AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Nathan Weinstock (Traducteur)Jean Malaurie (Préfacier, etc.)
EAN : 9782259204774
395 pages
Plon (09/02/2007)
4.5/5   4 notes
Résumé :

Terre Humaine a publié, avec résolution, quelques-uns des ouvrages essentiels sur le peuple juif de la Shoah.Y. L. Peretz est, sans le moindre doute, une des personnalités les plus singulières de la culture juive moderne de langue yiddish.Les Oubliés du shtetl nous emmène en terre yiddish nous faisant découvrir cette société méconnue, sans Etat et sans armée, totalement éradiquée par la terr... >Voir plus
Que lire après Les oubliés du shtetl. YiddishlandVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Y. L. Peretz est un des plus grands ecrivains Yiddish de la fin du 19e siecle et du debut du 20e. Ce petit livre est le resultat d'une enquete qu'il mena dans de petites bourgades juives des environs de la ville de Zamosc, c.a.d. autour de l'actuelle frontiere entre la Pologne et l'Ukraine. Je suppose que les commanditeurs de l'enquete ne devaient pas en etre tres contents parce qu'a la place de chiffres et de donnees ethnologiques Peretz leur a delivre un opus litteraire, des nouvelles. Mais il se peut qu'apres reflexion ils aient ete assez satisfaits, parce que cette suite de nouvelles en dit plus long sur les shtetelekh (eh oui, les pluriels en yiddish c'est quelque chose), leurs habitants et leurs modes de vie et de pensee que beaucoup d'etudes pointues, qui souvent se piquent de secheresse pour plaire a la guilde des specialistes.


A chaque page on peut capter l'etonnement de Peretz. C'est un homme moderne, maitrisant une culture occidentale autant que la juive traditionnelle. Il est etonne par la claustration volontaire des habitants des shtetelekh, par leur misere et surtout leur fatalisme devant cette misere: “— Quelle est votre occupation professionnelle ? — Qui donc a une occupation ? — Mais que faites-vous pour vivre ? — Ah bon, c'est cela que vous vouliez dire ! Eh bien, je vis ! — Sans doute. Mais de quoi ? — du Maître du Monde, que Son Nom soit béni ! S'il y pourvoit, on a de quoi vivre. — Il ne vous lance tout de même pas la manne du haut du ciel ! — Justement si, il la lance ! Est-ce que je le sais moi, de quoi je vis ? […] Et, emporté par sa grandiloquence, il poursuit sur sa lancée : — de l'argent je n'en ai point, Dieu merci ! Ni moi ni aucun des Juifs que vous voyez ici. Aucun Juif n'en a, aucun ! Sauf, peut-être, les Daytshn [= juifs assimiles. Dandine] des grandes villes... Mais nous autres, nous n'avons pas d'argent ! Je ne sais pratiquer aucun métier. Mon grand-père ne cousait tout de même pas des bottes ! Aussi, si le Maître du Monde – béni soit Son Nom ! – le veut bien, je vis. Et c'est ainsi que je vis depuis une cinquantaine d'années déjà. Et s'il faut marier un enfant, eh bien... on célèbre les noces ! Quitte à danser dans la boue.”


Peretz est tres critique de ce qu'il voit, mais il ecrit avec une certaine empathie pour ces pauvres heres, une certaine tendresse, et quand il y met de l'ironie, elle est toujours discrete, jamais mordante, jamais blessante. Il va meme jusqu'a transcrire quelques uns de leurs contes tels qu'ils lui ont ete transmis. Parce qu'il les trouve charmants. Et parce qu'il est conscient qu'ils sont l'expression d'une culture emanant d'une forme de vie qui n'a pas d'avenir, que son manuscrit est un temoignage.


