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EAN : 9782020587259
175 pages
Seuil (06/05/2003)
4.01/5   148 notes
Résumé :
Que me demande-t-on, au juste ? Si je pense avant de classer ? Si je classe avant de penser ? Comment je classe ce que je pense ? Comment je pense quand je veux classer ? (…) Tellement tentant de vouloir distribuer le monde entier selon un code unique ; une loi universelle régirait l'ensemble des phénomènes : deux hémisphères, cinq continents, masculin et féminin, animal et végétal, singulier pluriel, droite gauche (...) Malheureusement ça ne marche pas, ça n'a même... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Publié en 1985, penser/classer est un recueil posthume d'écrits de G. Perec, parus auparavant dans diverses revues.

361 c'est, d'après l'auteur (p. 31), le nombre de livres suffisant, correspondant peu ou prou à la bibliothèque idéale, "Notes brèves sur l'art et la manière de ranger ses livres" (L'humidité, n°25, printemps 1978). Un membre de Babelio qui se respecte se doit d'y réfléchir, car il est confronté tous les jours à la question lancinante de l'augmentation de sa bibliothèque, celle de son rangement, puis celle de sa conservation ou de son éventuelle liquidation...

M'appliquant à moi-même ce principe, il me faudrait dans les heures, les semaines ou les mois qui viennent, ou peut-être plus radicalement dans les minutes qui vont suivre la parution de cette chronique en soustraire pas mal au nombre de ceux qui sont affichés sur mon compte. L'accroissement du nombre de livres, l'ordre et l'espace qu'ils requièrent sont trois casse-têtes, mais une seule et vraie question existentielle taraude le bibliothécaire Perec : celle du "définitivement provisoire" ou du "provisoirement définitif" qui accompagne le rangement et le classement. Il faut lire donc Perec absolument.

Dans "penser/classer" autre texte de 1982 ("Le Genre Humain, n°2) qui a donné son nom au recueil, mais qu'on découvre à la fin du livre, ces mêmes thèmes sont repris, déclinés sous l'angle des limites qui s'imposent à la raison, à la pensée, dès qu'il s'agit de classer. Utopie déprimante d'une connaissance organisée du monde introduisant au vertige taxonomique des classifications et des énumérations, dont raffole notre auteur.

"Douze regards obliques" ("Traverses, n°3, 1976) est un petit essai bien "senti" sur la mode et ses manies fin des sixties ou début des années quatre-vingts (fin d'une époque ou début d'une autre au choix, selon le point de vue qu'on adopte). Énumération des éléments phares du prêt à porter et de fringues où l'évocation des prix en francs colore la lecture d'un lyrisme rétrospectif tout particulier. Happy few-isme, caprices et paradoxes des modes, dictatures des marques et des must pointent la versatilité et la dérision des signes. Un exercice mi-sociologique/mi-philosophique où le jeu le dispute à l'ironie et dans lequel notre auteur excelle.

Le premier des textes, "Notes sur ce que je cherche" (Le Figaro, 6 décembre 1978), fait figure de préambule à la lecture de l'ensemble ; l'écrivain y définit son rapport à l'écriture et l'orientation générale de son travail en usant de la métaphore agricole avec humour : tel un paysan désirant cultiver betteraves, luzerne ou maïs, Perec traçe ses sillons dans quatre directions : la sociologie du quotidien, l'autobiographie, la recherche ludique mais exigeante OuLiPienne et le romanesque.

Passé ce premier texte, les "quelques emplois du verbe habiter" (Construire pour habiter, Paris, L'Equerre-Plan Construction, 1981) conduisent de la rue Linné, à des considérations plus planétaires, puis, on est soudain propulsé sur la table de travail de l'écrivain ("Notes concernant les objets qui se trouvent sur ma table de travail", Les Nouvelles Littéraires, n°2521, 26 février 1976), au milieu de ses objets les plus usuels et les plus personnels, les plus insolites aussi. L'aménagement de son territoire génère une première réflexion, ironique et distanciée, sur ses manies de rangement et de classement ; encombrement et désencombrement spatial ; inventaire des choses immédiatement ou non immédiatement utiles, choisies et préférées. Poésie d'un ordre né du désordre, collision du hasard et de la négligence.

