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Critique de frandj


Je viens de relire le roman intitulé « Les choses » et, dès les premières pages, j'ai senti la "patte" de Georges Pérec, écrivain inclassable et particulièrement original.
C'est l'histoire de deux jeunes gens, Sylvie et Jérôme. En fait, non: ce n'est pas vraiment une histoire, et le livre ne correspond pas au prototype du roman. C'est plutôt une description très minutieuse de la vie quotidienne que menaient ces deux Parisiens dans les années '60, et de tout ce qui les préoccupait: leurs projets, leurs aspirations, leurs amis, leurs sorties au restaurant ou au bar, leurs achats, etc… et accessoirement leur métier (ils sont tous deux psychosociologues). L'argent et les soucis d'argent étaient souvent leur souci principal: « Quand ils étaient un peu riches, quand ils avaient un peu d'avance, leur bonheur était indestructible (…) Mais aux premiers signes de déficit, il n'était pas rare qu'ils se dressent l'un contre l'autre ». Vivant au jour le jour, ils étaient hédonistes, velléitaires et matérialistes. Mais leur état d'esprit se dégradait. Comme le note G. Pérec: « Ils étaient las. Ils avaient vieilli, oui. Ils avaient l'impression, certains jours, qu'ils n'avaient pas encore commencé à vivre ». Cette insatisfaction floue s'incrustait dans leur quotidien; les liens avec leurs amis se distendaient; l'ennui s'installait; ils s'étaient enfermés dans une impasse. L'auteur imagine alors une sorte de "fuite" hors de Paris, Sylvie enseignant à des jeunes Tunisiens et son conjoint étant contraint à l'oisiveté. Mais ce séjour ne fut qu'une parenthèse, avant le retour en France et l'entrée définitive dans une vie aisée et résolument conventionnelle. Ces jeunes gens, que l'on désignerait peut-être désormais sous la dénomination de "bobos", représentent une génération qui a cru inventer un nouveau mode de vie, mais qui a fini par être absorbée par la société de consommation et a été rattrapée par le conformisme ambiant.
Il faut particulièrement remarquer l'écriture de l'auteur: il évite absolument de faire la narration d'épisodes particuliers dans la vie des protagonistes; la conjugaison presque systématique des verbes à l'imparfait a pour effet d'abolir volontairement l'événementiel. G. Pérec nous propose plutôt une description générale d'un mode de vie et d'une certaine mentalité, sans empathie particulière pour les deux "héros". le style est particulier, aussi: il favorise une prise de distance du lecteur par rapport aux personnages. Dans l'ensemble le livre est assez austère, ses références peuvent paraitre datées et cette oeuvre risque de déstabiliser les lecteurs de romans ordinaires. Il mérite pourtant d'être lu, comme un objet littéraire vraiment à part.
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