AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,9

sur 211 notes
5
24 avis
4
25 avis
3
12 avis
2
6 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Qui va chanter une ballade pour Detroit ? Qui va chanter comment et pourquoi elle se meurt ? » A un moment, l'auteure fait penser cela à un de ses personnages et en lisant ces mots, je me suis dit : ce roman, c'est ça. Judith Perrignon l'a écrite pour nous, cette ballade pour Detroit. Ce roman fait mouche. Là où nous dansions est passionnant et émouvant. J'ai énormément appris en le lisant. On grince des dents et on chante sur les tubes de la Motown.

Detroit, cette gigantesque ville industrielle qui m'a fait penser à l'Isengard quand Saroumane y détruit tous les arbres pour armer ses Orques. Brûle ! Brûle ! Froid dans le dos. Detroit, où beaucoup d'Afro-américains se sont installés, quittant le sud pour travailler dans les usines de l'industrie automobile, Ford, Chrysler. Enfants et petits-enfants d'esclaves, pour qui le chant c'est la liberté, que personne ne peut te prendre, ni maître ni patron ni bailleur. Detroit, qui a vu naître la Motown et tous ces artistes célèbres. Stevie Wonder, Marvin Gaye, Diana Ross, Flo Ballard et Mary Wilson, devenues plus tard Les Supremes. Trois jeunes filles ayant grandi dans le Brewster Project, un ensemble de logements sociaux tout confort construits à partir de 1938 pour les Afro-Américains, une construction parrainée par Eleanor Roosevelt.

Le Brewster Project, fil rouge que Judith Perrignon a choisi pour nous raconter Detroit. Nous sommes en 2013 et le corps d'un jeune homme vient d'y être retrouvé, assassiné. Sarah et Ira sont flics et amis. Elle est blanche et travaille dans une unité de biométrie et identification, Ira est noir et a à son actif le meilleur taux de réussite dans les interrogatoires au niveau fédéral du pays. Là où nous dansions est un roman choral, où l'auteure entrelace et recoupe les vies et les époques, pour faire naître devant nous une image vivante, humaine et sans doute très juste de ce que fut Detroit, de ce qu'elle est devenue, pourquoi et par qui. La corruption du pouvoir, le racisme, une communauté sacrifiée à l'autel du capitalisme. Comment le quartier du Brewster Project a été jeté aux orties par la construction d'une autoroute en son sein, détruisant Hastings Street son artère palpitante de boutiques et de cabarets, foulant aux pieds le travail et les espoirs de toute une génération, et noyant les rêves des suivantes. Tous ceux qui ont alors perdu leur travail et leurs projets n'ont plus eu d'autre choix que de s'embaucher dans les usines et ce travail éprouvant, déshumanisant et dangereux a été le début d'une aliénation qui va déboucher sur la violence, l'alcool et la mort de toutes les illusions.

Mais je m'emporte et je brûle les étapes. Ira est issu du Brewter Project. Il y a grandi, comme sa mère Geraldine et son oncle Archie avant lui, lorsque sa grand-mère Roselle s'y est installée à la mort de son mari. En 1935, Geraldine alors petit-fille a dansé devant Eleanor Roosevelt venue célébrer le lancement du Brewster Project. Mary Wilson, pas encore des Supremes, était sa voisine. Mais ce qui fut à l'origine une révolution, des logements pour les noirs avec l'eau courante et tout le confort, s'est vite décrépi et a fini par se refermer sur eux comme une nasse lorsque Hastings Street a été détruite et tous leurs rêves avec eux. Les flics ont revendu un peu de drogue par-ci par-là et hop, le tour a été joué : le Brewster Project a mal tourné. Et en 2013, alors qu'il ne reste plus qu'une tour ou deux encore debout dans les ruines avant démolition, un jeune homme y a été assassiné. Qui était-il ?

Judith Perrignon nous raconte, avec les voix de tous ces gens, entre les années trente, les années soixante et maintenant, tout ce qu'ils ont vécu, ce à quoi ils ont cru, le chemin de leurs vies. Les tenants et les aboutissants économiques et politiques. Des blancs, des noirs, des êtres humains avant tout, pris au piège et pourtant attachés à cette ville extraordinaire que fut Detroit. le lieu de tous les possibles, vibrant d'énergie et de passions.

Cette histoire percutante et sensible est magnifiée par la plume de Judith Perrignon, aussi habile que belle, dans le reportage comme dans la fiction. Vous n'avez plus le choix : lisez Là où nous dansions.

