré, tu crois qu'y a du pétrole ? Y a foutr'ment rien en Grèce ! Y sont encore plus pauv' que vous, vous n'y êtes allés que pour m'faire enrager, qu'le diable vous emporte !" "
Commenter  J’apprécie          50
"Qu'il soit bon ou mauvais, ce livre est la raison pour laquelle je suis venu au monde."
Avec un tel avertissement de l'auteur, la curiosité ne peut qu'être aiguisée ! Il faut dire que le projet est impressionnant puisqu'il s'agit rien moins que de retracer l'histoire italienne du début du XXe siècle jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Bof, me direz-vous, il suffit d'ouvrir un bon livre d'histoire ! Pourquoi donc écrire un livre sur ce sujet ? C'est que vous n'avez pas lu "Canal Mussolini" ! Là où les livres d'histoire précisent froidement dates et faits historiques, Antonio Pennacchi prend l'humain pour matériau et nous fait vivre la conquête mussolinienne de l'intérieur, nous faisant au passage appréhender comment peut s'installer un dictateur.
La nombreuse famille Peruzzi (les parents, leurs huit filles et neuf garçons, ainsi que les maris, femmes et enfants) sert de fil rouge à ce récit que prend en charge, sous forme d'un monologue bouillonnant, l'un des petits-fils du patriarche. Tout commence en 1904 lorsque le grand-père purge une peine de prison avec Rossoni, à cette époque syndicaliste révolutionnaire. C'est par l'intermédiaire de ce dernier que la famille fait connaissance avec Benito Mussolini. Paysans sans terre, les Peruzzi adhèrent tout naturellement aux idées socialistes de l'un et de l'autre, en particulier à celle qui les concerne de près : distribuer la terre à ceux qui la travaillent. La première guerre mondiale vient rebattre les cartes entre interventionnistes nationalistes, pacifistes, neutralistes. "Je ne sais pas si c'est très clair, mais c'était ainsi qu'il (Mussolini) expliquait les choses et, je le répète, mon grand-père non plus n'y voyait pas très clair" (p.76). Sans y voir beaucoup plus clair, les membres de la famille Peruzzi s'engagent donc aux côtés de Mussolini, revêtent la chemise noire, participent aux fasci et à la marche sur Rome. Spoliés par le comte Zorzi Vila en 1932, ils partent vers les marais Pontins où une terre leur est attribuée comme à plusieurs milliers d'autres paysans, chargés de mettre en valeur cette contrée inhospitalière pour en faire une région agricole moderne et productive autour du canal Mussolini.
Digressions, allers-retours temporels, enchevêtrements d'évènements dramatiques et historiques, évocation de la misère et de la faim... la narration utilise toutes les richesses de la langue orale et puise dans les parlers populaires avec truculence et énergie pour transmettre un point de vue subjectif, personnel, sur la période du fascisme en Italie. La mémoire familiale s'entrelace aux évènements historiques, ce qui donne au récit les couleurs d'une fresque épique et picaresque. La verve du narrateur s'empare des situations et des dialogues pour leur donner un ton comique et farfelu qui démythifie faits et personnages historiques.
"Quand nous avons envahi la Grèce, Adolph [...] a eu une syncope : "Qu'esse t'es allé fout' en Grèce sans rien m'dire ? T'aurais au moins pu m'avertir, non ?
-- Tu m'as peut-êt' averti quand t'es allé envahir la Pologne, la Tchécoslovaquie et maint'nant la Roumanie ?" (p.454)
Non seulement j'ai beaucoup ri, mais j'ai aussi beaucoup appris grâce à cette famille tentaculaire, cabocharde et impétueuse, qui traverse le temps, les guerres, le fascisme, en choisissant son camp sans jamais véritablement en comprendre les fondements idéologiques, à l'image de nombre de gens à cette époque. Certes, l'idée de responsabilité est évacuée dans le rire et l'ironie, mais il me semble que c'est une vision complémentaire de ce que nous apprennent les livres d'histoire. Une vision qui montre "le drame de la condition humaine : on est presque toujours condamné à vivre dans le tort en estimant avoir raison" (p.365).

Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (215) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3177 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}