Je rencontrai Branko pour la première fois à Paris un soir de novembre. C’était au Dôme, je crois, ou au Select, enfin dans l’un de ces cafés de Montparnasse que les étrangers, je ne sais pourquoi, aiment tant. J’étais là en compagnie de quelques Yougoslaves que je connaissais plus ou moins, et nous buvions du vin rouge en parlant de n’importe quoi, histoire d’attendre qu’il soit l’heure d’aller dormir. Je ne sais d’ailleurs plus très exactement à quelle occasion j’étais là, mais si je commence à me perdre dans de telles considérations je ferais mieux de partir tout de suite de ma tendre enfance (c’est parfaitement ridicule). Bref, j’écoutais un médecin qui venait faire un stage de perfectionnement en France me parler de la lutte contre la tuberculose en Macédoine. Au bout d’une demi- heure, mon médecin partit. Je me tournai alors vers le reste du groupe, cherchant une conversation intéressante à laquelle je puisse me mêler. Mais, à part une discussion orageuse en serbe, il n’y avait qu’une fille décrivant les beautés touristiques du Calvados à un ingénieur qui n’y comprenait pas grand- chose, bref, rien qui soit susceptible de me passionner. C’est alors que je remarquai, un peu à l’écart, un homme qui, je crois bien, m’avait été présenté quelques minutes auparavant, lorsque j’étais en train d’écouter le médecin ; j’avais vaguement levé la tête et fait bonsoir d’un air distrait. Il semblait s’ennuyer. Je me levai et vins m’asseoir à sa table. Pendant tout le reste de la soirée, nous restâmes ensemble. Il était professeur et venait en France pour un an préparer une thèse. Nous parlâmes d’énormément de choses, d’une manière assez nonchalante au début, puis avec de plus en plus de chaleur au fur et à mesure que nous nous découvrions des vues communes. Cette conversation, que j’avais entreprise par pure politesse, ne tarda pas, à ma grande surprise, à devenir passionnante, au point que nous nous isolâmes à peu près complètement des autres pour la poursuivre plus tranquillement. Vers une heure toutefois, je jugeai qu’il était temps pour moi de rentrer. Je pris son adresse et lui promis de lui rendre bientôt visite.
+ Lire la suite