Je suis un Maasaï

Je suis un Maasaï/Xavier Péron
Le préambule précédant le récit de Xavier Péron est extrêmement instructif concernant le mode de vie des Maasaï , peuple de la vache, et leur histoire.
Puis c'est à motocyclette ou à pied que XP va peu à peu s'immerger dans un monde hors du temps dont il connaît seulement quelques rudiments de la langue. Une plongée en apnée avec des révélations sur la culture et les étranges facultés des Maasaï, avec quelques moments de recueillement pour reprendre son souffle et goûter en secret le bonheur de ce retour aux sources.
Sous la forme d'un journal daté et dans un beau style, XP nous emmène jusqu'au pied du Kilimandjaro en pays maasaï au sud-est de Nairobi. C'est un magnifique reportage au vécu saisissant et sincère prélude à la rédaction d'une thèse scientifique sur les cérémonies et les rites traditionnels de la culture maasaï. XP écoute, observe, note, cherche à comprendre chaque aspect de la vie et chaque problème de la vie des Maasaï : problèmes fonciers, sédentarisation, disparition forcée du pastoralisme, protection de l'équilibre naturel, scission entre le vrai maasaï issu de la tradition et l' « ilashumpa » c'est à dire le maasaï européanisé.
ET XP de perdre un certain nombre d'illusions concernant l'unité de ce peuple, les divisions se révélant insolubles, les « ilashumpa » s'appropriant les terres collectives sous des prétextes fallacieux au détriment du peuple de pasteur nomade qu'est au fond cette ethnie d'origine nilotique.
Il a fallu des années à XP pour comprendre la spécificité des relations hommes femmes au sein d'une société polygame. Au cours de plusieurs séjours durant plus de vingt ans, il va vivre au rythme maasaï et en devenir un.
Après un bref retour en France, XP revient en mission zoosanitaire dans le nord du Kénya en 1984, au pays des Samburus. Il découvre les magouilles et les pots de vin versés par de grandes multinationales à des petits chefs sans scrupules et avides pour obtenir des marchés qui n'ont rien à voir avec le pastoralisme traditionnel.
Il veut par ailleurs se battre pour que soit préservée la symbiose entre la population maasaï et la faune sauvage, alors que le gouvernement a tendance à vouloir déraciner les Maasaï de leur territoire pour aménager des réserves pour les touristes. le même phénomène se développe au Kénya et en Tanzanie.
Après plusieurs années de préparation, XP va connaître la consécration ou plus exactement la bénédiction au cours d'une cérémonie inoubliable, pour devenir un « olkitoïpi », c'est à dire un aîné dans le village de Entepesi au Kénya qui l'a accueilli en son sein.
A noter que chez les Maasaï, il n'existe pas de mot désignant la peur.
Ce livre est essentiel pour bien comprendre les menaces qui pèsent sur les minorités ethniques et leur culture. le problème de la privatisation des terres est très grave.
Une fois sa thèse exposé, XP va faire connaissance avec un monde futile à l‘égard duquel il ne cache pas son aversion : celui des colloques. Il vit mal ces rencontres insipides et inutiles, l'avenir des peuples premiers étant le dernier des soucis des participants. XP règle ses comptes avec savoir et passion et va jusqu'à la démission de toutes ses fonctions universitaires son caractère entier ne pouvant supporter les compromis. Pour être allé moi-même en pays maasaï au contact direct de la population, avoir observé et avoir discuté avec un ami autochtone vivant dans le Maasaï-Mara, je crois pouvoir dire que les propos exprimés par XP sont fondés.
En guise de conclusion, je citerai la phrase prononcée par Kenny, l'ami maasaï de XP, membre d'une ONG kényane lors d'une conférence donnée à Lyon en 2003 : « Nous avons tous individuellement et collectivement la responsabilité de notre futur, uniquement par l'idée que nous nous en faisons, à condition que nous ne nous laissions pas polluer par toute cette sinistrose médiatisée qui tend à nous faire accepter la fatalité. »
A lire absolument pour réfléchir à notre avenir.

Tout jeune, Xavier Péron fait un rêve récurrent : un homme noir drapé de rouge lui sauve la vie et l'entraine dans un monde inconnu. Et en 1982, un peu par hasard, il arrive, juché sur une simple mobylette, dans le village d'Entepesi en plein territoire maasaï. Il s'y sent d'autant mieux que toute la tribu l'adopte sans arrière pensée. Il y fera un premier long séjour, suivra les initiations des hommes de sa classe d'âge et fera la rencontre de la belle Selenoï. de retour à Paris où son travail de chercheur en anthropologie finira par être reconnu, il n'aura de cesse de revenir au Kenya puis en Tanzanie, en territoire Samburu, et de se comporter en ardent défenseur de la cause de ces peuples « premiers » dont l'existence est menacée par les sombres menées du monde moderne.
Un très beau témoignage en forme de plaidoyer pour une vie plus proche de la nature, plus humaine, moins mercantile et moins coupée des réalités de la bio-diversité. le plus grand mérite de ce livre est de nous faire comprendre que l'enfer étant pavé de bonnes intentions, les grandes instances internationales, les gouvernements et même les ONG ne rendent pas service à ces peuples nomades et pastoraux en créant de plus en plus de réserves naturelles, en transformant leurs grands espaces en véritables peaux de chagrin de moins en moins compatibles avec leur mode de vie. Il démontre avec brio que seuls les Maasaï, s'ils peuvent continuer à vivre selon leurs traditions ancestrales, sont les seuls véritables protecteurs de la nature. Grâce à eux, la faune et la flore peuvent prospérer et s'épanouir ce qui n'est pas le cas s'ils sont remplacés par des paysans sédentaires ou des touristes en mal de safaris. Malheureusement, le lecteur achève ce livre avec la mélancolique impression que Xavier Péron et son ami Kenny, tels Don Quichotte et Sancho Pança, luttent contre des moulins à vent et qu'ils ont peu de chance de réussir dans leur croisade pour une prise de conscience de leurs contemporains, tant l'argent, le mondialisme et les intérêts économiques sont tout-puissants. Un livre important surtout par son côté spirituel, écologique et humain.
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