Une remarque très judicieuse sur la lecture vient nous rappeller, dans "Lire : esquisse socio-physiologique" (Esprit, n°453, janvier 1976), qu'on nous apprend à lire à haute voix pendant nos années d'apprentissage, puis à nous taire aussi brusquement dès que les automatismes sont acquis pour passer à la lecture silencieuse...

Il est là tout entier Perec, citant Borges ou Calvino, se référant à Jules Verne, ou puisant dans sa propre expérience, explorateur des mondes transversaux, engloutis ("Je me souviens de Malet & Isaac", 1979) des lisières, des formes ou des sujets délaissés, déclassés, ignorés, incongrus, ("Considérations sur les lunettes", 1980). Loin de tous les tropismes habituels, "alliant le plus grand sérieux et le plus haut comique" (je tiens la formule de J.F. Revel, parlant de Proust, elle va bien à Pérec je trouve), saisissant toutes les ruses pour s'emparer du lieu de son histoire - écrire permet peut-être de dépasser ses obsessions - ("Les lieux d'une ruse", Cause commune, n°1, 1977). Un rapport à la connaissance décomplexé, totalement décloisonnant, s'amusant des étiquettes, revisitant les dictionnaires et les encyclopédies, librement.

"Trois chambres retrouvées" (Les Nouvelles Littéraires, n°2612, 24 novembre 1977), sont trois courts et fulgurants tableaux autobiographiques : préparation d'un bac raté en juin et lectures policières concomittantes dans la petite chambre de Blévy ; puis, début des années cinquante : peines de coeur d'Athos en fin d'été, près de Beauvais ; enfin : sinusite chronique et chambre en pension, à Enghien les Bains, crucifix et branche de buis de travers pendu au-dessus du lit. trop fort.

Quant aux "81 fiches cuisine à l'usage des débutants" (Manger, Christian Besson et Catherine Weinzaepflen éd., Yellow Now et Maison de la Culture, 1980) j'y vois une ode au lapin, à la sole et au ris de veau, façon Ginette Mathiot ; composées comme quatre-vingt et une courtes strophes où infinitifs, adverbes et locutions culinaires se chevauchent ou se télescopent en alternance : Escaloper, lever à cru, tartiner, citronner, dégorger, déglacer, saupoudrer, généreusement, largement, finement, légèrement. Ludique scansion de mots et de formules (magiques) à la manière des litanies anciennes. On ne lit plus on chante. JUBILATOIRE lecture.
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Paru quelques années après la mort de Perec, Penser /Classer regroupe des textes publiés dans des revues et des journaux, entre 1976 et 1982, dont le dernier publié de son vivant a donné son titre à ce recueil , sur le thème des rapports entre l'acte de penser et l'acte de classer, et qui obéit donc lui-même à un principe classificateur. " Regrouper, note d'ailleurs Perec dans le texte éponyme (p.154), évoque l'idée d'éléments distincts à rassembler dans un ensemble ".

Dans le Monde des livres du 8 mai, Jean Birnbaum salue la réédition du livre dans la collection Points, en un court article, mais d'une émouvante justesse. Pour Birnbaum , le caractère ludique de la démarche de Perec ne doit pas nous faire ignorer toute la gravité douloureuse qu'il masque et révèle à la fois, comme c'est le cas dans d'autres livres comme W ou le souvenir d'enfance, la Disparition ou les Revenentes. Perec, écrit Birnbaum, " subvertissait ainsi la classification meurtrière pour la retourner en acte de vie , opposant tout ce que l'humanité a d'inclassable à tout ce qu'elle recèle d'innommable ". Penser / Classer contient à cet égard des remarques significatives, telles celles-ci :

" Tellement tentant de vouloir distribuer le monde selon un code unique ; une loi universelle régirait l'ensemble des phénomènes : deux hémisphères, cinq continents, masculin et féminin, animal et végétal, singulier pluriel, droite gauche, quatre saisons, cinq sens, six voyelles, sept jours, douze mois, vingt-six lettres.

