absolument magnifique!
Je recommande ce livre à tout le monde
Commenter  J’apprécie         130
Tout à sa frénésie de peindre, il délire de bonheur. Cette frénésie ne va pas, hélas, sans de gros frais. Il lui faut, pour nourrir sa passion, acheter sans arrêt toiles et couleurs. "J'ai dû dépenser, aussitôt la lettre reçue, presque tout pour des couleurs et des toiles et je voudrais bien qu'il te fût possible de m'envoyer encore quelque chose ces jours-ci". il se met, et il met certainement aussi Théo, dans des situations embarrassantes. Que faire, pourtant ? Ralentir son rythme, freiner, endiguer son débordement créateur ? Il ne peut pas en être question. Les vergers sont en fleurs, il se sent en de bonnes dispositions, et l'on doit "battre le fer tant qu'il est chaud"...
A peine arrivé à Nuenen, Vincent se rend compte à quel point, entre lui et les siens, le désaccord est maintenant irrémédiable. Au presbytère, où on lui réserve pourtant un accueil "amical", on le comprend moins que jamais. Ces parents et ce fils ne parlent pas la même langue. Ce que lui, Vincent, exprime avec une candeur bougonne, gauchement et naïvement, en terme de destin, son père, sa mère, ses frères, ses soeurs, les voisins, le traduisent, eux, dans les mots les plus plats des réalités terre à terre. "Pourquoi ne vends-tu pas ?" lui demande-t-on continuellement. On lui reproche de ne pas gagner d'argent. On lui fait sentir que les mensualités de Théo sont, premièrement, une aide précaire, deuxièmement, "une grâce faite à un barbouilleur". (p. 204)
Parfois, encombré de quelques toiles, Vincent, pour se procurer quelque monnaie, en prend un lot avec humeur et va les céder à un brocanteur qui les revend comme "toiles à repeindre". Dérision ! "Le Tambourin" (café que fréquentait Van Gogh à Paris) a été mis en faillite, et ce qu'il contenait, saisi, hâtivement vendu aux enchères sur le trottoir même. Les toiles de Vincent, liées par dix, ont été adjugées "de cinquante centimes à un franc le paquet". Dérision ! Dérision ! Travail vain, absurde. Amer piétinement. Théo a bien essayé d'introduire dans sa galerie une ou deux toiles de son frère. Mais les clients hochent la tête avec des moues significatives devant ces oeuvres et les peintres que Théo protège jugent eux-mêmes qu'il ne devrait pas compromettre par des "extravagances" leur petite chance d'arriver. Vincent, naturellement, supporte mal ces avanies. Il s'en prend à Théo, ronchonne, éclate. Terrible hiver ! (p. 292)
« Celui qui veut faire quelque chose de bon ou d'utile ne doit pas tabler sur l'approbation ou l'appréciation générale, ni la désirer, mais au contraire n'espérer de sympathie ou d'aide que de très rares cœurs, et encore de quelques-uns » : cette phrase de Renan, que Vincent cite de mémoire à Théo, n'a jamais quitté son esprit. Demain comme hier, elle sera son credo. Il cultive et cultivera l'art pour lui même, tel un horticulteur qui ne se soucierait pas du cours des oignons de tulipes, resterait indifférent aux marchandages dont ils sont l'occasion.
"Je sens en moi un feu que je ne peux laisser éteindre, qu'au contraire je dois attiser, bien que je ne sache pas vers quelle issue cela va me mener."
"Je ne puis me soucier de ce que les gens pensent de moi, il faut que j'aille de l'avant, c'est à cela que je dois penser...si je ne vaux rien maintenant, je ne vaudrai pas davantage plus tard."
"Je réussirai.Non pas que je deviendrai quelque chose d'extraordinaire, mais bien quelque chose d'ordinaire."