Ce livre a été publié la première fois en 1977. Et si on a fait des progrès depuis, la plupart des a priori que dénonce
Régine Pernoud sont encore d'actualité !
Elle fait une focale successivement sur :
- "Moyen-âge", la bêtise de cette appellation : on traite mille ans d'histoire comme si cela n'avait été qu'une période intermédiaires, et qu'il avait fallu attendre la Renaissance pour avoir à nouveau un peuple civilisé. Or, la Renaissance est la redécouverte de l'Antiquité, et l'assujetissement à ses dogmes, et encore, pas toute l'antiquité, le siècle de Périclès comme référence pour la Grèce, et celui d'
Aristote pour Rome, à l'exclusion de toutes les autres périodes et civilisations.
- "Gauches et maladroits" :
Régine Pernoud dénonce le jugement sur l'art médiéval, et démontre fort bien qu'ils savaient y faire, notamment en architecture, et que décréter que les
oeuvres médiévales - sculptures ou peintures - sont "moches", c'est du jugement, pas de l'histoire.
- frustes et ignares : bon, ils connaissaient les
oeuvres antiques, la preuve, s'ils ne s'étaient pas cassé la tête à les recopier, on n'aurait jamais pu "redécouvrir" l'antiquité. et puis ils ont inventé le "codex", le livre, qui remplace avantageusement les rouleaux. et que dire du rayonnement culturel des abbayes et universités ?
- "Torpeur et barbarie" : là, on s'interroge sur la notion de féodalité et sur le droit coutumier en vigueur. Et c'est là que
Régine Pernoud commence - selon moi, à lever un sacré lièvre, qu'elle développera davantage dans les parties suivantes, à savoir la réintroduction du droit romain.
- "des grenouilles et des hommes" : focus sur le servage, et comparaison avec l'esclavage, autour de cette image d'épinal - que je ne connaissais pas, des serfs battant les étangs pour faire taire les grenouilles qui empêchent leur seigneur de dormir. Elle parle aussi de la culture de la campagne qui précède celle de la ville, et des différences de mentalité qui en découlent.
- La femme sans âme : les femmes avaient beaucoup plus de droits à cette époque, et notamment prenaient part aux votes sans qu'on ait besoin de le préciser tellement c'était évident. Elle cite en exemple un vote où une population devait prendre une décision liée au partage de la terre, et seule une voix était contre, et le nom cité était féminin. Donc hommes et femmes votaient. Elle cite aussi Héloïse et
Hildegarde de Bingen, entre autres, et par extension les abbesses, qui administraient les terres comme des seigneurs. Abbesses qui pouvaient aussi parfois diriger des communautés d'hommes ou "mixtes".Au XIIème siècle, Robert d'Arbrissel fonde deux couvents, un pour hommes et l'autre pour femmes, avec une église commune, seul lieu où les communautés se côtoient. La personne qui dirige ces deux communautés est une abbesse, Pétronille de Chemillé, et cela n'a suscité aucune réaction de quelque sorte que ce soit. "Dans le nono" ;-)
- l'index accusateur : ici, on va parler de l'inquisition, et
Régine Pernoud va rappeler que les pires procès (en sorcellerie comme celui de
Galilée), n'ont pas eu lieu pendant le moyen-âge, mais bien plus tard.
- histoire, idées et fantaisie : ici, elle va critiquer la façon dont certains traitent l'histoire, rejoignant un autre auteur que j'aime beaucoup,
Michel Pastoureau.
- Simples propos sur l'enseignement de l'histoire :
Régine Pernoud préconise une façon d'aborder l'histoire en fonction de l'âge des enfants.
En fait, cet ouvrage a clairement vocation à réhabiliter cette période de l'histoire qui semblait être vraiment malmenée dans les années 70. Alors, vu de ma fenêtre, on n'a plus tellement ces idées là, à ce point là. Mais quand même, quand elle dénonce les difficultés de l'époque des étudiants en histoire de devenir médiévistes, ça m'a fait tilt. J'adore cette période de l'histoire - la faute à Arthur, des Monthy Python à Astier en passant par Disney ! - et quand je cherche des trucs un peu informatifs à lire, je tombe sur beaucoup de médiévistes américains ! Là le prochain livre que je vais lire sur le sujet - ou le suivant - est sur le chevalier, et c'est une auteure américaine.
L'autre chose que je retiens de cette lecture, ce n'est pas la place de la femme de la société, ça je le savais déjà, c'est l'influence, le cataclysme qu'a été le retour du droit romain, qui a entraîné le changement du rapport à la terre, le changement de la place de la femme - au foyer, plus le droit à la parole, alors que l'expansion du christianisme avait dans un premier temps contribué à davantage d'émancipation ! - et surtout le retour de l'esclavage, qui est fort différent du servage, comme
Régine Pernoud le démontre avec brio.
Bref, un petit livre qui commence à dater, mais qui est toujours d'actualité !