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3,48

sur 133 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lecteurs, êtes-vous prêts pour le grand marathon ? Alors, on inspire…on expire…et on y va !
Car s'il est toujours difficile d'avoir "l'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation", avec Georges Perec, la situation se corse d'autant plus qu'il n'y pas de ponctuation…
Sans virgule, ni point-virgule, ni point de suspension, encore moins d'exclamation, et donc sans point du tout, son récit, qui a tout d'une démonstration, est une seule et grande phrase s'alignant gentiment sur près de 80 pages.
Mais ah quelle phrase !
Une phrase qui recense toutes les possibilités qui pourraient advenir si d'aventure vous souhaitiez demander une augmentation à votre chef de service.
Est-il dans son bureau ? Ou non ? Et que faut-il faire s'il ne s'y trouve pas ? Attendre dans le couloir ? Aller voir Mlle Yolande ? «Faire le tour des différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui vous emploie »?...
Une multitude d'éventualités, options, choix et autres alternatives que le génial Perec, avec un esprit tout mathématique doublé d'une imparable logique et d'une délicieuse fantaisie, inventorie point par point, évaluant à l'infini les divers obstacles rencontrés (et Dieu sait s'il y en a !) pour aviser ce fameux chef de service.
Répétitions, reprises, recommencements sempiternels - toutefois jamais à l'identique - offrent une lecture jubilatoire, rythmée, énergique, entraînante, vivifiante, revigorante…bref réjouissante.

Adepte des jeux littéraires, des contraintes grammaticales et des exercices de style aussi ardus que farfelus, l'auteur de la « Disparition » - véritable tour de force dans lequel la voyelle « e » n'apparait jamais - nous entraîne dans une folle équipée, une course effrénée qui nous laisse, au terme de la démonstration, certes un peu essoufflés mais avec le visage fendu jusqu'aux oreilles d'un grand sourire de reconnaissance.
Livre ludique s'il en est, « L'art et la manière… » n'en dépeint pas moins avec une ironie fine les petites aberrations d'une entreprise au fonctionnement souvent surréaliste.

Deux fois primé, en 1965 avec son premier roman « Les choses », puis en 1978 pour son chef-d'oeuvre « La vie mode d'emploi », membre de l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) au côté de Raymond Queneau et d'Italo Calvino, Georges Perec (1936-1982) réalise encore une fois une remarquable épreuve littéraire, un travail synthétique, analytique, aussi olympien qu'« oulipien ».
Ecrit en 1968, ce petit ouvrage a conservé une modernité, une fraîcheur et un allant qui, pour « simplifier car il faut toujours simplifier », est un régal d'humour et d'esprit.
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Ah ! Georges Perec ! Comment tirer d'une contrainte littéraire que l'on s'impose à soi-même la ressource pour réaliser de pures oeuvres d'art. le but fixé ici parait tellement rébarbatif : retranscrire par un texte écrit le plus exhaustif possible les informations contenues dans un organigramme de décision, nouvelle forme de document d'entreprise apparu à son époque. Et tant qu'à faire sans ponctuation, pour tenter d'être le plus rébarbatif possible.

Et pourtant, de toute cette platitude souhaitée, de toutes ces répétitions entêtantes, Perec ne peut s'empêcher de faire naître le génie et d'offrir au lecteur une des meilleures peintures qui soit de la vie habituelle d'une organisation de travail pyramidale. C'est drôle, c'est juste, c'est intelligent, c'est original, c'est novateur... Que demander de plus ? Une augmentation, sans doute...
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Un petit ouvrage très drôle, absurde et d'une logique implacable. Conforme au principe de l'Oulipo : l'écriture sous contrainte, Georges Perec se donne comme objectif littéraire de décrire un organigramme décisionnel en nous narrant les différentes situation de choix que peut rencontrer un employé cherchant à rencontrer son chef de service afin de demander une augmentation de salaire. le plus incroyable c'est qu'à partir de cette simple base de départ, Georges Perec nous offre un texte qui captive, fait rire, et renvoi à des questionnement sur l'entreprise et les relations humaines. A chaque boucle effectuée dans l'organigramme décisionnel, Georges Perec modifie de manière subtil un mot, un adjectif. le texte prend petit à petit de l'ampleur, de la densité et nous entraîne dans un délire kafkaïen et absurde mais pas très éloigné d'une certaine réalité de la vie dans l'entreprise. A la fin de l'ouvrage l'organigramme décisionnel est présenté, cela permet de découvrir l'ingéniosité de Perec pour réussir à atteindre son objectif, le dépasser en nous donnant un point de vue sur les rapports humains tout en nous captivant et nous faire rire. Un vrai texte littéraire écrit sans ponctuation ce qui amplifie le sentiment de dérouler sans fin l'arbre de décision qui ne fait que tourner sur lui-même. Un texte génial à découvrir.
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C'est une malédiction dans le bon sens : quoi qu'il fasse, Perec touche en plein dans le mille. Aussi à l'aise dans le roman fleuve que dans l'introspection, dans la pochade que dans l'analyse sociologique, un pied dans le conceptuel et un pied dans l'émotion, il est comme ces jongleurs insouciants qui rajoutent toujours et toujours des balles à la ronde qui tourbillonne au dessus de sa tête, en riant.

