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L’art perdu du débat
Les historiens ont relevé dans l’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault de multiples erreurs (…) Plus du quart des références du premier chapitre Stultifera navis comportent des erreurs ou des approximations (…) Rien de tout cela n’a pourtant débouché sur une campagne de presse visant à mettre Foucault au ban de l’université…
Ainsi Gérard Mordillat et Jérôme Prieur : ces romanciers et cinéastes dépourvus de toute formation historique et exégétique qui, ignorant le grec, n’ont aucun accès aux textes des Evangiles, ont publié un livre intitulé Jésus après Jésus. La christianisation de l’Empire romain, prolongé par une série télévisée intitulée L’apocalypse dont Jean-Marie Salamito, professeur d’histoire du christianisme antique à la Sorbonne, a montré dans un petit livre incisif qu’il fourmillait d’erreurs, de contresens, d’incompréhensions, de confusion, de contradictions et de rapprochements absurdes ouvrant la porte à des interprétations tendancieuses.
Il en va donc de la civilisation comme de la dette : on n’a le droit de parler de civilisation que lorsqu’elle est arabo-islamique et de dette que lorsque le créancier est musulman.
Le 12 septembre 2006, le pape Benoît XVI avait prononcé à l’Université de Ratisbonne (…) une conférence académique devant un aéropage d’universitaires, conférence intitulée Foi, raison et université : souvenirs et réflexions. Radios et télévisions ayant repris sans vérification des dépêches d’agences de presse affirmant que le pape y avait dénoncé la violence de l’islam, des églises furent incendiées en Irak et en Palestine et plusieurs chrétiens assassinés, dont une religieuse septuagénaires à l’hôpital de Mogadiscio, par des gens qui n’avaient pas lu le discours de Benoît XVI mais qui, informés de son contenu par des journalistes qui ne l’avaient pas lu davantage, entendaient montrer ainsi qu’on avait bien tort de lier l’islam et la violence (…) De l’islam il n’était question que dans l’introduction à travers une citation, celle d’un court dialogue entre l’empereur byzantin Manuel II Paléologue et un lettré persan dans lequel celui-là reproche à Mahomet d’avoir diffusé la foi par l’épée. Bien loin de reprendre à son compte ce reproche, le pape prenait au contraire ses distances avec lui en soulignant la « rudesse » et le caractère peu « amène » du propos, et surtout il le laissait de côté pour extraire du dialogue cité l’argument que le Byzantin opposait au Persan, argument qui allait servir de fil conducteur à la conférence et qu’on retrouve das la conclusion. Cet argument est le suivant : « ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. » (…) le Pape n’y traitait pas de l’islam et de la violence, mais, s’agissant des rapports de la religion et de la raison, ses principales cibles se trouvaient à l’intérieur du christianisme : le volontarisme de Duns Scot, la réforme protestante, la philosophie kantienne et le subjectivisme moderne.
On a contesté qu’identité fût un mot juste sous prétexte que toute identité se construit et qu’aucune n’est figée (…) nous savons bien que toute identité, celle d’une nation comme celle d’un enfant qui devient homme, se construit dans une histoire, et cela ne nous empêche pas de parler de l’identité dans de multiples circonstances où il ne s’agit pas de celle de la France. Celui qui s’aventurerait à nier l’existence d’une identité palestinienne s’exposerait à de graves ennuis avec la plupart des signataires de la pétition lancée par Médiapart le 2 décembre 2009. Quant aux militants du Front de gauche et aux députés « frondeurs » du parti socialiste, lorsqu’ils réclament que la gauche soit fidèle à ses valeurs, ne lui demandent-ils pas de conserver son identité ?
(…) la presse avait massivement opposé aux adversaires du genre à l’école un tir de barrage dont le maître mot, le maître-argument, (…) était : « La théorie du genre n’existe pas. » (…) Pourtant la notion de « gender theory », de même que celle de « queer theory », est tout aussi attestée dans le monde anglo-saxon (…) Que la théorie du genre ne soit pas unifiée, c’est bien la moindre des choses : toutes les théories sont provisoires et aucune n’est parfaitement unifiée. Cependant si ces théories au pluriel ne reposaient pas sur un substrat qui leur fût commun, si elle se bornaient à se contredire les unes les autres sur tous les points… (…)
A vrai dire c’est parce qu’ils soupçonnaient leurs adversaires d’utiliser le mot théorie en lui donnant une connotation dépréciative que les promoteurs de la théorie du genre ont voulu censurer ce mot : dans l’esprit de beaucoup la théorie, surtout si on l’oppose à l’expérience ou aux faits, est par essence fumeuse, pure vue de l’esprit sans consistance ni rapport à la réalité.
André Perrin, auteur de l'essai "Scènes de la vie intellectuelle en France" invité sur le plateau de tv Libertés.