PS : On m'a soufflé dans l'oreillette que Les faibles et les forts de la même auteure était à découvrir, je n'y manquerai pas !
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
Commenter  J’apprécie          190
Très beau livre sur la ville de Détroit et ses habitants d'hier et d'aujourd'hui.
On y croise Stevie Wonder, les Suprêmes et Diana Ross, Aretha Franklin et son père et des dizaines d'inconnus qui ont fait de Détroit cette ville industrielle, peuplée de noirs qui avaient espérés une vie meilleure loin du Mississipi.
Le fil conducteur de ce récit est la découverte d'un jeune blanc assassiné dans Brewster Douglass Project, une tour en cours de démolition voulue par madame Roosevelt pour y loger décemment les travailleurs noirs. de l'enquête menée par deux flics Sarah et Ira, on découvre le Détroit d'hier avec ses espérances, ses joies, les familles solidaires, les artistes connus aujourd'hui mais en herbe à cette époque et le Détroit d'aujourd'hui en banqueroute, en démolition où le crime est devenu légion et le remord absent.
Une belle écriture, de la poésie, du rythme font de ce roman un bel hommage à tous ceux qui ont vécu dans ce quartier aujourd'hui détruit.
Commenter  J’apprécie          92
Sarah et Ira, deux flics de Détroit. La première a grandi en banlieue avant de trouver sa place en ville, le second habitait au sein du Brewster Project, grand projet de logements résidentiels initié en 1935 par Eleanor Roosevelt, qui accueillit une grande partie de la population noire ouvrière de Détroit – celle qui s'épuisera dans les usines Chrysler –, avant d'être détruite entre 2013 et 2014. À travers ces deux personnages, et les ancêtres d'Ira, c'est tout un pan de l'histoire noire américaine que Judith Perrignon explore – le Brewster Project a vu naître Diana Ross et les Supremes, la famille de Stevie Wonder y habitait. "Là où nous dansions" trouve un équilibre précieux entre romanesque et documentaire. Derrière chaque ligne, on sent le travail d'enquête, le temps passé sur le terrain, les interviews des habitants, et de celles et ceux qui serviront de canevas aux personnages du roman. En cela, l'approche de Judith Perrignon rappelle celle de David Simon sur "The Wire" et plus particulièrement sur "Treme" : on y ressent la même nécessité de faire jaillir sur un même plan l'histoire de la ville et les liens émotionnels, parfois contradictoires, que ses habitants entretiennent avec elle. Une ville et des habitants malmenés par le racisme, par les crises économiques, qui essayent de tenir bon, malgré l'injustice. Intense, passionnant et nécessaire.
Commenter  J’apprécie          70
Ruine : (non féminin) Débris d'un édifice ancien ou écroulé. Débris d'une ville qui n'est plus le fantôme de ce qu'elle était. Détroit, habitée d'une âme et d'espoirs, qui se sont éteints peu à peu, pour laisser place à un simulacre de cité où le crime et la mort sévissent en maîtres incontestés.

Détroit. La ville qui a vu naître l'empire automobile d'Henry Ford, et par là même un certain essor économique. Qui a vu le célèbre peintre Rivera offrir une série de fresque sur l'industrie automobile. Qui a vu la première Dame Eleonore Roosevelt promettre envers et contre tous la réabilitaion de certain quartier de la ville, provoquant à la fois l'ire et la liesse, la grandeuer et la décadence de la ville.

Détroit. La ville qui a vu naître le célèbre label de musique Motown – contraction de Motor Town – ainsi que ses chanteurs mythiques qui lui ont permis de vivre, Diana Ross, The Suprems, Steevie Wonder. Ces enfants, ces jeunes issus du Brewster Project et qui faisaient la fierté de leurs ainés, de leur quartier, de leur ville.

Détroit. La ville qui s'est vue abandonner par ceux qui l'encensaient, qui s'est vue sombrer dans le crime et la délinquance, impuissante à se battre, impuissante à survivre face au marasme dans lequel elle a été plongée.Détroit, la ville que nous conte Judith Perrignon dans Là où nous dansions. « Detroit, 2013. Ira, flic d'élite, contemple les ruines du Brewster Douglass Project où s'est déroulée son enfance. Tant d'espoirs et de talents avaient germé entre ces murs qu'on démolit. Tout n'est plus que silence sous un ciel où planent les rapaces. Il y a quelques jours, on y a découvert un corps – un de plus. Pour trouver les coupables, on peut traverser la rue ou remonter le cours de l'Histoire. Quand a débuté le démantèlement de la ville, l'abandon de ses habitants ?«

Ira nous offre le passé de sa famille, celui de son oncle Archie, de sa mère Géraldine, de sa grand mère Roselle. de ce miroir aux alouettes qu'a été le Brewster Douglass Project, ce quartier sorti de terre dans les années 1930, promesse de jours meilleurs et d'un avenir radieux. Chimère au final que tous ces espoirs portés en vains. Ce quartier qui a vu peu à peu s'installer la pauvreté, les petits larcins et délits, et pour finir, comme irrémédiable et irrévocable le crime. Ira ou les espoirs déchus.