Le titre du livre (en yiddish) est “Tableaux d'un voyage en province". Les editeurs de la collection Terre Humaine l'ont tres heureusement change en “Les oublies du shtetl”. Car oublies, ils l'etaient peut-etre deja pour les juifs de Zamosc (d'ou venait Peretz), ceux des autres grandes villes de Pologne, et evidemment des juifs de l'Europe occidentale.
Cette edition francaise contient aussi de nombreuses etudes de specialistes de l'histoire et de la culture des juifs d'Europe de l'est. Elles Interesseront les lecteurs les plus curieux ou les plus studieux. Quant au texte de Peretz, il captivera, amusera et emouvra a mon avis tout lecteur. Il transcende le simple temoignage sur un lieu et un temps, il transcende les codes culturels yiddishiques ou tout simplement juifs. Un texte hospitalier, ouvert a tous. Plus de cent ans apres sa publication, un livre intemporel.
Commenter  J’apprécie          490

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le shtetl se situe à droite de la forêt, près d’un petit cours d’eau. Il se compose de deux parties. La première se déroule comme un énorme lacet. C’est une rue nivelée et pavée, bordée de maisons de brique surmontées de toits de zinc. Des bâtisses rivées au sol par leurs fondations, bref la matérialité même. Les habitants de cette rue sont certains d’y vivre et d’y mourir. Toutes les bourrasques du monde ne sauraient les en déloger. C’est seulement au bout de cette artère que l’on entre dans la seconde partie. Nous voici plongés dans un tout autre univers. Ici, tout est spiritualité. Des maisons de construction légère, à vrai dire d’immenses poulaillers, généralement de bois de sapin et de chaume, rarement un toit recouvert d’ardoises. Il suffirait d’une petite brise pour tout emporter... Ses habitants espèrent-ils trouver le raccourci menant à Jérusalem ? Cherchent-ils, comme la chèvre immortelle, le Mont du Temple ? Ou bien spéculent-ils plutôt sur l’indemnité que pourrait leur verser la caisse d’assurance incendie ? Et voyez comme les habitants ressemblent à leurs maisons ! Eux aussi ont la poitrine en bréchet et des yeux assombris comme des fenêtres obscures.
Commenter  J’apprécie          180
Lorsque Dieu a procédé au partage de l’univers, le paysan a pris la terre, le pêcheur le lac, le chasseur la forêt, le jardinier les vergers et le marchand les étalons de poids ainsi que la balance. Et ainsi de suite. Pendant ce temps-là, le poète s’attardait dans la forêt où le rossignol le charmait de son chant et les arbres lui susurraient dans l’oreille maints secrets des bois... Mais les yeux – les yeux du poète – ne parvenaient pas à se détacher des genoux de la lavandière et de la planche de blanchisseuse qu’elle tenait à la main. C’est ainsi que le troubadour a perdu toute notion de l’heure et s’est présenté en retard. Et quand il est arrivé, l’univers avait déjà été partagé. De sorte que Dieu ne disposait plus à son intention que des nuages, des arcs-en-ciel, des roses et des oiseaux d’été. En revenant, il n’a même plus retrouvé la lavandière. Elle s’était fait engager quelque part comme nourrice... — Puisque tu as de l’imagination, lui dit l’Eternel, eh bien ! Tu n’as qu’à te créer des univers toi-meme!
Commenter  J’apprécie          190
Nous avons quitté Tishèvits. Une odeur printanière en provenance des champs verdoyants envahit nos narines. L’orphelin m’entraîna vers un arbre. Et sous sa frondaison nous nous sommes assis.
Une idée m’a traversé l’esprit. Je suppose que c’est ici qu’il venait s’asseoir avec sa maman. C’est probablement elle qui a dû lui enseigner le nom des plantes qui poussent sur ces étroits lopins de terre appartenant à la municipalité. Car il savait identifier les cultures de froment, de blé, de pommes de terre...
— Et ici, on voit pousser des chardons. Personne n’en mange donc, des chardons ?
— Si, on dit que les ânes en mangent.
— Pourquoi, me demanda-t-il, Dieu a-t-il fait en sorte que chaque créature mange autre chose ?
— Il ne sait pas que s’ils mangeaient tous pareil, ils seraient tous égaux.
Commenter  J’apprécie          200

Lire un extrait
Dans la catégorie : PologneVoir plus
>Histoire de l'Europe>Europe Centrale>Pologne (8)
autres livres classés : pologneVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (33) Voir plus



Quiz Voir plus

Philosophes au cinéma

Ce film réalisé par Derek Jarman en 1993 retrace la vie d'un philosophe autrichien né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Quel est son nom?

Ludwig Wittgenstein
Stephen Zweig
Martin Heidegger

8 questions
145 lecteurs ont répondu
Thèmes : philosophie , philosophes , sociologie , culture générale , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}