Le couloir silencieux
Prunelle noire couloir patient
mon beau silence tu sens le gaz
ton sifflement me cerne un peu plus chaque soir
mon beau silence passe tes algues
sur mes mains engourdies qui s’enfoncent encore
tous les pas se sont tus dans ma nuit de village
et le dernier juron s’éteint contre l’église
mon beau silence d’algues
de sifflement de crosse froide
tu t’épaissis.
Je parle
Je parle
non je nage dans le sang
non je marche sur les toits
non je siffle dans la mer
non je joue de la raison
c’est la neige qui m’enroule
c’est la glace qui me griffe
des lueurs et des lumières
non je souffle sur mes manches
tant de craie qui nous salit
tant de bleu qui m’envahit
non je dors dans la prairie
non je branche des rêves
non je parle
devant des têtes qui s’alignent
devant du sable qui m’écoute
qui me file entre les doigts
des galets qui ont compris
des filets qui s’en balancent
devant la mer qui me regarde
oui je parle
je souffle du vent je siffle du chant
six étoiles qui sommeillent
j’ouvre ma cosse adieu les graines
c’est l’heure
rangez vos livres.
Parmi de perfides poses
Visage de la vie essaie un peu tes poses
mets ton masque de Nô
dans le tunnel des paroles
dans l’imprécis dramatique des mains
file ma clarté j’ai déjà compris
le sang s’explique dit la santé
trois veines à gauche le cœur s’arrête
une bouche prouve dans l’air
l’indomptable étalon d’un splendide mystère
je n’ai qu’à tendre la main
je saisis aussitôt le mors et un baudet
ah j’ai honte on me lie de mes torts
je le sais je conviens de mon tort j’ai tort
d’attendre la musique d’attendre le miracle
la joie à sept étages qui m’enlèvera
un jour pour ne plus revenir.
Pourtant chaque jour plus seul
Homme ouvre le seuil de ta demeure
femme ouvre ta chambre ouvre tes jambes
enfant ouvre la salle de tes jeux
parlez-moi embrassez-moi dites un peu
montrez-moi les photos les cicatrices les secrets
la solitude me maçonne
chaque jour elle jette sur moi d’un geste sec
sa truellée de ciment noir
elle me crépit elle vise mes yeux
elle monte son mur autour de moi
elle épaissit ma peau toujours sa trahison
quand l’envie de brûler me parle
quand l’envie de parler me brûle
quand l’océan des autres me lèche
quand cet homme qui passe je voudrais l’arrêter
et cette femme lui sourire poser ma main sur son épaule
pourtant chaque jour plus seul isolé contre moi
moi qui ai le goût des bonjours
des braises du cœur dans les yeux
des mots
des mains
du verre de vin sous les platanes.
Corps ouvert
Vie et mort chacune tire
sur l’étoffe de mon corps
cette peau qu’on sent frémir
va craquer sous leurs efforts
on verra parmi tant d’os
et de nerfs mal assemblés
le silence les yeux clos
le soleil qui l’a comblé.