Malheureusement ça ne marche pas, ça n'a même jamais commencé à marcher, ça ne marchera jamais. "

Et encore :

" Toutes les utopies sont déprimantes, parce qu'elles ne laissent pas de place au hasard, à la différence, au "divers". Tout a été mis en ordre et l'ordre règne.
Derrière toute utopie, il y a toujours un grand dessein taxinomique : une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. "

Il est bien probable que cette "frénésie de rangement" à laquelle Perec lui-même succombe dans toute son oeuvre, mais pour la subvertir et la rendre inoffensive par l'humour, soit inscrite au coeur de notre raison raisonnante, et que toute entreprise scientifique soit inconcevable sans elle. Considérations sur les lunettes suggère qu'un classement objectif suppose que celui qui classe n'appartienne pas à la catégorie visée par l'entreprise classificatrice. Perec, qui ne porte pas de lunettes, peut donc en parler "avec un sentiment réconfortant de bienveillante neutralité ", " voir la chose d'un oeil placide, sans passion ni parti-pris, aussi disposé à me pencher sur le cas des hypermétropes qu'à examiner le problème des myopes, avec un détachement lucide qui n'exclut ni la sympathie ni la conscience professionnelle. "

Sans doute le goût et l'art du rangement sont-ils indispensables aussi à l'écrivain et à l'artiste. Trois chambres retrouvées, 81 fiches-cuisine à l'usage des débutants ou de la difficulté qu'il y a à imaginer une Cité Idéale sont des textes construits sur le principe musical du thème-et-variations, dont Perec fera un usage magistral dans la Vie mode d'emploi.

A lire Notes concernant les objets qui sont sur ma table de travail ou L'art et la manière de ranger ses livres, on peut constater que la manie du rangement a considérablement préoccupé Perec au cours de sa vie. Tout bibliomane, lisomane plus ou mois graphomane devrait se reconnaître dans ces textes et adhérer à la conclusion du second : " il n'est pas mauvais que nos bibliothèques servent aussi de temps en temps de pense-bête, de repose-chat et de fourre-tout ".

Ces textes nous renseignent donc sur Perec lui-même, la cure de psychanalyse qu'il a suivie entre 1971 et 1975, ses façons de travailler, ses modes d'écriture, ses amitiés et préférences littéraires (les copains de l'Oulipo, Queneau, Tardieu), mais aussi portent sur le monde un regard éclairant. Ainsi, les classements vulgaires de la mode sont ils jugés sans indulgence par l'auteur des Choses . Certains classements anciens sont révélateurs des oeillères de leurs concepteurs et de la société dont ils reflètent les préjugés. Toute époque se dévoile dans ses classements, par exemple la France de la belle Epoque dans le catalogue de l'Exposition Universelle de 1900, où les objets sont répartis en 18 groupes et 121 classes, l'avant-dernier étant consacré à la "Colonisation", groupe nouveau à propos duquel le commissaire général de l'exposition, M Picard, écrit benoîtement que sa "création est amplement justifiée par le besoin d'expansion coloniale qu'éprouvent les peuples civilisés " ! On ne s'étonnera pas si " la dernière place est occupée tout simplement par les armées de terre et de mer ". J'adore ce " tout simplement ", saluant ironiquement ce couronnement martial.

L'examen de la table des matières du Malet-Isaac, manuel d'histoire en usage dans le lycée de mon adolescence n'est pas moins révélateur : la plupart des peuples extérieurs au monde occidental augmenté de la Russie ne sont envisagés que sous l'angle de la même expansion coloniale, De La Renaissance au XXe siècle. Il est vrai que les auteurs dudit manuel ne faisaient qu'appliquer le programme conçu au Ministère, avec la contribution et l'accord de l'Inspection générale. Ainsi fûmes-nous bercés de notre roman national et enfermés dans une vision étriquée de l'humanité. Depuis, les choses semblent avoir un peu changé ; c'est tant mieux.

Ce qui séduit le plus dans ces textes, c'est leur caractère d'esquisse, où le sourire tempère toujours le sérieux, d'où toute assertion péremptoire est exclue, où la porte reste toujours ouverte à la discussion, à l'approfondissement ; le texte se prolonge toujours dans les réflexions du lecteur.

