La veillée de Noël - Jack l'Eventreur - Bilingue français/anglais

Mon collègue et ami Sherlock Holmes n’avait que peu d’estime pour la nature logique des femmes. En fait, il considérait que leurs qualités résidaient dans un tout autre domaine, domaine qui n’avait que peu d’intérêt à ses yeux, car la vie domestique ne l’attirait pas. C’était un personnage dont l’esprit des plus brillants avait besoin d’être constamment stimulé, sinon il sombrait dans un état proche de la neurasthénie. Il pensait que les femmes avaient tendance à tout voir à un niveau personnel et émotionnel. Les joies abstraites de la raison pure étaient hors de leur portée.
En vérité, si la jeune femme qui était assise dans nos appartements de Baker Street en cette froide matinée, trois jours avant Noël, était représentative de son sexe, alors je ne pouvais opposer aucun argument à Holmes. Elle était tout ce qu’il trouvait d’irritant : petite, à l’allure enfantine, avec un vêtement tarabiscoté et des manières affectées. Elle ne cessait de tripoter son manchon de fourrure, le caressant comme si c’était un animal, et arrachant des poils avec ses doigts. Le pire de tout, elle paraissait incapable de maintenir le fil de sa pensée ou d’achever une phrase et s’interrompait constamment.
Je devinais qu’Holmes était sur le point de perdre patience. Il avait accepté de la voir parce qu’il s’ennuyait et que sa lettre reflétait une urgence et un péril.
Jusque-là notre visiteuse nous avait parlé des délices de Noël dans le Northumberland, de la neige fraîche, des feux de cheminée crépitant, de la splendide campagne.
Elle avait décrit le garde-manger et le cellier remplis de victuailles et l’ensemble des festivités de Noël. Elle s’était interrompue pour mentionner les écuries et le jardin d’hiver, le charme du jardin, même en cette période de l’année.
Finalement Holmes ne put en supporter davantage.
— Miss Bayliss, dit-il calmement. Soyez assez aimable pour en venir au fait. Jusqu’ici vous avez dépeint une situation idyllique. De quoi avez-vous peur ? Si tout est comme vous le décrivez, qu’est-ce qui vous amène à Londres ? Et par-dessus tout, qu’est-ce qui vous amène à moi ?

[Extrait de La veillée de Noel]