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Critique de colimasson


Austère et noble, Fernando Pessoa sans pseudonyme se promène dans les rues de Lisbonne. Vous croyez ouvrir un guide touristique ? on ne connaîtra même pas les noms des bons endroits pour aller casser la croûte. Fernando Pessoa fait mine de se préoccuper de son hôte mais il nous livre un guide sans foi ni loi, qui nous fait courir d'un bout à l'autre de la ville comme si les routes étaient praticables aujourd'hui comme au siècle dernier. On s'arrête sur une place, devant une statue ou un bâtiment, on apprend une foule de choses inutiles ou illustres :


« le musée d'Ethnologie, qui occupe la dernière aile de l'édifice, est ouvert au public tous les jours ouvrables, sauf le lundi, de onze à dix-sept heures ; il a été fondé en 1893 et transféré en ces lieux en 1903. Il contient des collections archéologiques, anthropologiques et ethnologiques de grande valeur. »


Hormis ces quelques indications périmées, Fernando Pessoa se montre guide contemplatif : il nous prend par la main, nous transporte ici ou là, parfois devant l'anodin, et nous impose de réfléchir à la quantité d'êtres humains impliqués dans l'élaboration d'une statue, d'une place ou d'un bâtiment. Tout l'insignifiant se trouve à nouveau convoqué dans la contemplation muette et humiliée du symbole. La démonstration se fait dans la suggestion, pour ne pas dire, parfois, dans l'ennui le plus hostile.


Les documents annexes sont plus savoureux car ils flattent la curiosité gravitant autour de la vie menée par Fernando Pessoa. le témoignage de sa demi-soeur Henriqueta Madalena prolonge le rêve d'un homme solitaire avec qui on aurait aimé découvrir Lisbonne, certainement sous d'autres aspects que ceux présentés dans ce livre :


« Il passait son temps à écrire. Et à faire des horoscopes. Parfois, il venait dans la cuisine et nous disait : « Voulez-vous que je vous lise ce que j'ai écrit ? » Ma mère disait toujours oui… Il avait une vie assez peu réglée. Il allait au bureau le jour, sortait le soir, traversait la ville à pied, rentrait et se mettait à écrire. Il buvait et fumait beaucoup. Et prenait des bains froids. Sa santé était fragile et il se plaignait fréquemment. Très souvent, il ne se couchait pas et déambulait toute la nuit dans l'appartement. »


Mais notre compagnie aurait peut-être entravé cet homme qui semblait ne pas pouvoir se contenter de simples promenades digestives… Même lorsqu'il écrit sans masque, Fernando Pessoa ne peut s'empêcher de révéler plus qu'il ne veut bien l'écrire et on finit par imaginer un homme qui parcourait les rues de Lisbonne comme Henry David Thoreau gravissait une montagne : avec l'acharnement illuminé de l'homme qui n'est jamais assouvi.
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