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Critique de Ys


C'est d'une masse de souvenirs parfois étrangement précis, parfois bizarrement confus, que le baron von Yosch extirpe son histoire. Cinq journées, pas plus, ciinq journées de cauchemar au cours desquelles son existence a vacillé au bord d'un gouffre, à un doigt de basculer.
Tout avait commencé, semble-t-il, de la plus agréable manière : un groupe d'amis réunis un soir dans un salon de musique pour jouer du Brahms et du Beethoven avant le dîner. Pourtant... la maîtresse de maison était aimée encore, jalousement, par le baron, qu'elle avait quitté pour en épouser un autre. Pourtant, cet autre, Eugen Bischoff, comédien célèbre, se sentait irrémédiablement vieillir, perdait le feu sacré de l'inspiration et finirait tôt ou tard par découvrir la faillite de la banque où il avait placé toute sa fortune. Ce soir-là, le baron était nerveux, le comédien troublé. L'assemblée se disloqua un moment - et soudain, deux coups de feu dans le pavillon du jardin. le premier, Eugen l'avait tiré dans le mur, le second, il se l'était tiré dans la tête.
Bientôt, l'affaire ne fait plus de doutes pour grand monde : c'est von Yosch qui l'a ainsi acculé au suicide. Et von Yosh lui-même hésite, bouleversé, incertain, perdu, avant de se reprendre : bien sûr que non, il n'a rien fait de tel ! Sur son honneur ! le seul à croire en son innocence, toutefois, est un ingénieur à l'esprit affûté, qui ne tarde pas à noter quelques similitudes déroutantes entre cette mort et un autre suicide inexpliqué dont on parlait, justement, au dîner. Et si le coupable était quelque chose de bien plus obscur, de bien plus dangereux et dérangeant qu'un simple amant jaloux ?

Enquête teintée de fantastique dans une Vienne d'avant-guerres, détours tortueux dans l'âme humaine, exploration des pouvoirs de la peur, des désirs frustrés et de la culpabilité... le Maître du Jugement dernier égare son lecteur dans un piège tortueux, un rêve éveillé où ses certitudes ne tardent pas à vaciller avec les lois trop droites de la raison. Léo Perutz a un talent tout particulier pour ça, pour donner à sentir la confusion, la perte des repères, le basculement d'abord subtil, vertigineux bientôt, vers une réalité autre, où tout devient possible. Il l'exploite ici sur une structure un chouïa plus classique que dans d'autres textes, mais ce roman n'en est peut-être que plus efficace. Il se lit d'un trait, avec fascination, jusqu'à une chute qui fait tout fourcher à nouveau, ouvre la voie aux interprétations et redouble en même temps la puissance du propos.

"Nous sommes tous des créatures ratées, des échecs de la grande volonté du Créateur. Nous portons en nous sans le savoir un ennemi formidable. Il ne bouge pas, il dort, il a l'air mort. Gare s'il se réveille !"
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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