Sarah quant à elle nous offre la ville contemporaine, grevée de gravats et de débris. Jonchés de corps inanimés, anonymes oubliés, non réclamés par leur famille. Sans identité. Sans avenir, mais sans passé également. Sarah ou la résignation macabre.

Judith Perrignon nous offre avec Là où nous dansions une tranche de vie de Détroit, de celles de ses habitants qui l'ont vu péricliter. tomber dans le chaos, dans la banqueroute. le témoignage des ses voix du passé et du présent – Ira et Sarah – qui luttent pour ne pas perdre pied dans cette jungle urbaine gangrénée de crime, qui luttent pour que la justice puisse toujours exister. Qui luttent pour faire survivre l'espoir.

Belle lecture à vous !
Lien : https://lesjolismotsdeclem.c..
Commenter  J’apprécie          60
Texte choral très complet : Ce roman aux forts accents documentaires est une formidable immersion dans l'histoire ethno et socio de Détroit pimentée par une intrigue policière. Piquée par la curiosité, je suis sortie des lignes de Judith Perrigon et découvert sur le net des images de ce décor surréaliste mais pas que : à qui l'autrice dédicace-t-elle son texte ? Faites connaissance avec Bilal Berreni en visionnant le film d'Antoine Page "C'est assez bien d'être fou" en lien direct avec le roman. https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=278087.html
Et visitez aussi le site de Zoo Project : https://www.zoo-project.com/hommage/zoo-project/apercu-de-ses-oeuvres/
En lice pour le prix des Lecteurs du Var : je croise les doigts pour ce livre.
Commenter  J’apprécie          50
Déambuler dans Downtown Detroit est une expérience singulière : de vieux bâtiments tagués laissés à l'abandon, aux fenêtres brisées et aux murs décrépis flirtent avec des constructions récentes, flambant neuves au rez-de-chaussée s'ouvrant sur des restaurants à la mode. Detroit fut la ville du rêve américain par excellence, celle où se sont construites les « usines de la liberté » qui garantissait un toit, l'eau courante, l'électricité et la possibilité d'acheter une voiture. Dans ce récit en deux temps, l'un commençant en 1935 et l'autre en août 2013, Judith Perrignon fait de Detroit le personnage principal de son roman « Là où nous dansions ». Siège de la Motown, des premiers artistes noirs américains devenus cultes, qui avaient le « move » dans l'âme et sous la peau, berceau de l'industrie automobile, fleuron des usines qui tournent à plein régime, Détroit naît. Detroit est un territoire qui ne peut se parcourir à pied, transpercé de plusieurs autoroutes qui se croisent et s'entremêlent. Dans son ventre, surgissent de terre des tours, un projet ambitieux porté à bout de bras par Eleanor Roosevelt : le Brewster Project.

Elles serviront à abriter les ouvriers qui travaillent dans le secteur automobile. « Tu sens Detroit vibrer, une machine folle, huilée, qui tourne sans arrêt, qui va t'entraîner, t'employer, t'absorber, t'épuiser, te broyer peut-être, mais t'es fier d'en être, parce qu'ici on calibre les voitures, les magasins, les pistes de danse et les canons du monde entier. Alors, tant qu'à suer quelque part, autant que ce soit là. » Mais comme toute ville américaine derrière l'image d'Épinal se cache une autre réalité : une volonté de parquer un genre humain. L'Amérique ne sait comment cacher cette « population » qui dérange.

Ce récit poétique, réaliste explore les deux faces d'une même pièce, splendeur et décadence. Une ville qui sort de terre, puis une ville qui meurt par la violence économique et la montée du racisme. L'auteur avait à coeur de mettre en lumière un troisième aspect des choses : celui de la reconstruction du coeur de Detroit en redonnant vie à un centre-ville déserté par les blancs, en y construisant des appartements luxueux pour les encourager à y revenir. « La ville a tout d'une vieille dame qui hésite entre l'effondrement et la résurrection. »

Au coeur de Detroit, surnommée la Paradise Valley, deux personnages prennent vie. Deux flics, l'un noir, Ira ayant toujours vécu là, l'autre blanche, Sarah. Un corps est retrouvé sur un terrain vague, au milieu de 4 tours, un corps à qui il faut redonner une identité. Pour cela, il faut comprendre ce qu'était cette ville du temps de sa splendeur, et ce que faisait là celui qu'on surnomme « frat boy », un étudiant appartenant certainement partie d'une fraternité universitaire.

