AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


On trouve généralement regroupés, dans les diverses éditions disponibles, sous l'appellation " contes ", en ce qui concerne Charles Perrault les 8 contes en prose avec morale en vers qui constituent Les Contes de Ma Mère L'Oye auxquels viennent s'adjoindre un (rare), deux (fréquent) ou trois (rare) contes en vers qui sont légèrement antérieurs aux huit précédents.
Les deux contes en vers les plus fréquemment inclus sont évidemment Peau D'Âne et communément Les Souhaits Ridicules. On rencontre parfois Griselidis mais pas à chaque fois, et je dirais même, pas très souvent.
Les huit contes en prose sont bien évidemment La Belle Au Bois Dormant, le Petit Chaperon Rouge, La Barbe Bleue, le Chat Botté, Les Fées, Cendrillon, Riquet À La Houppe et le Petit Poucet.
Pratiquement tous ces contes peuvent aussi se trouver à l'unité chez une myriade d'éditeurs jeunesse, sauf peut-être Les Souhaits Ridicules. Voilà pourquoi je vais commencer par vous parler de ce conte.
C'est une forme encore très bâtarde, à mi-chemin entre la fable de type La Fontaine et le conte, qui prendra une forme canonique traditionnelle et dont le Petit Poucet pourrait être cité à titre d'exemple typique.
D'ailleurs, l'amorce des Souhaits Ridicules rappelle beaucoup la fable intitulée La Mort Et le Bûcheron. On y rencontre donc un misérable bûcheron, gémissant et courbé, marchant à pas pesants. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ? Je vous le demande : rien ! nada ! que dalle ! peau de zobi !
Il peste contre le sort et la malchance qui s'acharnent sur lui. Si seulement un jour il avait de la chance !
Or, par une entremise céleste, sa requête va être entendue et il lui sera permis de formuler trois voeux, mais trois seulement. Passée cette triple aubaine, il devra retourner à la vie sans sortilèges.
La bonne affaire, vous dites-vous ? Sans doute, mais voilà déjà un voeux de grillé en boudin, parce que le vieux voulait se taper du boudin à tout prix.
Imaginez le sourire de sa bergère quand elle apprend comment son idiot de mari gaspille ses voeux en aune de boudin !...
Bref, un conte drôle et très atypique loin du canon initié par Peau d'Âne. L'histoire de Peau D'Âne, battue et rebattue, narre les déboires d'un couple royal dont la sublime reine se meurt et sur son lit de mort fait jurer à son royal époux de ne point se remarier avec une quelconque prétendante dont la beauté serait inférieure à la sienne, espérant par là qu'il ne se remarierait point tout court.
Après une brève période de deuil, le fougueux monarque se sentant du feu dans les veines et peut-être même ailleurs se lance en quête d'une digne prétendante mais... en vain.
Le subtil stratagème de la défunte épouse serait presque imparable si elle n'avait au préalable donné naissance à une fille en tous points semblable à elle et, de l'avis de tous, supérieure encore.
Peu regardant sur les risques héréditaires d'un tel appariement incestueux, le roi est tout disposé à épouser sa propre fille, laissant la frêle jeune femme dans un effroi sans nom.
L'adorable enfant se rend alors près d'une marraine, sans doute un peu foraine, un peu bohème et un peu magicienne. Cette dernière conseille à la princesse de demander au roi des robes d'une étoffe telle qu'il ne s'en peut trouver.
Mais, fort d'une richesse sans borne issue de l'anus luxuriant d'un quadrupède à longues oreilles dont les fientes à haute valeur vénale ne font braire personne, le roi parvient sans peine à accéder à chacune des demandes de sa fille en matière textile, quelque improbable qu'elle soit.
La marraine, devant ces échecs stratégiques à répétition, conseille alors le tout pour le tout, demander carrément la toison de l'âne pondeur aux vertus alchimiques intéressantes, certaines que le roi hésitera à sacrifier sa source unique de guano d'or.
Or (c'est le cas de le dire), si elle manie fièrement la baguette, cette fée ne vaut pas la première boulangère venue quant à la psychologie humaine et royale en particulier car le magnanime souverain n'hésite pas à faire remettre à sa fille la crasseuse peau du baudet au croupion fertile quitte à y perdre du même coup l'opulence dont il parait sa cour.
Fuir ! Fuir ma belle ! Voilà ce qu'il te reste à faire si tu ne veux pas coucher avec ton géniteur.
Fuir, couverte de son drap de honte ; fuir, couverte de cette vilaine Peau d'âne qui la dissimule aux regards ; fuir le plus loin possible au plus sombre de n'importe quel bouge infâme quitte à se faire traiter de souillon.
La semaine durant elle laisse les senteurs troubles autant qu'animales envelopper son corps pour dissuader quiconque de risquer une approche. Mais les dimanches venus, recluse au fond de sa chambrette glauque, après un brin de toilette elle revêt les joyaux de ses plus belles parures, si péniblement acquises...

