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Critique de Erik35


LES DESSOUS CHICS... (DE BROCÉLIANDE)

Lorsqu'on habite à l'orée de la célèbre et mystérieuse (pour ceux qui aiment se laisser aller aux mystères des lieux) forêt de Brocéliande, il est bien entendu évident que lorsqu'une énième bande-dessinée est publiée sur le sujet, quoi que toujours méfiant, on fini très rapidement par se laisser tenter.

La méfiance sourde encore un peu plus lorsqu'on reconnait le sigle de la collection "Soleil-Celtic", des éditions, spécialisées Bande-Dessinée, Soleil. Non que tout y soit inaltérablement mauvais - il s'y trouve même d'excellentes choses - mais l'hyper présence du scénariste Jean-Luc Istin au sein de cette collection dont il se trouve par ailleurs directeur de collection en donne, parfois, un caractère uniforme et redondant qui manque de franche originalité (certains de ces scénarios sont toutefois d'excellente qualité). Sans omettre que les collections y sont assez régulièrement interminables, sans que les scénarios le méritent de manière égale.

C'est donc avec ce lourd passif et ces quelques hésitations que la lecture de ce "Brocéliande T01 : La Fontaine de Barenton" fut donc entamée.

Resituons rapidement ce lieu : cette fontaine, connue de haute-antiquité, a toujours parue magique à ceux l'approchant. En effet, bien que froide, elle "bouillonne". Oh! que le futur randonneur ne s'attende pas non plus à découvrir un geyser islandais. Il ne s'agit en réalité que d'émissions régulières et plus ou moins actives de gaz carbonique, mais la chose est assez peu courante dans la région pour qu'elle en puisse paraître d'émanation magique. Par ailleurs on peut sans l'ombre d'un doute estimer que c'est LE lieu le mieux reconnu de l'antique Brocéliande (Brecheliant ou Brecilien dans des textes anciens), celle-ci étant même nommément citée dans un des plus vieux actes juridiques du secteur, attribuant cette forêt au Comte de Laval. le grand auteur Robert Wace, enfin, qui inspirera notamment Chrétien de Troyes, la signale dans son texte le Roman de Rou dès le début du XIème siècle.

Il est par ailleurs à noter que dans une région pourtant fort longtemps dévouée, jusqu'à la superstition, à la religion catholique, laquelle eut la manie viscérale à christianiser des lieux de probable foi "païenne" antique, la fontaine de Barenton n'eût jamais droit à son crucifix ni à sa Sainte Vierge, ce qui ne laisse pas d'étonner quand on sait qu'en cas de sécheresse grave (si, si, cela arrive, même en Bretagne...) c'est la seule fontaine du secteur à n'être jamais asséchée. Les voies du "petit peuple" - le sous-titre de cet album lui rend directement hommage - sont impénétrables !

Ceci étant dit, l'une des légendes les plus vivaces concernant ce point d'eau entouré de pierres ne se réfère pas spécifiquement à ce cher Merlin mais à sons étrange capacité à déclencher la pluie lorsqu'on en retire un peu d'eau que l'on verse ensuite sur son perron. Chrétien de Troyes ira plus loin encore, y faisant intervenir un mystérieux mais dangereux chevalier noir ainsi que le célèbre chevalier de la table ronde, Yvain, dit le chevalier au lion. Mais ceci est une toute autre histoire !

Ici, la fontaine ressemble plutôt à un gentil prétexte. Celui des premières rencontres entre le plus grand des enchanteurs et la délicieuse Viviane, pas encore Fée en cette prémisse de série mais déjà très désirée de l'intrigant métamorphe. Si la trame globale de la légende "classique" y est convenablement respectée, c'est dans les détails que se niche l'originalité de cet album et les petites libertés prises avec les grands auteurs du mythe. Mais c'est ainsi que la légende perdure : chaque conteur y apporte ou en soustrait les détails qu'il souhaite, enrichissant parfois, appauvrissant à d'autres moments, selon ses qualités et selon son génie, une matière légendaire en constante évolution. le jour où tout ceci sera définitivement figé, alors ce sera signe que l'imaginaire arthurien aura commencé à entamer son long chemin vers sa disparition. Fort heureusement, nous en sommes encore très éloignés.

Ainsi, pour pimenter cette rencontre mythique entre le druide mi-homme mi-démon et l'inoxydablement ravissante Viviane, allons-nous croiser un lutin maître conteur, deux insupportables korrigans, bêtes et méchants, mais surtout très bêtes. Ainsi que, comme déclencheurs à cet histoire trépidante, trois frères humains, mauvais, scélérats, stupides mais rusés et chasseurs d'animaux rares de leur état. Ces trois malandrins, dont l'un d'eux est aussi gigantesque que demeuré, ont entendu parler d'un étrange cerf blanc que nul chasseur n'est jamais parvenu à attraper, ce qu'ils ont bien l'intention de faire afin d'en revendre le massacre à prix d'or (NB : terme de cynégétique).

Inutile de vous en narrer les détails : tout est dans l'album ! L'ensemble se parcours avec plaisir, on y croise une Viviane qui, pour une fois, n'est pas peroxydée. Elle est même particulièrement brune, attribut capillaire plus traditionnel de la terrible Morgane (c'est bien connu : les Brunes sont mauvaises tandis que les Blondes sont des saintes...).
Bien que l'humour présent dans l'album soit assez basique (on sourit tout de même souvent), un rapide et amusant rappel à un certain lapin blanc du "Sacré Graal" des Monthy Python est plutôt bien venu et le scénario d'Olivier Peru tient, il faut le reconnaître, très bien la route avec son idée de "work in progress" du conteur vivant lui-même le conte qu'il est sur le point d'écrire. Par ailleurs, quoique que fort bien réalisé et coloré, le dessin de Bertrand Benoit et les couleurs d'Elodie Jacquemoire, d'excellentes factures, respectent à ce point les codes du genre qu'on fini par oublier que l'on se trouve d'un album très récemment publié d'une nouvelle série annoncée (a priori, sept albums prévus). Mais aucune faute de goût ni négligence ni facilité à déplorer.

Un moment agréable, pas révolutionnaire donc, pour une lecture aisée, un peu trop naïve et fleur bleue à notre goût, mais tout à fait respectueuse du genre et au résultat des plus respectables. Une bien gentille introduction à cet univers riche et merveilleux.
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