"l'art et la manière d'aborder son chef de service…" est une retranscription en 90 pages d'un organigramme complexe qui tient pourtant, lui, en une page. Une retranscription foutraque, obsessionnelle, hilarante, inquiétante, de toutes les possibilités qui pourraient advenir le jour où l'on se décidera à prendre son courage à deux mains pour aller voir son chef de service afin de lui demander une augmentation. Tentative de tout dire en même temps, ce que justement ne saurait faire la littérature. Tentative épuisante d'épuisement du réel, en une seule et longue phrase sans ponctuation, sans fin, sans bords.

Comme tous les grands, Perec est resté un enfant, et a compris que le jeu est encore le meilleur moyen pour circonvenir les choses. Être sérieux sans se prendre au sérieux. Et parler de sujets graves (l'entreprise, la hiérarchie, la lâcheté, l'ennui, le temps perdu) avec une plume aiguë. "L'art et la manière", oui tout est dans le titre : pas d'art sans manière, et celle de Perec est éblouissante : tout en nuances, reprises, citations camouflées, impertinence, fulgurance du trait. Il étale devant nos yeux émerveillés une nappe bariolée, étourdissante, en nous susurrant mezzo voce que nous aussi nous vivons dans un jardin aux sentiers qui bifurquent ! Peu importe de nous y perdre, tant qu'on saura respirer à plein nez les fleurs bleues qui y poussent.
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En une longue phrase qui se mord la queue, revient sur elle même, retrouve sans cesse le bureau de mlle Yolande, les arêtes de poisson et les oeufs pourris de la cantine, Georges Perec tente d'expliquer la stratégie qui permet à coup sûr d'obtenir une augmentation. Attention : il faut faire gaffe au moindre détail, être prêt à sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier et à errer longtemps dans les différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui vous emploie si vous voulez avoir une chance ne serait-ce que d'aborder votre chef de service. Tout, dans la série logico-loufoque que met en place Perec, tourne autour du pot, tout se focalise sans le dire sur quelques dérisoires sous en plus à la fin du mois, démontrant par l'absurde à quel point le monde du travail divague, à quel point il se base sur des valeurs idiotes, à quel point il rend les gens abrutis. Pas besoin ici d'indignation, de dénonciation ou de revendication, il suffit juste de pousser le raisonnement jusqu'au bout. Et alors, finalement, cette augmentation? "Nous vous recontacterons", lâche enfin le chef de service.
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J'avais déjà vu l'organigramme qui en est la source, j'avais déjà lu des extraits, mais maintenant j'ai pu faire l'expérience complète de ce cheminement exhaustif à la manière de Perec dans une approche combinatoire et ludique de la littérature potentielle.

À la manière de Tentatives d'épuisement d'un lieu parisien, Perec empruntera toutes les branches de son organigramme avec toutes les subtiles différences que cela suppose.

Cette lecture survient au moment même où ma situation au travail vient de changer... Est-ce que j'oserai aborder mon chef de service pour lui demander une augmentation?
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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🗄 « si mlle yolande n'est pas dans son bureau vous ferez le tour des différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui vous emploie disons plutôt qui vous exploite puis vous retournerez tenter votre chance un peu plus tard il se peut même que mr x ne soit pas dans son bureau qu'à cela ne tienne attendez le dans le couloir puis s'il tarde à revenir allez faire un brin de causette comme diraient victor hugo et roland bacri avec mlle yolande à condition non seulement que mlle yolande soit dans son bureau mais aussi quelle soit de jon e humeur »
(P.24)

🗄Si l'on en croit Perec, pour demander une augmentation à son patron il faut prendre en considération un nombre incalculable de variables que dis-je d'imprévus et autres étranges circonstances il ne suffit pas de se lever de son bureau et se diriger vers celui de son patron qui serait d'ailleurs certainement fermé alors ne restez pas là et toquez si tant est que le bureau est bien vide et que votre patron n'est pas occupé ni au téléphone ni sur un dossier ni même en train de parler avec un autre employé non alors frappez et entrez mais alors espérons qu'il soit de bonne humeur et que vous méritiez ce que vous allez demander d'ailleurs y avez-vous seulement pensé voilà que vous ouvrez la porte car votre patron vous a dit d'entrer mais déjà vous n'êtes plus sûr de la légitimité de votre demande votre corps entre dans le bureau auparavant fermé mais vous regrettez ces pas mais il est trop tard vous avez interrompu votre patron alors maintenant trouvez une bonne excuse d'avoir perdu son temps si précieux…

🗄 Mes conseils pour ce livre formé d'une seule et unique phrase : prenez une très forte inspiration. Aussi n'ayez peur du premier jour de carême, ne craignez pas les oeufs ni le poisson ni même les familles nombreuses ni même les machines à colle. Si vous pensez trop ou si vous êtes angoissés, n'ouvrez pas ce livre. Et si vous voulez une augmentation, ne le lisez pas non plus :) !

