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Critique de ClaireDoc


Le tome 4 des Haut-Conteurs est mon préféré ! le récit est dense et pourtant la langue se calque sur l'histoire avec une fluidité maîtrisée. Ce monde de la montagne hurlante me rappelle l'univers Lovecraftien.
Tout d'abord, j'ai été particulièrement happée par l'entrée « in medias res ». Roland, enfermé dans une cellule, découvre sur les parois de sa prison des mots qu'il a lui même gravés et qui évoquent des personnages qui ne lui disent rien : Mathilde, Lothar, Asa...et les 13, qui sont-ils ? Il est amnésique. Rompant avec les entrées en matière plus traditionnelles des tomes précédents, on est bousculé par ce nouveau mode de narration. On suit la pensée de Roland, son monologue, de si près que l'on pourrait se croire en focalisation interne. Comme Roland reste seul un bon moment, on découvre vraiment sa psychologie. J'ai trouvé cela particulièrement appréciable, et me souviens justement que dans les autres tomes j'avais aimé aussi les scènes resserrées sur lui seul. N'oublions pas que dans le tome 1, les auteurs nous avaient piégés en ne nous révélant pas toutes les pensées du héros. Ici on se sent vraiment complètement avec lui, dans sa tête. On voudrait à tout prix qu'il trouve un échappatoire tant sa détresse fait peine. Il est clairement le pivot de l'histoire, et l'absence de Mathilde dans un premier temps permet de mieux le positionner, en dehors de leur tandem habituel.
Le nouveau duo qu'il forme avec Lothar est assez fascinant et jouissif. Les auteurs instaurent un jeu, une gymnastique intellectuelle, qui à chaque dialogue fait bondir notre pensée vers les scènes passées. En effet, comme Lothar le lecteur sait et ne peut que ré-agencer dans sa vérité chaque fausse parole du traître. le personnage de Lothar prend ici plus de consistance et de réalité. Autre sujet sur lequel on a plus de matière : le Livre des Peurs. Ca y est nous sommes au coeur du sujet qui était effleuré dans le début de l'histoire des Haut-Conteurs. Ce tome-ci est tout entier tourné vers la résolution des énigmes de ce livre de prophétie. Pas seulement la compréhension des pages, mais le "comment" et le "pourquoi"même de ce livre. Et Roland se trouve en fait dans un lieu totalement dévoué aux forces du mal et au plus près de la révélation.
L'univers de la montagne hurlante est un vrai cauchemar. Un cauchemar terrible et fascinant, Lovecraftien, comme je le disais en introduction. Ce monde est clôt par un fjörd : une forêt, une village, une montagne. Sous la montagne se trouve une antique cité qui n'a pu être construite de la main de l'homme. Il est peuplé de sorcières, de spectres et de démons. Toute la cité labyrinthique suinte le mal, comme l'horrible statuaire des fontaines. Roland ne cesse de tenter de s'échapper et se retrouve prisonnier dès que les sorcières le retrouvent, sur leur simple regard. Étant amnésique, il croit chaque fois découvrir de nouveaux lieux ou de nouveaux personnages. Les deux plus inquiétants sont les seuls qui lui parlent et semblent (parfois) disposer à l'aider : Asa-des-songes, l'enfant qui apparaît quand elle le veut, et l'Immortel, le gardien fou des fosses qui hurle de démence. J'ai adoré cette impression persistante d'oppression. Tout semble tourner en boucle mais pourtant, imperceptiblement, l'histoire avance : par le biais de l'intervention de Lothar, par l'imminence du sacrifice final, par la quête des autres Conteurs.
On retrouve de nombreux effets de miroir. Ainsi les transes de doutes qui traversent Roland, l'entraînant au bord de la folie, ont pour pendant la folie totale de l'Immortel chez qui se succèdent démence profonde et lucidité. le compagnonnage avec Lothar est le miroir grotesque de son amitié avec Mathilde. Asa-des-songes représente un aspect des forces démoniaques de ce monde (comme les 13), mais en parallèle elle personnifie l'innocence sacrifiée (comme Roland). Roland est drogué par les sorcières, mais c'est en prenant le contre-poison qu'il vit des hallucinations.
Tout cela fait qu'il est difficile de lâcher la lecture, qui devient une sorte de drogue : comme Roland le lecteur est obsédé par l'idée de trouver une issue et un sens à tout cela. Un livre porté par un souffle noir, celui du Livre des Peurs, qui est plus mature, moins jeunesse. de fait Roland, telle la Belle au bois, a dormi longtemps, et comme elle, il se réveille adulte.
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