Ève Dubois a passé son enfance à Limoges, avec une mère seule et dépressive, le père les ayant abandonnées alors que la petite n'avait que deux ans.
Ne sachant jamais comment celle-ci va réagir, la fillette n'arrive pas à se faire confiance et se considère comme une ratée. L'idée d'entreprendre des études à Brive-la-Gaillarde lui paraît insurmontable.
Aussi est-on étonné de la voir prendre une décision radicale : se lancer dans l'inconnu et s'installer à Toulouse, trois fois plus loin, où elle trouve un appartement et un travail, même si celui-ci n'est guère valorisant.
En dépit de l'amitié de June, sa collègue, «
la solitude des grandes villes » s'abat sur Ève, qui s'inscrit à divers groupes de parole dans le but d'y faire des rencontres avec des gens de son espèce : peu sûrs d'eux-mêmes. C'est aussi pour elle l'occasion de s'inventer de nouvelles vies, un peu plus valorisantes. Ce travestissement de la réalité n'a rien de bien grave, sauf lorsqu'elle tombe sur l'homme de sa vie.
Oserais-je l'avouer ? La première raison qui m'a poussée à choisir ce roman, c'est sa couverture.
Cette jolie fille sans visage, il me semble que c'est Ève qui se fabrique des personnalités multiples selon le groupe qu'elle fréquente. Son opulente chevelure se déploie tel un ciel étoilé rempli de rêves et une multitude de petites fenêtres s'éclairent ou s'ouvrent autour d'elle. Les occupants qui y apparaissent se cachent, attendent, appellent et il y a même un chat ! Car, je le découvrirai au fil de la lecture, Ève les adore, mais n'ose en adopter un. Elle manque à, ce point de confiance en elle, qu'elle a peur d'oublier sa nourriture, elle qui serait capable de laisser mourir un cactus.
Dommage que je n'aie pas pu la rencontrer. J'aurais aimé la rassurer : contrairement aux idées reçues, les cactus ne sont pas des plantes aussi faciles à cultiver qu'on le croit et de nombreuses personnes les voient dépérir. Quant au félin, pas de souci, il sait très bien se faire entendre si on ne lui donne pas ses croquettes.
C'est Ève elle-même qui est la narratrice. Elle se présente comme une timide assez empotée qui file se cacher dans la réserve dès qu'un client franchit le seuil du magasin. Et pourtant, il en faut du courage pour quitter sa zone de confort et partir seule, loin du cocon familial.
Pendant des années, lorsqu'elle était petite, elle a vécu avec une mère apparemment bipolaire : « un jour, j'avais une maman impliquée, souriante et dynamique ; le lendemain, elle avait disparu pour ne laisser qu'une loque sous la couette. »
Pas la situation idéale pour forger à un enfant un caractère solide et optimiste.
Contrairement à ce qu'elle dit, Ève est très capable d'assumer de difficiles responsabilités.
Elle prend en charge un ami frappé par une terrible nouvelle, lui remonte le moral, dépense sans compter son temps libre pour être à ses côtés dans l'adversité.
Lorsqu'elle accepte l'idée qu'il est temps pour elle de se relever et de commencer une nouvelle vie plus conforme à ses aspirations, elle ne manque ni d'imagination ni de courage ni de ténacité.
June, sa collègue, a l'air d'une évaporée, excentrique et fofolle. En cas de coup dur, pourtant, Ève la trouvera à ses côtés pour la soutenir.
J'ai beaucoup aimé Damien, le meilleur ami, qui a compris beaucoup de choses qu' Ève s'évertue à cacher, mais qui les garde pour lui, afin de ne pas la perturber. Je le trouve très courageux, malgré sa solitude, abandonné par une famille ignoble, qui refuse de l'accepter tel qu'il est. Il posera pour Ève un acte d'une générosité incroyable dont peu seraient capables.
En revanche, Thomas, lui, ne m'a pas du tout plu. Je comprends qu'il soit choqué d'apprendre qu' Ève a menti, mais cette invention, ce n'est pas à lui qu'elle était destinée. Bien sûr, je suis adepte de la sincérité, mais les affabulations d' Ève ne nuisent à personne. Ce n'est pas comme si elle avait tué quelqu'un ou avait trompé son compagnon. Or, celui-ci lui ferme sa porte et son coeur sans même lui donner la possibilité de s'expliquer.
Pourtant, lorsqu'il a besoin d'un chauffeur pour le véhiculer jusqu'à l'hôpital où il doit rendre visite à sa soeur, il n'hésite pas à sonner chez elle. Pour cela, elle est assez bonne, mais, tout au long du trajet, il lui tourne le dos.
Il me semble que, lorsqu'on aime vraiment quelqu'un, on lui laisse au moins une chance, on ne le condamne pas d'emblée, sans avoir entendu sa version des faits. Cette attitude m'a fort choquée.
Le roman est divisé en chapitres dont chacun a pour titre celui d'une chanson (anglophone) des années 70. Je suppose qu'il s'agit de la playlist qu' Ève écoute en boucle. Malheureusement, comme, pour ma part, je n'en connais pratiquement aucune, je n'ai pas compris quel était leur rapport avec l'histoire.
Cet ouvrage m'a beaucoup plu. Je l'ai trouvé prenant, émouvant, touchant et je remercie Babelio de me l'avoir proposé lors d'une Masse critique privilégiée, ainsi que les éditions Hugo roman qui me l'ont envoyé.