Les huit autres contes regroupés sous l'étiquette Contes de Ma mère L'Oye ont pris depuis le seconde moitié du XIXème siècle une telle importance dans l'imprégnation de la culture littéraire enfantine qu'il est difficile de rencontrer un seul enfant qui n'ait jamais entendu parler, de près ou de loin, de tout ou de partie d'au moins l'un d'entre eux.
C'est donc devenu un patrimoine commun de la culture occidentale et désormais mondiale en raison des productions de films d'animation largement diffusés qui s'en inspirent.
Les Contes de Ma Mère l'Oye sont souvent assimilés ou désignés comme l'archétype du conte " de fées ", au sens que ce mot avait à l'époque, c'est-à-dire, faisant appel à la magie, au surnaturel. Par exemple la clef de Barbe-bleue ou les bottes de l'Ogre dans le Petit Poucet peuvent être désignées comme étant " fées ". La forme ancestrale de Peau D'âne, c'est-à-dire une structure rimée ne figurera plus désormais dans le canon des contes.
On rencontre quelques constantes dans ces huit contes :
- un héros apparemment désavantagé mais qui saura tirer son épingle du jeu grâce à certaines qualités jugées essentielles (ruse, droiture, beauté, gentillesse, générosité) ou grâce à l'entremise d'un tiers doué de certains pouvoirs.
- un personnage masculin (plus rarement féminin) terrifiant ou brutal ou inflexible (lequel personnage aura plutôt tendance à être plus fréquemment une femme dans les contes des frères Grimm) qui souhaite s'en prendre à l'infortuné héros.
- un personnage ou un objet doué de pouvoirs surnaturels qui peuvent être bénéfiques ou maléfiques.
- un rôle de la famille parfois très trouble voire malfaisant et dont le héros a souvent bénéfice à s'extraire pour faire sa voie par lui-même dans le vaste monde.
- un destin qui n'est jamais totalement définitif, malgré les apparences, et qui peut toujours être infléchi.

En somme, cet ensemble de contes doit servir à l'édification des jeunes âmes qui les lisent et les inviter à s'émanciper. Ces contes les avertissent que le monde qui les attend sera semé d'embûches et d'adversaires parfois tenaces, qu'il ne leur faudra pas forcément compter beaucoup sur le secours de leur famille mais plutôt sur leurs qualités propres et, plus que tout, s'attendre à ce que la chance, à un moment se présente, et donc à ne pas rater l'occasion de s'en saisir à cet instant-là. Il faut seulement qu'ils abordent l'avenir avec confiance et qu'ils croient en eux-même.
À cet égard, il est à noter cinq contes semblent plus particulièrement s'adresser aux jeunes filles (La Belle Au Bois Dormant, le Petit Chaperon Rouge, La Barbe-bleue, Cendrillon et Les Fées) et les trois autres plus spécifiquement aux garçons (Le Chat botté, Riquet à la houppe et le petit Poucet).

Bref, un pan entier de notre patrimoine culturel — irremplaçable — soutenu par des tirades intemporelles du genre " C'est pour mieux voir, mon enfant. ", " Anna, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? ", " Tire la chevillette et la bobinette cherra. ", sans compter que nombre d'entre eux ont été ré-assaisonés par les frères Grimm pour en faire d'autres contes eux-aussi hyper connus comme Hansel et Gretel ou Blanche-Neige, par exemple. Je ne vous cache pas que tant le fond que la forme ont beaucoup vieilli et ne sont quasiment plus accessibles directement par des enfants moyens du XXIème siècle et nécessitent de sérieux remaniements pour refleurir à chaque saison sur les étal de nos libraires dans des formes digestes à nos chers bambins. Donc, un incontournable, certes, mais qui sent tout de même assez fort la naphtaline en l'état et qui nécessite un bon dépoussiérage. Nonobstant, ce n'est que mon misérable avis blottit dans les buissons d'une immense forêt habitée par un ogre ÉNORME, GIGANTESQUE, SANGUINAIRE, BRUTAL, FATAL, c'est-à-dire, pas grand-chose (à moins qu'il ne découvre très vite une paire de bottes à sa taille ou, à défaut, une petite pantoufle de verre).
Commenter  J’apprécie          707



Ont apprécié cette critique (62)voir plus




{* *}