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Falco est un salopard de la pire des espèces, un de ces personnages sulfureux qu'adore la littérature de gare ou de salon. Il y a tellement plus à raconter sur les belles ordures que sur les vertueux, les honnêtes, les droits, les saints, ceux qui ont des convictions, qui sont taillés d'une seule pièce (ou qui veulent le faire croire) … Les écrivains ont de la matière avec eux : ils peuvent aller fouiller sans vergogne dans leurs zones d'ombres, leurs fêlures, leur cynisme, leurs doutes et leurs innombrables trahisons… Falco est un aventurier des causes tordues. Nous sommes au début de la guerre d'Espagne, une de ces périodes chaotiques et de fuite en avant où tous les « Falco » du monde peuvent s'en donner à coeur joie et se comporter comme des loups avides et dangereux. Recruté par les fascistes espagnols, il est envoyé en mission à Alicante afin d'organiser la libération du leader phalangiste José Antonio Primo de Rivera emprisonné par les Républicains (ils finiront d'ailleurs par le fusiller). Ce livre ne nous apprendra rien de plus sur la guerre, la peur et l'odeur métallique du sang. Nous savons déjà que celle d'Espagne fut horrible car elle opposa « deux barbaries parallèles les plus criminellement disciplinées ». Et si les fascistes emportèrent la partie, c'est parce qu'ils se montrèrent encore plus résolus dans la répression planifiée des opposants… Mais ce livre est écrit par le talentueux Arturo Pérez-Reverte qui n'a pas son pareil pour décortiquer les âmes tourmentées de ses héros. Falco est un salaud lumineux qui regarde avec une pointe d'ironie et de chagrin toutes ces femmes et ces hommes prêts à se massacrer au nom d'une patrie, d'un drapeau, et de convictions qui n'auront plus grand sens dans la boue et le sang. Et n'allez surtout pas croire que Falco, homme sans foi ni loi, n'a pas de loyauté. Il en a bien une, mais ni les rouges, ni les fascistes ne pourront jamais la comprendre. Un très bon livre. Âpre et noir. Très noir. + Lire la suite |