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Citations sur Deux hommes de bien (133)

Tandis qu'il s'éloigne, il entend la femme l'insulter entre ses dents. "Salaud de merde" dit-elle, ou quelque chose de semblable. Le ton est le même dans toutes les langues. Un peu plus loin, il ouvre sa capote et soulage sa vessie en urinant sur un tas de briques en morceaux, dans une ruelle courte et étroite où un éclat de la lune qui monte au-dessus des maisons et plonge entre deux avant-toits atténue les ombres et lui permet de distinguer des monceaux d'ordures et aussi, alors qu'il boutonne sa culotte, les yeux rougeâtres, brillants et malins d'un rat qui le guette. Presque aussi grand qu'un chat, immobile, l'animal le regarde fixement, tassé sur lui-même, pour essayer de passer inaperçu. Raposo l'observe, puis se baisse doucement pour ramasser un morceau de brique. Le rat semble deviner son intention, émet un couinement de peur et de menace qui dessine un sourire cruel sur les lèvres de l'homme, tandis qu'il lève la main dans laquelle il tient la brique. Un rat coincé dans une ruelle, au milieu des ordures. Parfaite image du monde, se dit Raposo en lançant le projectile.
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La vertu ne donne jamais que des tableaux froids et mornes… En définitive, ce sont la passion et le vice qui animent les compositions du peintre, du poète et du musicien.
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Alors qu'il passe un pont de pierre au-dessous duquel une rivière aux eaux troubles court avec violence, le cheval se met à boiter. En grommelant une malédiction, Raposo tire sur les rênes, descend de sa monture et examine les pieds de l'animal, dont la chaleur contraste avec l'eau glaciale qui court et les recouvre. La malédiction se change en un atroce blasphème quand il s'aperçoit qu'un des fers a disparu. Se protégeant du mieux qu'il le peut avec sa capote, momentanément aveuglé par la pluie, il ouvre la sacoche, en sort un fer de rechange, une navaja, des clous et un marteau. Puis il cale entre ses jambes le pied du cheval et, chassant de temps à autre l'eau de son visage du revers de la main, il racle la corne, y pose le fer et le cloue du mieux qu'il peut. Les gouttes s'écrasent tout autour de lui, le criblent, s'infiltrent dans les coutures de la toile qui le couvre, courent, froides, de sa nuque à ses épaules et à son dos, lui donnent le frisson. Quand après un long moment, il est venu à bout de la tâche, il a les jambes trempées jusqu'aux cuisses, les manches de sa veste dégoulinantes, et ses bottes ressuent l'eau. Alors, sans hâte, Raposo range les outils, saisit l'outre de vin et, renversant la tête en arrière, engloutit une très longue gorgée tandis que la pluie lui fouette le visage. Il se remet en selle et à peine le cheval sent-il l'homme sur son dos et la bride lâchée qu'il repart, laissant dans sa lancée le bruit de ses fers sur la pierre du pont.
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Séance à l'Académie Royale espagnole, intervention de Higueruela :
Higueruela entre en matière, en se réjouissant de son bonheur. Dans le style des articles qu'il rédige, il dresse le bilan apocalyptique de l'état, calamiteux à ses yeux, des idées en Europe : la tourmente de libre-pensée et d'athéisme qui menace la paix des peuples innocents ; la mécréance qui mine les fondations des maisons royales européennes, avec pour principal instrument de sape révolutionnaire les doctrines des philosophes et leur culte acharné de la raison qui empoisonne l'ordre naturel et insulte le divin : le cynique Voltaire, l'hypocrite Rousseau, le tergiversateur Montesquieu, les impies Diderot et D'Alembert, et tant d'autres dont l'infâme pensée a forgé cette "Enciclopedia"-- il dit ce mot en castillan pour rendre plus acerbe son ton méprisant -- avec laquelle l'Académie Royale espagnole cherche à déshonorer sa bibliothèque.
p 24
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Et prends bien garde aux Françaises […] Je sais de quoi je parle. Des philosophes, toutes autant qu’elles sont, de ces salons a la mode ou elles s’entretiennent avec les hommes… Un de ces jours, elles vont finir par frequenter les cafes. Je n’en dis pas plus.
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– L’affectation d’un cote, la realite de l’autre, remarque l’Amiral, railleur, une fois la porte franchie. C’est si espagnol que ça fait peur.
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- De toute façon, dit-elle, reprenant le fil de la conversation, le principe est établi : la faiblesse va bien aux femmes, et nous le savons. Il est de notre intérêt de paraître fragiles et en mal d'un soutien masculin.
- Ce qui flatte l'amour-propre du témoin de cette faiblesse, confirme l'Amiral.
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Quand meurt le bibliophile, sa bibliothèque suit quelques jours plus tard sa dépouille en passant par la même porte. 357.
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L'abbé Bringas qui accompagne et oriente tout au long de leurs pérégrinations dans Paris, les deux hommes de bien :
— Je ne veux pas le bonheur des peuples,… Je veux leur liberté. Quand ils l’auront, qu’ils soient heureux ou malheureux, ce sera leur affaire.
(…) — S ´il y a une révolution en France, en Espagne, dans le monde pourri où nous vivons, poursuit Bringas en mastiquant ses paroles comme si elles avaient un goût amer, elle ne viendra ni des salons du beau monde éclairé, ni du peuple analphabète et résigné, ni des marchands et des artisans qui ne lisent pas l’Encyclopédie et ne la liront jamais… Elle viendra des imprimeurs, des journalistes, des écrivains comme moi, capables de transformer la théorie philosophique en prose vibrante. En vagues d’une implacable violence qui écrouleront autels et trônes…
(…) — Il n’est de meilleur allié des tyrans, dit-il au bout d’un long moment de silence, qu’un peuple soumis parce qu’il veut garder espoir en une chose ou en l’autre : le progrès matériel, la vie éternelle… Le devoir de ceux qui manient la plume, notre devoir philosophique, est de démontrer qu’il n’y a pas le moindre espoir. De mettre l’être humain face à sa désolation. C’est alors seulement qu’il se lèvera pour demander justice et vengeance.
Il s’arrête sur ces mots, un instant, le temps qu’il faut pour lancer un sonore et épais crachat dans l’eau vert-de-gris qui emporte branches, détritus et cadavre de rats.
— L’heure approche où ce siècle va dresser des échafauds et aiguiser ses armes, conclut-il. Et il n’y a pas de meilleure meule à aiguiser que l’écriture. p 224-225
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L’être humain, cet infortuné accoutumé aux plaisirs grossiers, n’est éduqué que par la raison et la peur … ou plus exactement, par la peur des conséquences de l’insoumission à la raison et à ceux qui l’incarnent …
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