Je croyais relire ces huit nouvelles, et en fait, si je les connaissais, je pense que je n'en avais lu que de longs extraits, en particulier de la captivité de Margot. Ces huit histoires d'animaux sont d'une profonde noirceur. Mais je n'y vois aucun pessimisme, c'est pour moi un hymne à la nature, parfois cruelle, car toutes ces histoires sont cruelles, encadrées par les deux plus terribles, celles où c'est la cruauté gratuite de l'homme qui est en cause : La tragique aventure de Goupil où le renard est condamné à mourir de faim par le garde-chasse, qui, l'ayant capturé, lui accroche un grelot autour du cou, et La captivité de Margot où des ivrognes finissent par saouler la pie avec du marc. Ce genre de cruauté gratuite n'est certes plus admise à l'heure actuelle, mais l'ensemble des récits nous rappelle que la nature est déjà bien assez dure sans que l'homme en rajoute, et cet oeuvre nous rappelle que bien peu d'animaux, à part nos chiens et nos chats, plus quelques chevaux, meurent de leur belle mort, de maladie ou de vieillesse.
Louis Pergaud décrit avec un grand souci de la précision les attitudes et les comportements des animaux, il les compare assez souvent aux hommes, mais il ne s'agit pas là d'anthropomorphisme, ce sont juste des images et quelques hypothèses. C'est un grand écrivain naturaliste, doué d'un sens aigu de l'observation des moeurs des animaux de la forêt. L'écriture est fine, précise, belle, d'un très riche vocabulaire. J'ai trouvé beaucoup de mots que je ne suis pas sûre que tous les français connaissent. Je les connais parce que je suis jurassienne d'adoption : tuhé, foyard, lauzes, murger, … Et puis d'autres, que j'ai compris par le contexte, mais qui se rencontrent rarement : les andains, se musser, hiémal, dépouilles opimes, captieux, … Au début j'ai même été gêné par des emplois peu usuels de constructions de mots : insoucieuse de, désaltérer sa soif, mais en fait je m'y suis très vite habituée. Par cette richesse de vocabulaire, ce souci de la précision, Pergaud nous apporte de grandes bouffées d'une nature dans laquelle on se sent en harmonie, à l'égal des animaux dans les moments où ils sont heureux.