Ils sont tous là pour me scruter, pas pour m'entendre. Ils attendent ce qu'ils croient déjà savoir. On dit que les enfants ne croient qu'en ce qui les arrange, mais la vérité, c'est qu'on ne peut pas les berner. Les adultes, en revanche, veulent choisir eux-mêmes l'histoire qui leur convient. Les gens se moquent de ce que les autres disent ou ressentent, de ce qu'ils ont traversé, appris. Les gens ne s'intéressent qu'à ce qu'ils sont déjà certains de savoir.
Dans les contes, les trolls se changent en pierre quand le soleil les surprend. À mon avis, cela signifie que si on expose les choses terrifiantes, qu’on les révèle, elles cessent de l’être. En vrai, c’est le contraire. Trop de lumière et de « vérités », d’ « ouvre ton cœur », de « dis ce que tu éprouves » et de « n’aie pas peur de parler de tes problèmes » ne fait qu’étaler à la face du monde quel monstre vous êtes. Vos mauvais sentiments se voient comme une verrue poilue au milieu de la figure.
Je ne veux pas penser que c'est quand tout peut arriver, quand toutes les portes sont ouvertes, que le courant d'air les fait claquer.
Une fin n'est tragique que si elle a été précédée d'une alternative, que si elle ressemble à une conclusion injuste. Pas quand elle est inévitable.
Je m'étais assise à un arrêt de bus de l'autre côté de la place et avais finalement sorti mon téléphone pour m'orienter. Je n'avais pas le choix. Je gardais l'autre mais dans la poche où se trouvait ma bombe lacrymogène, faisant de mon mieux pour me convaincre que ce n'était pas parce que j'avais peur que j'étais raciste. Je m'étais rappelé les mots de maman : être prudent, ce n'est pas forcément être effrayé.
Je veux raconter. Je me fous des conséquences. Le pire a déjà eu lieu.
C'est le pire cauchemar de tous les parents... Voir ses enfants partir le matin et ne jamais rentrer à la maison le soir.
Mais en cet instant, je ne pleurais pas. A quoi bon, il n'y avait absolument rien que je puisse faire. Une fin n'est tragique que si elle a été précédée d'une alternative, que si elle ressemble à une conclusion injuste. Pas quand elle est inévitable. Dans la situation où je me trouvais, pleurer ne servait à rien.
J'essaie de me dire que Lina ne saisit pas ce qui se passe. Qu'elle est épargnée par cette histoire. Mais ça ne marche pas très bien. Je n'arrive pas à me convaincre qu'on a moins peur quand on ne comprend pas. C'est plutôt le contraire, je suis bien placée pour le savoir.
Seuls les idiots s’obstinent à dire que l’identite et le passé ne comptent pas. Ils parlent de dignité humaine, comme si ce concept n’etait pas inventé de toutes pièces.