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Un indispensable pour avoir l'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, et aussi gagner 14 mots sur sa critique. Comme d'habitude avec George Perec le livre et plein d'humour et de sagesse, il y a toujours un fond de vérité et d'innocence dans le traitement de ses sujets, ici le monde de l'entreprise n'y échappe pas.
Je n'ai pas pu mettre en pratique tous les conseils car déjà je n'ai pas de travail actuellement, ce qui limite mes chances d'obtenir une augmentation, mais nous sommes également en confinement, ce qui limite mes chances de trouver un travail. Bref, je le garde sous le coude pour bientôt j'espère.
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Comment mettre le maximum de chances de son côté en demandant à votre Chef de Service un réajustement de votre salaire. Sur ce prétexte Georges Perec propose une pièce décapante où comique et absurde font bon ménage.

Un récit aussi réjouissant que critique, aussi ludique qu'ironique.

Pièce vue au Festival d'Avignon. Mise en scène : Bruno Dairou. Interprètes : Antoine Laudet & Antoine Robinet. Que du bonheur... Qu'on se le dise !!
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L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation est né après que Georges Pérec ait eu l'idée de construire un texte à partir d'un organigramme. Il a été écrit en 1968, à une époque où l'OULIPO était vraiment actif. Raymond Queneau venait d'écrire Un conte à votre façon, un peu sur le même principe, et Georges Pérec était lui aussi dans sa période faste : La disparition, le fameux roman sans « e » qui a contribué à le rendre célèbre, verra le jour l'année suivante.



Un homme souhaite se faire augmenter et doit aller aborder son chef de service, Mr x. A chaque fois qu'une alternative s'offre à lui, Georges Pérec étudie chacune des possibilités, lesquelles en entraînent d'autres, et ainsi de suite.

Le lecteur est rapidement amené à se mettre à la place du salarié car l'auteur s'adresse à lui en même temps qu'il s'adresse à nous, du fait de l'utilisation de la deuxième personne du pluriel, chose assez rare pour qu'elle mérite d'être signalée.

Les premières pages ne sont pas forcément faciles à lire car l'auteur a fait le choix d'abolir toute ponctuation. Autrement dit, le roman comporte une phrase unique courant sur une petite centaine de pages. le cerveau humain est ainsi fait qu'on s'habitue facilement à la chose et qu'on n'y prête même plus attention au bout d'un moment.



Les premières alternatives auxquelles est confronté l'employé sont très sensées (je mets de la ponctuation pour ne pas vous décourager de trop).
Mr x, le chef de service, peut être dans son bureau ou ne pas y être.

S'il n'y est pas l'employé peut retourner travailler ou passer le temps en allant discuter avec Mlle Yolande.

Enfin, si elle est dans son bureau, car si elle n'y est pas non plus il pourra alors retourner travailler ou« faire le tour des différents services dont l'ensemble constitue tout où partie de l'organisation qui (l') emploie ».

« nous supposerons pour simplifier car il faut toujours simplifier que mr x est dans son bureau qu'il lève la tête quand vous frappez et qu'il vous fait signe d'entrer mais il ne vous offre toujours pas de siège vous lui demandez donc si une de ses filles à la rougeole il vous répond non si deux de ses filles ont la rougeole il vous répond non en un certain sens c'est une bonne réponse mais elle peut aussi dissimuler une vérité pire à savoir que trois de ses filles ont la rougeole posez franchement la question si votre chef de service répond qu'oui trois de ses filles ont la rougeole sortez précipitamment il n'est même pas nécessaire de trouver un prétexte quelconque alertez le service de deuxième urgence et le service de première urgence faites enfermer votre chef de service et d'ailleurs tout le service et même les services voisins pendant quarante jours ouvrables et isolez-vous de votre côté en 1966 sur 18 931 cas de rougeole déclarés 109 s'avérèrent mortels ce qui vous laisse quand même pas mal de chances à peu près 99,5% »

Peu à peu, les alternatives deviennent plus improbables, jusqu'à devenir vraiment farfelues.
A partir de ce moment, on a souvent le sourire aux lèvres. Les scènes deviennent absurdes et Georges Pérec commence à se lâcher au niveau des jeux de mots.



Lire L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation est une expérience très étonnante. Pour autant c'est loin d'être inintéressant et même très plaisant. Je ne regrette pas de l'avoir fait et ça m'a donné envie de me remettre à lire du Pérec et/ou d'autres textes de l'OULIPO.
Lien : http://hanniballelecteur.ove..
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