Presque une impression d'essoufflement en fermant le livre sur sa dernière page. Un fil tendu quelque part à l'intérieur de soi. L'idée qui traverse l'esprit d'aller ouvrir un dictionnaire médical pour donner dans le corps sa place à chaque organe.
Le journal d'une greffe est divisée en deux parties, l'attente et le don. L'attente alors que le corps se décompose, que les dialyses rythment les semaines faites de malaises et de souffrances. Le don enfin, la transplantation reins-pancréas réussie, car Véronique Petetin publie ce journal vingt ans plus tard. Les interrogations, doutes, peurs sont là à fleur de mots, la présence des amis, les médecins en qui on place sa confiance, le donneur jeune homme de 33 ans mort d'une rupture d'anévrisme dont on ne sait rien de plus, mais omniprésent. Lui ne vivra pas l'été qui vient, mais ne sont-ils peut-être pas deux à renaître au monde, donneur et greffée, l'auteur de ce témoignage saisissant ?
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La sensation est d'entrer de plus en plus dans une profonde coupure. Il y a un être social qui travaille, parle, se déplace, et un être sans nom qui se meurt. Là n'est pas une métaphore. L'organisme en insuffisance rénale est engagé dans un processus irréversible qui mène à la mort. C'est une réalité biologique que les discours médicaux ne peuvent pas défaire. "Vous irez en dialyse, on ne meurt plus d'insuffisance rénale depuis trente ans." Qui aurait le force de dire : "Vous vivez en ce moment une expérience terrible et vos viscères ne savent pas que l'hémodialyse existe et qu'elle les fera survivre."
Un jour, je pourrai prendre une bouteille d'eau très fraîche et la boire d'une seule traite, sans souffler, sans respirer, d'une seule goulée, à en avoir le ventre plein à éclater. Bientôt, je pourrai boire toutes les boissons du monde et, surtout, avant tout, me saouler au champagne rosé, sans retenue, une sacrée cuite que ce sera, por tout laver. (p. 82)