C'est alors toute l'histoire de Detroit qui ressurgit, le passé se mêle au présent en 4 saisons, dans un savant mélange de souvenirs, de tranches de vie piochées entre 1935 et 2013, de personnalités connues, au gré des déambulations des deux personnages humains phares. Ainsi, le lecteur flâne sur Michigan Avenue, Woodward Avenue, Hastings Street, découvre la « John King used and rare book library », le restaurant Louie's louie, l'épicerie de Mr Dotty, le Castle Show, le Graystone Ballroom, mais fait aussi la connaissance de celles qui deviendront « les Supremes », Diana Ross, Florence Ballard et Mary Wilson qui chantaient dans la cuisine de l'une des tours en 1960, « les Primettes », Mary Wells, Marvin Gaye et le petit Stevie Wonder. « On dit souvent qu'à Detroit le bruit de l'industrie a influencé la musique. »

Judith Perrignon honore Detroit en lui rendant ses lettres de noblesse. Cette ville emblématique de l'industrie automobile, bercée par les premières notes de Motown, a connu un succès fulgurant en représentant la belle et grande idée d'une Amérique prospère, un lieu en éternel mouvement, où le bruit des usines tournant à plein régime a bercé les nuits de ses habitants. le tumulte, l'effervescence et le bouillonnement se sont peu à peu tus, pour laisser place à la violence du système économique capitaliste, en créant racisme et montée en puissance de la criminalité. Cette ville a pourtant représenté une forme de résistance, par la musique d'abord, puis l'expression d'une révolte par les émeutes de 1967. Elle était un sortilège qui envoûtait les âmes par la musique et symbolisait la possibilité d'un modèle du « vivre ensemble » réussi. « Detroit a le syndrome de l'abandon. », mais Detroit se reconstruit…

Merci, Judith, pour cette balade teintée de nostalgique, dans une ville que l'on croit connaître, mais que l'on redécouvre finalement à chaque fois. Mes deux années d'expatriation n'auront pas suffi à la posséder vraiment, mais je suis heureuse d'imaginer que peu à peu, elle renaît de ses cendres.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
Commenter  J’apprécie          50
La ville de Détroit, après les crises du début du 21e.
Je ne connaissais pas cette autrice et j'ai cru pendant un moment qu'elle était américaine, tellement elle connait bien l'histoire de cette ville, mais aussi les problématiques des afro-américains, des pauvres...
Le coeur de l'histoire est le Brewster Douglass Project, ensemble construit au moment au moment du New Deal pour les familles de travailleurs pauvres, afro-américaines. Ce complexe a été progressivement détruit à partir des années 90 à cause de la vétusté mais surtout de la criminalité.
L'autrice, Judith Perrignon reprend aussi de l'histoire réelle d'un jeune artiste français, mort assassiné au pied de ces tours en partie désaffectées en 2013.
On pourrait penser qu'il s'agit d'un roman policier car le personnage principal est un vieux flic. Mais l'enquête qui est résolue n'est pas l'essentiel du roman. J'aurais pu aussi rester sur le mystère de cet assassinat, cela aurait ajouté un peu plus de trouble et de noirceur à ce roman...
C'est vrai, il n'est pas très joyeux, à l'image de cette ville qui a connu son heure de gloire au temps de l'essor de l'industrie automobile, qui a été déclarée en faillite en 2013, qui a vu sa population chuter, ceux qui pouvaient partir la quittaient pour vivre mieux.
C'est la manière dont le récit est construit, avec un entrelacs des périodes, des personnages, on suit les débuts de Diana Ross née dans ces tours, on revient aux luttes des travailleurs, à l'enfance d'Ira, le policier, à la vie de sa mère, de sa grand-mère, à la place des noirs dans la société américaine, tout cela se croise avec ce présent si désespérant.
C'est un roman bien écrit, bien construit, qui m'a donné envie de mieux connaitre l'histoire de Detroit, de lire d'autres livres de cette autrice.
Une belle découverte, par hasard chez ma libraire... elle avait mis un petit commentaire laudateur et comme je pensais que c'était une autrice américaine.... je l'ai pris.
Bonne pioche !
Commenter  J’apprécie          40

