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Citations sur Le caporal épinglé (14)

Il est temps de penser aux choses sérieuses et de savoir en somme comment m'évader, car, tout bien considéré, je ne suis guère plus tiré d'affaire que la girafe qui, sortant de sa cage, cherche à s'orienter sur le quai d'Austerlitz; un certain nombre d'épreuves lui restent à courir avant de paître aux clairières natales.
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A voir s'enfoncer dans l'aube collante et désolée ces groupes de loques faméliques, ces fantômes de soldats punis, je me souviens m'être souvent posé la question suivante : si l'on prend pour unité de cafard la quantité fournie le lundi matin par un employé de banlieue qui reprend son boulot avec ses habituels soucis de famille, je me demande quel est le cubage et le tonnage représenté seulement par un de ces commandos qui cheminent dans les demi-ténèbres vers la miteuse aurore des chantiers.
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Je n'ai pas la passion de la lecture et j'estime en avoir bien assez dans le crâne pour alimenter mes heures creuses jusqu'à la fin de mes jours, même avec les énormes disponibilités de la captivité. J'éprouve aussi une sorte de méfiance pour le livre qui va m'imposer une fallacieuse évasion (...). J'ai toujours exigé pour la lecture un certain confort de maniaque: le fauteuil Louis XIII, le creux de mousse, deux chaises de fer sous la statue d'Anne d'Autriche, le hamac dans une clairière vierge, le tas d'oripeaux dans un coin de grenier (...)
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Gamelle unique et sans nombre, idée de gamelle innombrable infiniment identique, servile faïence si dure, si blanche, si lisse, si glacée qu’elle va de soupe en soupe et d’homme en homme, rebelle au culottage, intolérante au souvenir, insensible au couteau qui la voudrait graver d’un nom pour lui donner du goût. La casser comme fit Diogène? Sacrilège, crime de lèse-troupeau, c’est le vase sacré de l’Europe Nouvelle, l’emblème de la ration universellement rationnante, le graal enfin gradué, implacable vaisselle, hallucinant témoin d’un siècle promis aux pullulations anonymes plus barbares que les grands Barbares.
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Dès les premiers arrivages de travailleurs français, le marché noir à Berlin fit un boum et plusieurs tavernes furent aussitôt affectées aux conciliabules de la resquille et conspirations mercantiles. Il est plaisant bien sûr de voir fleurir aux dépens de l’ennemi une virtuosité que les honnêtes gens condamnent. Le patriotisme y trouve son petit compte et la science des moeurs en pourra déduire l’éclatante supériorité de notre fonds psychologique. J’en suis absolument convaincu. Le système Démerde écrasera tous ses concurrents, les systèmes Taylor, celui de Copernic, le respiratoire et le métrique. C’est le système français par excellence et tout le monde sait que le ‘’Discours de la méthode’’ n’en est que le précurseur, que Bossuet en prononça l’éloge, que Louis XIV en fit un usage constant, que le Parlement en est le prestigieux mainteneur. C’est le génie même de la France, l’instrument de son relèvement, le gage de sa pérennité.
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C'est fini les histoires de boue glorieuse.
Nous sommes quatre, couchés ventre à fesse dans un paquet de mouscaille sous une couverture mal tendue qui fait une poche d'eau suintante. Crevés de faim, de fatigue et de dégoût, nous nous ratatinons dans une somnolence sordide.
Ne pas bouger ; serrer les épaules, bloquer les mâchoires, raidir le derrière, crisper le ventre et crisper aussi la tête si possible.
La retraite, la défaite, le chahut des derniers combats, la grande rafle, on verra plus tard à comprendre. Pour l'instant c'est la faim et la pluie.
Ne pas remuer la boue. Contre la misère faire le mort.....
(extrait du premier chapitre "les trente-six chandelles" du volume paru aux éditions "Gallimard" dans la collection "Nrf" édité en 1947)
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Mais je suis prêt à croire qu'Azo est quelqu'un de bien. Peut-être est-il homme à mâchonner voluptueusement une violette tout en commandant le feu sur une troupe de bonnes soeurs et d'otages octogénaires, mais la sauvagerie n'empêche pas les sentiments et il y a chez cet homme à pédigree, si bien racé, si bien dressé, quelque chose d'éternellement prussien, d'éternellement rebelle à la civilisation qui ne manque pas de grandeur.
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A la lueur de veilleuses entretenues à la margarine, nous creusions à petits mouvement contorsionnés, sans fièvre ni fol espoir. Mais c'était une excellente discipline et chaque fois qu'un coup dur ou idiot nous rabattait au sol, le recours au souterrain nous sauvait du désarroi. La petite flamme fumeuse, l'odeur de terre remuée, le son mystérieux des voix, le grattement grignoteur des instruments faisaient une atmosphère cryptique où nous retrouvions les sources de nos exaltations enfantines. C'était un noble jeu de garçons, strictement interdit par les grandes personnes. Cette impression d'appartenir au clan des enfants terribles, des cancres et des dissipés, nous liait plus que tout les reste. Nous étions l'aristocratie, la chevalerie dûment sacrée par les cérémonies disciplinaires et confirmés dans les tournois de pelote;
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Nous fûmes embauchés tous deux par un grand dadais d’aspect inoffensif qui nous conduisit à l’école complémentaire des filles où logeait une compagnie de transmission. Il s’agissait de récurer les couloirs et de balayer les chambres (-)
On me confia un nouveau balai avec mission de nettoyer le plancher sous l’autre rangée de lits. Gentils petits lits où rêvaient le soir et s’étiraient le matin les jeunes Lorraines des cours complémentaires. Sur le plancher poli par les tendres pieds je bouscule des bottes à clous. Si encore c’étaient des bottes de mousquetaires, il y aurait moyen de s’arranger,si même ce dortoir virginal était sens dessus dessous, saccagé, maculé, chahuté par le passage de la horde, ..., mais c’est bien pire, tout est en ordre. Tout est aligné, astiqué, froid et figé... tout le féminin a été lessivé le dernier parfum de chevelure brossée vient de mourir étouffé sous la grande odeur teutonique à base de cirage.
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Un soir de ce genre, le brave Dames, faisant irruption dans notre piaule, dut s'y frayer un chemin dans un épais brouillard de fumée. Il faisait froid, la fenêtre était fermée selon les consignes. On suffoquait :

- On fume ici !

Surprise générale, protestation unanime devant l'arbitraire d'une pareille affirmation.
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