Qui a dit que le roman de cape et d'épée était une spécialité française ? Eh bien, celui qui l'a dit... n'a pas tout à fait tort, tant la production française en ce domaine est importante : les noms de Dumas,
Féval et Zévaco pour ne citer que ceux-là, en font foi. Pour autant, faut-il en penser que les pays étrangers ne s'y sont pas essayé ? Que nenni. Voyez en Angleterre,
Anthony Hope (1863-1933) est l'auteur du célébrissime Prisonnier de Zenda et de sa suite
Service de la Reine, et
Rafael Sabatini (1875-1950) celui du non moins célébrissime
Scaramouche, sans oublier la baronne Orczy (1865-1947) autrice de la très remarquable saga du Mouron Rouge. Et en Espagne, voyez...
Arturo Perez-Reverte.
Arturo Perez-Reverte Guttierez (né en 1951) est un journaliste et écrivain espagnol. Son oeuvre comporte à ce jour une trentaine de romans, dont quelques uns ont été primés et même adaptés au cinéma ou à la télévision : citons en particulier
le Tableau du maître flamand (1990)
Club Dumas (1994) et la série des Aventures du capitaine Alatriste (depuis 1996).
Cette série à ce jour compte sept romans plus deux autres en préparation : le Capitaine Alatriste (1996), Les Buchers de Bocanegra (1997), le soleil de Breda (1998), L'Or du roi (2000), le Gentilhomme au pourpoint jaune (2003), Corsaires du Levant (2006), le Pont des assassins (2012).
Comme Les Trois mousquetaires (qui se situent pratiquement à la même époque) Les Aventures du Capitaine Alatriste combine les caractéristiques du roman historique avec celui du roman de cape et d'épée. La différence étant que, écrivant plus de cent cinquante ans plus tard, l'auteur dispose d'une documentation historique et littéraire bien plus étendue. C'est donc avec une grande érudition que
Perez-Reverte nous brosse le tableau saisissant de l'Espagne du XVIIème siècle, dans tous ses états : des fastes de la cour de Philippe IV aux bouges des quartiers mal famés, des cachots de l'Inquisition aux galères de la Méditerranée, de Madrid à Venise en passant par Naples, on y croise des personnages célèbres (le roi Philippe IV, le ministre Olivarès, Vélazquez,
Lope de Vega) et des dizaines d'inconnus plus ou moins sympathiques, plus ou moins honnêtes...
Alatriste est un ancien soldat, (pas du tout capitaine, en fait) escrimeur de premier ordre, tueur à gages éventuel, mais avec un code d'honneur très affirmé. Il a recueilli le jeune Iñigo Balboa, fils d'un de ses compagnons d'armes mort au combat. Avec son ami
Francisco de Quevedo y Villegas (l'auteur de Don Pablo de Segovia, célèbre roman picaresque) il va vivre de nombreuses aventures et affronter des ennemis implacables comme Gualterio Malatesta ou Luis de Alquezar, sans parler de l'Inquisition toute puissante.
La reconstitution historique est parfaite, au point même parfois de freiner un peu l'action. Mais la vivacité des dialogues, la truculence des personnages et la qualité de l'intrigue font que le lecteur ne s'ennuie pas un seul instant.
Perez-Reverte n'est pas Dumas, bien sûr, les deux écrivains ne sont pas comparables, séparés qu'ils sont par l'époque, leur vision d'écriture, et les moyens qu'ils ont de la mettre en application. Mais on retrouve chez
Perez-Reverte un peu de l'alacrité d'Alexandre le Grand, et cela suffit pour avoir dans les mains un bon et solide roman de cape et d'épée...