Perec, d'ailleurs, s'intéressait vivement à "la prise en charge du texte par le lecteur". " Ce qu'il s'agit d'envisager, ce n'est pas le message saisi, mais la saisie du message ", écrivait cet écrivain ennemi de la posture et de la pose. Si fraternel, en somme.
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Le style si gracieux et la façon de penser atypique de Georges Perec font que j'aimerais n'importe quel texte écrit par lui.
La lecture de ce recueil a donc été un plaisir intense.

Si vous êtes déjà amateur, allez-y les yeux fermés !
Cependant-numéro-un, si vous n'aimez pas d'autres de ses oeuvres, pas la peine de vous acharner sur celui-ci.
Cependant-numéro-deux, si vous ne connaissez pas encore Georges Perec, ne commencez pas par celui-ci.
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Soit une étagère, capacité de contenu, 300 livres. Question: vous achetez "penser/classer", de quel livre allez-vous vous débaraser pour pouvoir ranger ce livre dans votre étagère.
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Parce que Claire Marin le cite beaucoup dans son excellent essai Être à sa place, j'ai eu envie de découvrir ceux de George Perec. Mon métier m'a naturellement poussée vers celui-ci. Il est constitué de diverses notes, au gré de la réflexion de l'auteur sur le sujet.

L'ouvrage est court mais riche et je ne peux rendre compte ici de tout ce que j'y ai puisé (j'en ai dix pages de cahier !). En étudiant ses propres pratiques (sa table de travail, sa bibliothèque personnelle, ses vieux manuels d'histoire, mais aussi d'autres thèmes plus large comme la mode ou les lunettes), Perec s'interroge sur le besoin de classer et son rapport à la pensée. On ne voit pas toujours, au premier abord, la cohérence du propos, qui d'ailleurs ne manque pas d'humour. Et puis les idées se dessinent, certains chapitres se faisant écho.

Faire des listes, énumérer relève d'un « besoin de nommer et de réunir sans lequel le monde resterait pour nous sans repères ». Classer, c'est chercher à donner de l'ordre aux pensées. Pour autant les différents systèmes ont leurs limites : parfois arbitraires (l'ordre alphabétique), souvent hiérarchisés et donc inégalitaires (les classements aux allures de palmarès), ils ne sont jamais exhaustifs. L'idéal est d'en combiner plusieurs
(par exemple, classer ses livres par genres, par formats, par priorité de lecture, etc.).

Quoi que l'on décide, ce choix de classement (stable comme provisoire) reflétera une personnalité unique, l'expression d'une histoire personnelle, d'une adaptation spécifique. A ce titre, la réflexion de Perec sur les variations des listes prend tout son sens. Ses « 81 fiches de cuisine à l'usage des débutants » ne sont en réalité que des dizaines de variantes autour de trois mêmes plats : le ris de veau, le lapin et la sole. Avec son petit jeu, il ouvre l'esprit à une infinité de possibilités, parfois à partir de modifications minimes.

