Citations sur La Comtesse sanglante (10)
La nécessité de faire disparaître les cadavres était un cauchemar pour Kataline, Jo Ilona et la mystérieuse vieille qui ne parlait pas, ne demandait rien et enterrait. (...) Mais un jour, une mère survint au château inopinément pour voir sa fille.
p.160
Dorko, saisissant un fer aigu ou un tisonnier rougi au feu, commençait à piquer la prisonnière, semblable à un grand oiseau blanc et beige, qui, dans ses mouvements de recul, venait se heurter violemment contre les pointes de la cage.
p. 125
Après la mort du comte, la Dame leur brûlait les joues, les seins ou d’autres parties du corps, au hasard, avec un tisonnier. La chose la plus horrible qu’elle faisait c’était parfois, de leur ouvrir la bouche de force avec ses doigts et de tirer jusqu’à ce que les coins se fendissent. p.108
Cette femme pâle, raffinée et dépravée ne pouvait plus être une bête. Allant aux ultimes limites, elle s'était égarée loin au-delà du niveau ordinaire des humains, mais non au-dessous. Seul n'avait plus compté pour elle que le sang des autres que, dans une transe à elle-même étrangère, elle regardait couler. Elle en était restée au stade des sorcières. Elle vivait dans un monde fait de nerfs, de foies arrachés aux petits animaux, de racines de belladone et de mandragore. Elle vivait dans le lacis des tiges, des baies livides et des minces viscères entassés sur sa table, maniés par Darvulia, la sorcière de la forêt. Mais de l'autre côté du fleuve, là où elle faisait si souvent aborder les autres, elle n'était jamais, sciemment, passée. Un mince voile l'en séparait ; et sa si grande cruauté ne put contraindre le voile, de haut en bas, à se déchirer. À chaque fois l'étrange jouissance retombait sur elle-même ; et la force perdue, et la lassitude, ne lui laissaient plus que l'obscure certitude qu'il lui faudrait recommencer.
La mélancolie fut le mal, l’air même du XVIe siècle. Erzsébet la respirait mélangée au reste de barbarie carolingienne de la Hongrie d’alors, à la cruauté des Turcs, à la brutalité féodale.
Ailleurs folie, luxure, mort et sang abondaient. Les reines et les favoris étaient partout décapités, assassinés. Le théâtre était rempli de meurtres, et les livres, de luxure ; on goûtait violemment la vie, l’acceptant dans sa totalité, dans sa contradiction ; de là tant de magie tout orientée vers l’amour, qui savoure et perpétue, et vers le meurtre qui transfère au vivant, invisiblement, les forces du mort ; à moins que l’épouvante n’en suscite que le fantôme. Ce ne fut pas le cas pour Erzsébet. Cette longue brume, qu’une suite d’ancêtres germaniques avait laissé traîner en elle, l’empêcha de répondre autrement qu’en une sorte de transe à l’appel de la vie et de la mort, de la douleur et du sang qu’elle entendait en elle. Sa cruauté était l’aboutissement d’une race fondée par des guerriers, constamment reprise par des épouses d’autres lignées guerrières : les générations de ces temps de Mars.
Les Hongrois étaient sauvages et enclins à la tristesse, comme leur musique. Le plus ancien texte hongrois, L’Oraison funèbre, est un texte tragique. La mort est toujours présente dans les poèmes hongrois, où le printemps et la pivoine ne durent que juste assez pour voir la fin de la jeune fille et de son amant.
Elle n’était cependant pas une rêveuse. C’est toujours sous une carapace de soucis pratiques qu’un tel moi se dérobe ; c’est derrière le fourré des futilités, des vanités et des querelles domestiques, des complications familiales que s’étale, au plus profond, le grand lac cruel.
Les femmes en général prenaient en se mariant la religion de leur époux.
Le hibou était oiseau sacré. Pour conjurer les dangers de toutes sortes, aussi bien que pour racheter les fautes commises, chaque château avait sa sorcière attitrée. Telles petites divinités du feu ou de l’eau se montraient tour à tour favorables ou hostiles.
Elle riait d’un rire effrayant, et ses dernières paroles avant de sombrer dans la concluante pâmoison étaient toujours : « Encore, encore plus, encore plus fort ! »