Juillet 2013. La ville de Detroit est déclarée en faillite. Un « manager » est nommé pour redresser ses finances. Il va raser des zones vétustes pour construire des immeubles chics destinés à accueillir la classe moyenne blanche exilée en banlieue. Parmi les victimes de cette gentrification, le Brewster Douglass Project dont la construction avait été inaugurée par Eleanor Roosevelt en 1935. le programme immobilier était destiné à loger des familles afro-américaines.
Dans les années 1960 où Judith Perrignon, journaliste-écrivaine, nous entraîne en flashbacks, le quartier déborde de dynamisme : musical avec, entre autres, le groupe « The Supremes », fleuron de la Motown et industriel avec le secteur automobile fournisseur
d'emplois à une main d'oeuvre pléthorique.
Cinquante ans plus tard, tout a changé : la population a fondu et la drogue, la violence, les assassinats sont le quotidien des habitants qui restent, trop pauvres pour partir ou encore attachés à ce qui devait être un paradis et qui le fut le temps de quelques années. Après avoir été le symbole de la réussite, la ville est devenue l'emblème de l'échec.
Héroïne du récit, Detroit est incarné par ses habitants parmi lesquels Ira, flic d'élite né en 1959 réputé pour ses méthodes douces. Il a grandi dans la cité entouré de sa mère, de son père et de son oncle Archie. Il y a aussi Sarah, une policière blanche chargée de croiser le fichier des disparus avec celui des cadavres non identifiés. Elle passe ses journées à la morgue, un endroit qui en dit beaucoup sur la misère humaine. Elle est obsédée par le cadavre d'un garçon qu'elle surnomme Frat Boy et que personne ne réclame.
Tous entretiennent un rapport d'amour-haine avec leur ville abandonnée, ghettoïsée mais qui bouge encore grâce à l'énergie de ceux qui l'habitent, derniers Indiens d'un territoire oublié, nostalgiques d'une époque révolue mais magnifiée et qui pourrait renaître.
Detroit, si puissament et justement évoquée par Judith Perrignon, est l'allégorie de l'échec du rêve américain et du capitalisme sauvage qui exploite l'humain et la nature mais dont la rédemption est possible. Comme un pied de nez à ceux qui l'ont rayée de la carte.
Le livre a été dédié à Bilal Berreni, street artiste français tué à Detroit en 2013. « Parce qu'il était sur notre territoire » ont expliqué ses quatre jeunes meurtriers. Glaçant...

EXTRAITS
- le point faible ici, c'est les pères.
- On dirait que la jeunesse écrase le vieux monde, ses pas de deux et ses codes raciaux, qu'elle résout tout en se trémoussant sur The Supremes.
- La ville est un immense circuit de production, elle ne répond à aucune esthétique, à aucune question, à aucun rêve humain.
- Il n'y a que des trous là où il y a eu leur vie.
- La ville a tout d'une vieille dame qui hésite entre l'effondrement et la résurrection.
- Les bulldozers ont bien travaillé. Raclé le sol, et peut-être aussi nos âmes.
Lien : http://papivore.net/litterat..
Commenter  J’apprécie          42
Beau roman sur Detroit, et les « carcasses d'une épopée industrielle où désormais le ciel et le vent s'engouffrent ».

Judith Perrignon fait des allers-retours entre la glorieuse Detroit des années 60, celle de la Motown et de l'industrie triomphante, et la shrinking city en banqueroute des années 2000. À travers les destins de plusieurs familles, elle retrace les bouleversements urbains au prisme du ghetto noir du Brewster Project qui revit sous sa plume. Nostalgique et émouvant, le roman rend toute leur dignité aux acteurs de cette épopée, aux « gens d'ici », aux fantômes de Detroit, entre espoir et colère et dessine à petites touches le portrait sensible et émouvant de cette ville meurtrie.
Commenter  J’apprécie          30
J'ai été très touchée par ce livre, qui raconte, sur trois époques et cinq saisons (de l'été à l'été), la vie d'une famille de Detroit dans un quartier particulier, le Brewster Project, à savoir les premiers logements sociaux initiés par les Roosevelt pour les Afro-américains.
Les tours ont été détruites, mais leur souvenir persiste. Ces quartiers ont aussi vu naître des voix de la Motown, dont les Supremes, qui font également partie de l'histoire.
Il y a également une enquête sur le meurtre d'un jeune homme qui sert de fil conducteur à travers tout le roman.
Ça peut paraître compliqué comme ça, c'est foisonnant, mais la structure est absolument limpide et, quel que soit le prisme utilisé, le livre est toujours passionnant et pertinent, ce qui rend cette lecture extrêmement agréable.
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (499) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1076 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}