J'ai beaucoup aimé le passage sur l'acte de lire (« ce qui se passe quand on lit, au niveau du corps ») et j'adhère complètement à l'importance du contexte de lecture (le lieu, le moment, l'ambiance).
Le recueil se termine de manière un peu abrupte. Aucune conclusion ne vient le clôturer. Ce n'est pas la première fois que je me fais la remarque : dans les essais, on ne trouve aucune réelle affirmation, seulement des questions soulevées, des remarques/constatations/pistes de réflexion. Libre à chacun de prolonger la réflexion…
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critiques presse (1)
Telerama
22 avril 2015
Pénétrant et bouleversant.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Un de mes amis conçut un jour le projet d'arrêter sa bibliothèque à 361 ouvrages. L'idée était la suivante : ayant, à partir d'un nombre n d'ouvrages, atteint, par addition ou par soustraction, le nombre K=361*, réputé correspondre à une bibliothèque, sinon idéale, du moins suffisante, s'imposer de n'acquérir de façon durable un ouvrage nouveau X qu'après avoir éliminé (par don, jet, vente ou tout autre moyen adéquat) un ouvrage ancien Z, de façon à ce que le nombre total K d'ouvrages reste constant et égal à 361 :
K+X > 361 >K-Z
L'évolution de ce projet séduisant se heurta à des obstacles prévisibles auxquels furent trouvées les solutions qui s'imposaient : on en vint d'abord à envisager qu'un volume – mettons de la Pléiade – valait pour un (1) livre même s'il contenait trois (3) romans (ou recueils de poèmes, ou essais etc.) ; on en déduisit que trois (3) ou quatre (4) ou n (n) romans d'un même auteur valaient (implicitement) pour un (1) volume de cet auteur, comme fragments non encore rassemblés, mais inéluctablement rassemblables d'une Œuvres Complètes. [...] […] on en arriva ainsi à l'idée d'une bibliothèque limitée à 361 thèmes – le mot est vague mais les groupes qu'il recouvre le sont parfois aussi – et cette limite a, jusqu'à présent, rigoureusement fonctionné.

*361 étant bien sûr le nombre d'intersections d'un jeu de go
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La psychanalyse ne ressemble pas vraiment aux publicités pour chauves : il n’y a pas eu un « avant » et un « après ». Il y a eu un présent de l’analyse, un « ici et maintenant » qui a commencé, a duré, s’est achevé. Je pourrais tout aussi bien écrire « qui a mis quatre ans à commencer » ou « qui s’est achevé pendant quatre ans ». Il n’y a eu ni début ni fin ; bien avant la première séance, l’analyse avait déjà commencé, ne serait-ce que par la lente décision d’en faire une, et par le choix de l’analyste ; bien après la dernière séance, l’analyse se poursuit, ne serait-ce que dans cette duplication solitaire qui en mime l’obstination et le piétinement : le temps de l’analyse, ce fut un engluement dans le temps, un gonflement du temps : il y a eu pendant quatre ans un quotidien de l’analyse, un ordinaire : des petites marques sur des agendas, le travail égrené dans l’épaisseur des séances, leur retour régulier, leur rythme.
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Lire, ce n'est pas seulement lire un texte, déchiffrer des signes, arpenter des lignes, explorer des pages, traverser un sens ; ce n'est pas seulement la communion abstraite de l'auteur et du lecteur, la noce mystique de l'Idée et de l'Oreille, c'est, en même temps, le bruit du métro, ou le balancement d'un wagon de chemin de fer, ou la chaleur du soleil sur une plage et les cris des enfants qui jouent un peu plus loin, ou la sensation de l'eau chaude dans la baignoire, ou l'attente du sommeil...
(p.123)
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Je parcourais allégrement les chemins trop bien balisés de mes labyrinthes. Tout voulait dire quelque chose, tout s’enchaînait, tout était clair, tout se laissait décortiquer à loisir, grande valse des signifiants déroulant leurs angoisses aimables. Sous le miroitement fugace des collisions verbales, sous les titillements mesurés du petit Œdipe illustré, ma voix ne rencontrait que son vide : ni le frêle écho de mon histoire, ni le tumulte trouble de mes ennemis affrontables, mais la rengaine usée de papa-maman, zizi-panpan ; ni mon émotion, ni ma peur, ni mon désir, ni mon corps, mais des réponses toutes prêtes, de la quincaillerie anonyme, des exaltations de scénic-railway .
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Où était le vrai ? Où était le faux ? Lorsque j’essayais de me taire, de ne plus me laisser engluer dans ce ressassement dérisoire, dans ces illusions de parole affleurante, le silence, tout de suite, devenait insupportable. Lorsque j’essayais de parler, de dire quelque chose de moi, d’affronter ce clown intérieur qui jonglait si bien avec mon histoire, ce prestidigitateur qui savait si bien s’illusionner lui-même, tout de suite j’avais l’impression d’être en train de recommencer le même puzzle, comme si, à force d’en épuiser une à une toutes les combinaisons possibles, je pouvais un jour arriver enfin à l’image que je cherchais.
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