Ne pas dire plus qu'on ne voit
plus qu'on ne sait plus qu'on ne sent
c'est un métier très difficile
car la fable est au bout du compte
Deux hommes face à même chose
la décrivent tout autrement
et combien d'hommes dans un homme ?
Un moment d'enfer conjugal
mots lancés à fendre le crâne
pulvérise dans son horreur
six mois de calme relatif
Avec les enfants le contraire
cinq minutes délicieuses
vous font oublier sur-le-champ
leur dictature pleurnicheuse.
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu’il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuir
p.93
Je partais de la rue Lepic
d'un garni mes parents avaient
laissé leurs meubles en Alsace
ou presque il s'agit de Belfort
(p. 37)
Je ne saurais vous dire tout
Et ne pourrais car le mystère
c'est bien cela vouloir tout dire
et s'apercevoir à la fin
que la marge est tout aussi grande
qui nous sépare du prochain
Pendant qu'on écrit l'existence
que l'on dit avoir bouge et change
et quand on parle à un poète
de son dernier recueil il est
depuis longtemps miné par l'autre
aussi brûlant définitif
qu'il nous fera lire demain
Si nous vivions siècles durant
on n'en finirait pas d'aller
au seuil de notre vérité
qui recule quand on la presse
et nous envahit quand on dort.
p.92
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu'il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuir.
Ce qu'est un homme dans la vie
m'importe peu C'est son envie
d'être autre chose qui m'excite
Autre chose que seul errant
aux caprices d'une aventure
dont il pense tenir les rênes
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu'il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuir.
Que dire à l'enfant qui regarde
des arbres derrière fenêtre
et vous demande ce que c'est
De quoi veut-il parler des arbres
ou de la fenêtre qu'un doigt
sillonne Que veut-il savoir ?
J'avance en âge mais vraiment
je recule en toute autre chose
et si l'enfance a pris du temps
à trouver place en moi je pense
voilà qui est fait et je suis
devenu susceptible au point
qu'on peut me faire pleurer rien
qu'en me prenant par la main Je traîne
en moi ne sais quelle santé
plus prompte que la maladie
à me faire sentir la mort
Tout m'émeut comme si j'allais
disparaître dans le moment
Ce n'est pas toujours amusant.